Le chef d’un mouvement insurrectionnel contestant l’autorité du président congolais Joseph Kabila s’est évadé mercredi de la prison centrale de Makala à Kinshasa à la faveur d’une attaque menée avant l’aube.
La date choisie pour cette évasion est symbolique puisque mercredi est férié en République démocratique du Congo : le pays commémore cette année le vingtième anniversaire de la chute du dictateur Mobutu Sese Seko et l’avènement du chef rebelle Laurent-Désiré Kabila, père de Joseph.
« Les adeptes de Bundu Dia Kongo ont attaqué dès l’aube la prison de Makala, faisant évader une cinquantaine de prisonniers dont leur gourou, Ne Muanda Nsemi. La police poursuit les assaillants », a déclaré à l’AFP le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende.
Député, Ne Muanda Nsemi est le chef de Bundu Dia Kongo (BDK, « Royaume du Kongo » en kikongo), mouvement politico-religieux prônant une scission du Kongo-central (province de l’Ouest de la RDC) et accusé d’avoir mené une série d’attaques meurtrières contre des symboles et des représentants de l’État en janvier et février 2016.
Il a été arrêté début mars après deux semaines de siège de sa résidence à Kinshasa. Le chef de BDK avait appelé auparavant à un soulèvement contre M. Kabila après une tentative avortée de rapprochement avec le chef de l’État.
M. Kabila a accédé au pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père. Il a été élu président en 2006 et réélu en 2011, lors d’un scrutin entaché de fraudes massives. Son mandat s’est achevé en décembre et la Constitution lui interdit de se représenter, mais il se maintient à la tête du pays en vertu d’un arrêt controversé de la Cour constitutionnelle.
Vers 08h30 (07h30 GMT), une épaisse colonne de fumée noire s’élevait de la prison de Makala, dans le centre de la capitale de la République démocratique du Congo, a constaté un journaliste de l’AFP. L’accès au pénitencier était interdit par un imposant cordon de dizaines de policiers et militaires, alors que les habitants du quartier vaquaient librement à leurs occupations, dans une atmosphère d’indifférence générale.
Selon des riverains, l’opération contre la prison aurait été menée par une centaine d’assaillants, parmi lesquels de nombreuses femmes.
Selon un détenu de droit commun ayant réussi à s’échapper, l’opération a commencé « vers 4h00 du matin », et « une centaine » de prisonniers se seraient échappés. Plusieurs habitants du quartier donnent une estimation similaire.
– Explosions et tirs –
Le bruit de plusieurs explosions et des tirs d’armes automatiques a percé la nuit et réveillé un journaliste de l’AFP à plusieurs kilomètres de la prison vers 04h00 (03h00 GMT).
Des informations faisant état de morts parmi les gardes de la prison et les détenus n’ont pu être recoupées ou confirmées auprès des autorités.
En milieu de matinée, un journaliste de l’AFP a croisé un détachement de policiers ramenant un groupe de 13 détenus évadés vers la prison.
Selon des sources administratives, plus de 8.000 prisonniers s’entassent à Makala, bâtiment construit sous la colonisation belge dont la capacité d’accueil est de 3.000 places.
Bundu Dia Kongo prône la restauration du royaume Kongo, qui a connu son apogée au XVIe siècle et dont l’autorité s’étendait sur l’actuel Kongo-central et des territoires aujourd’hui en Angola, au Congo-Brazzaville et au Gabon.
En 2008, la secte avait été visée par une violente opération militaire, après avoir mené une série d’attaques contre des agents de l’État et avoir appelé la population locale à chasser de la province les « non-originaires ».
L’attaque contre la prison de Makala rappelle l’évasion spectaculaire d’un chef de milice congolais Kyungu Mutanga, alias Gédéon, condamné pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Il avait été exfiltré en 2011 d’une prison de haute sécurité à Lubumbashi, capitale de l’ancienne province du Katanga (sud-est).
Les résultats de l’enquête officielle sur cette évasion n’ont jamais été publiés. Accusé d’avoir mis à feu et à sang une partie du centre du Katanga après son évasion, Gédéon est sorti de la clandestinité en octobre à Lubumbashi, à l’occasion d’une cérémonie officielle organisée à l’occasion de sa reddition « à l’appel du président » Kabila, ainsi qu’il l’avait affirmé. Depuis lors, il vit officiellement en résidence surveillée.
(AFP 17/05/17)