C’est un dessin à la Une du Potentiel à Kinshasa. On y voit un bus symbolisant l’opposition avançant à toute allure, avec un Moïse Katumbi qui affirme par la portière : « nous avons deux nouveaux pilotes. Que celui qui est mal à l’aise saute maintenant avant qu’on atteigne la vitesse de croisière. Il n’y aura aucun arrêt avant les élections ! » Deux passagers ont sauté… Il s’agit de Joseph Olenghakoy et de Bruno Tshibala. Tout deux refusent la nomination à la tête du Rassemblement de Félix Tshisekedi et de Pierre Lumbi.
En effet, pointe Afrikarabia, « un peu plus d’un mois après le décès de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, le Rassemblement de l’opposition a désigné (en fin de semaine dernière) une direction à deux têtes composée de Félix Tshisekedi, le fils du leader emblématique, qui prend la présidence de la plateforme et de Pierre Lumbi, membre du G7, l’une des composantes phares du Rassemblement. Dauphin naturel d’Etienne Tshisekedi, la nomination de Félix Tshisekedi n’est pas une surprise. Seule l’arrivée de Pierre Lumbi à la co-gestion du mouvement constitue la nouveauté de ce Rassemblement ‘recomposé’. »
Il faut dire que derrière Pierre Lumbi, il y a à la manœuvre, relève encore Afrikarabia, un certain Moïse Katumbi… « Actuellement aux Etats-Unis pour activer ses soutiens américains et voir comment la nouvelle équipe Trump va traiter le dossier congolais, Moïse Katumbi, l’opposant exilé par Kabila, espère bien rentrer rapidement au pays pour pouvoir peser de nouveau sur la scène politique… et ne pas trop laisser le champ libre à Félix Tshisekedi, qui, Primature ou pas, lorgne également sur la prochaine présidentielle. »
Frères ennemis
Autre duel également en filigrane : celui qui oppose le même Moïse Katumbi et son propre frère, Raphaël Katebe Katoto…
« Un duel qui était resté jusque-là sous-terrain, les deux hommes avançant d’abord chacun leurs pions, relève le site d’information congolais Cas-Info. Le G7 et l’Alternance pour la République (AR) pour Katumbi, qui obtient, jeudi, la désignation de Félix Tshisekedi et de Pierre Lumbi à la tête de la nouvelle direction du Rassemblement, ainsi que la suspension quelques jours plus tôt de Katebe Katoto pour sa sortie polémique sur le choix du Premier ministre. Réplique immédiate des plateformes pro-Katebe qui portent à leur tour Olenghakoy à la présidence du Conseildes sages en réhabilitant, au passage, l’homme d’affaires de sa suspension. »
Désormais, pointe encore Cas-Info, « l’approche entre les deux frères ‘ennemis’ face au régime de Joseph Kabila est aux antipodes. Pour Katebe Katoto, un rapprochement avec le chef de l’État n’est plus à exclure. ‘Nous avons nous-même accepté de le maintenir au pouvoir’, a-t-il martelé lors de sa conférence de presse à Kinshasa. Tandis que Moïse Katumbi qui réagissait dans la foulée sur la brouille au sein du Rassemblement, adoptait, quant à lui, un ton plutôt offensif contre le chef de l’État qu’il a accusé d’acheter les opposants pour désétatiser le Rassemblement. »
Kabila se frotte les mains
Du coup, pour le quotidien Le Pays au Burkina, « on se demande bien si cette bagarre de byzantins, à laquelle on assiste depuis peu au sein de l’opposition congolaise, ne cache pas un jeu d’intérêts, surtout qu’il se susurre que le pouvoir a versé de l’argent à certains hommes politiques pour faire exploser le Rassemblement. Ce qui paraît pour le moins vraisemblable, quand on sait que Kabila fait feu de tout bois pour prolonger son mandat qui, suivant l’accord de la Saint-Sylvestre, s’achève en décembre prochain. (…) En clair donc, poursuit Le Pays, pendant que les héritiers du Sphinx de Limete se déchirent, Joseph Kabila, lui, se frotte les mains. Car, cela lui permet non seulement de gagner du temps, mais aussi de reprendre la main face à des opposants qui passeront du temps à tirer à hue et à dia. »
Et « c’est à se demander, soupire le quotidien ouagalais, si, au regard de ce qui se passe, l’opposition, notamment le Rassemblement, n’est pas en train de jouer le jeu du pouvoir et ce, en dépit des signes d’agacement et de lassitude qu’affichent de plus en plus les hommes d’Eglise qui essaient tant bien que mal de démêler l’écheveau. A preuve, ces derniers ont une nouvelle fois demandé aux neuf composantes du Rassemblement de s’entendre pour sauver l’accord politique dont tout le monde attend la mise en œuvre. En tout cas, conclut Le Pays, pour le moment, l’optimisme n’est pas permis. Car, à l’allure où vont les choses, la RDC court le risque d’un basculement si, aux violences communautaires qui ont cours dans le pays, venaient s’ajouter des tensions politiques. »
Par Frédéric Couteau (rfi)