Le président Joseph Kabila s’est adressé à la nation dans un discours à la télévision nationale, appelant la classe politique à s’approprier du processus électoral en cours, sans toutefois se prononcer sur son avenir politique.
Un de ses proches du Président congolais était pourtant sûr et certain. “Selon le dernier discours que j’ai pu consulter, il s’agit d’une adresse émouvante à la Nation, où le président va, pour la première fois, annoncer des grandes nouvelles sur son avenir“, rapportait-il, refusant de donner plus de détails. Il ne sera question d’aucune annonce. Dans son allocution, Joseph Kabila est resté égal à lui-même: combatif plus que jamais, revenant de nouveau sur son discours souverainiste.
“Les futures élections permettront la consolidation de la démocratie congolaise qui ne doit souffrir d’aucun complexe“, dit le Chef de l’Etat congolais, tout en appelant les Congolais à faire face à “toutes les menaces qui pèsent sur l’ autodétermination de la RDC.” Dans le fond, la grande annonce de ce discours n’est sans doute que la présence de Kabila devant les téléspectateurs, alors qu’i avait séché cet exercice l’année dernière.
Que s’est-il passé?
Pourtant, derrière les caméras, beaucoup de choses ont changé aux dernières minutes de l’intervention du Président. D’abord, et comme on le confirmera plus tard, le défilé militaire prévu pour la célébration de ce 58ème anniversaire de la fête de l’indépendance sera annulé. Officiellement, aucune raison n’est donnée. On parle plutôt, dans une note consultée par POLITICO.CD, d’une “marche” et des activités sportives.
Par ailleurs, ce discours parait comme une réponse aux multiples pressions exercées par plusieurs organisations tant nationales qu”internationales. Dès mercredi à Kinshasa, les Etats-Unis étaient les premiers à monter au créneau pour demander au président congolais de s’en aller à l’issue des élections prévues cette année. “Le Président Kabila peut devenir un héros dans l’histoire congolaise, s’il façonne, en décembre de cette année, le premier transfert pacifique, crédible et démocratique du pouvoir de son pays” a déclaré Jennifer Haskell, chargée d’affaires à l’ambassade des États-Unis à Kinshasa.
Un peu plus tôt dans la semaine, le Département d’Etat américain a annoncé des nouvelles sanctions contre des autorités congolaises. Pour les États-Unis, ces personnalités sont responsables des violations “flagrantes” des droits de l’homme ou coupables des faits de corruption.
De son côté, l’organisation Human Rights Watch a appelé vendredi le Chef de l’Etat congolais à se prononcer sur son avenir. « Il y a toujours beaucoup d’incertitudes quant à savoir si le Président Kabila va se retirer en accord avec la Constitution, et permettre un scrutin crédible qui marquerait la première transition démocratique en RD Congo depuis son indépendance », a déclaré Ida Sawyer, directrice pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Si Kabila ne le fait pas, cela renforcera le risque de violences et d’instabilité à grande échelle, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour toute la région. »
Des calculs politiques bouleversés
Dans la même lignée, les prêtres de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) ont lancé un vibrant appel à “sauver le processus électoral” dans la journée, insistant sur le fait que le président Joseph Kabila se devait d’apaiser l’opinion en déclarant clairement qu’il ne se représentera pas.
Plus loin, le discours insipide de Kabila relève tout aussi un changement de cap brusque, lié aux données politiques qui ont diamétralement évolué depuis l’acquittement de l’opposant Jean-Pierre Bemba, le 8 juin dernier par la Cour Pénale Internationale (CPI). La libération soudaine du leader du Mouvement de Libération du Congo (MLC) porte un coup fatal aux plans du Président à se choisir un successeur.
En effet, si ses principaux opposants dont Moïse Katumbi, ont pu être facilement écarte du prochain vote, la participation de Jean-Pierre Bemba, leader populaire de l’opposition et principal challenger de Kabila à la Présidentielle de 2006, amoindrie sérieusement les chances du pouvoir congolais au prochain scrutin. Par ailleurs, alors qu’il n’a pas encore pris la parole depuis sa libération, les faits et gestes de Bemba sont scrutés à Kinshasa où la Majorité Présidentielle a d’ailleurs montré de signaux d’accalmie, dans l’idée d’éviter un affrontement frontal.
Une fois de plus, Joseph Kabila se garde ainsi toutes les options, y compris celle de se représenter, alors que la Commission électorale devrait bientôt organiser les dépôts de candidature pour la prochaine Présidentielle. Une chose restera sûre: le discours de ce soir n’est pas celui qui était prévu.