FIFA, IAAF,… A qui le tour ?

Les scandales qui ébranlent la Fifa et l’IAAF, deux des plus grandes instances sportives mondiales, pourraient créer un effet domino pour d’autres fédérations, à leur tour menacées et forcées à davantage de transparence, estiment nombre d’experts.

« Après ce coup de projecteur médiatique sur la Fifa et l’IAAF, ça va être le tour d’autres fédérations », prédit à l’AFP l’Anglais Patrick Nally, l’une des pointures du marketing sportif, qui œuvre notamment pour le Comité international olympique (CIO). « Cela signifie que les fédérations vont devenir plus transparentes ».

Depuis plusieurs mois, la Fifa (Fédération internationale de football) et l’IAAF (Fédération internationale d’athlétisme) défraient la chronique pour des scandales de corruption.

Dans son rapport annuel sur la gouvernance du sport, rendu public en octobre, l’ONG danoise Play the Game, qui prône la transparence dans le sport, accablait la mauvaise gestion et l’opacité de quasi toutes les fédérations sportives internationales.

Le chercheur Arnout Geeraert établit dans ce document un classement des 35 fédérations olympiques en matière de démocratie, transparence et gouvernance.

La Fifa, pourtant devenue cette année le symbole de l’opacité dans le sport, y est classée… deuxième, derrière la fédération équestre internationale.

Ce qui, selon l’auteur du document, en dit long sur les pratiques en vigueur dans ces instances. Absence de limite des mandats, de commission d’éthique, de transparence des rémunérations et défraiements, d’audit de gestion… Le rapport est « déprimant », selon Geeraert.

La Fifa et l’IAAF ne seraient-elles que la partie émergée de l’iceberg ? « Quand il y a moins d’argent en jeu on y prête moins attention, mais ça ne veut pas dire que tout va bien », juge l’Allemande Sylvia Schenk, spécialiste du sport à l’ONG anti-corruption Transparency International.

« Le sport pourrait connaître un big bang avec le Fifagate », analyse l’économiste du sport Vincent Chaudel, vice-président du think tank Sport et citoyenneté.

« L’organisation du sport est sans doute au bout de son modèle, ajoute M. Chaudel. Notre société est celle de l’ultra-communication et réclame plus de transparence. Il y a un décalage entre cette exigence et les us et coutumes » des fédérations sportives. Créées dans la foulée du Comité international olympique (CIO) au début du XXe siècle sur le principe de leur indépendance des sphères économique et politique, les fédérations sportives édictent et s’appliquent leurs propres règles. Une situation désormais intenable.

Spécialiste des questions éthiques, le Français Jean-François Vilotte, ex-patron de l’Arjel (Autorité de régulation des jeux en ligne) estime indispensable « que le mouvement sportif accepte d’engager des réformes avec des structures indépendantes de contrôle ».

En leur absence, les Etats, souverains dès lors que des agissements répréhensibles sont commis sur leur sol, ont un rôle prépondérant à jouer, juge M. Vilotte.

Au premier chef, la Suisse, qui héberge l’immense majorité des organisations sportives internationales et a, dans le cas de l’affaire Fifa, emboîté le pas des Etats-Unis, précurseurs dans l’enquête.

« Il y a dix ans, ce pays aurait jugé inconcevable d’arrêter des dirigeants sportifs », note Jean-François Vilotte.

Entre décembre 2014 et juin 2015, les parlementaires suisses ont, sous la pression américaine, établi les délits de blanchiment d’argent et de corruption pour les dirigeants sportifs qui n’y étaient jusque-là pas soumis, ouvrant la voie à la fin de l’impunité pour un monde en vase clos.

Le CIO, qui a péché en son temps, est désormais intraitable sur les questions d’éthique et pourrait accélérer la mise aux normes de ses fédérations affiliées.

Mais le temps presse, souligne M. Vilotte: « Plus le mouvement sportif tardera à donner des gages de transparence, plus les états auront la tentation de s’emparer du sujet sur le plan pénal ».