Un œil sur la succession de son beau-père à Luanda, l’autre tourné vers l’opposition anti-Kabila à Kinshasa: gendre du président angolais sortant José Eduardo dos Santos, l’homme d’affaires et mécène congolais Sindika Dokolo, s’implique de plus en plus dans la crise politique dans son propre pays.
Alors que l’Angola vote mercredi pour élire le successeur du président dos Santos, l’époux de sa fille Isabel – surnommée la « Princesse » en raison de la fortune du couple – vient de lancer sur les réseaux sociaux un mouvement « Les Congolais debout » contre Joseph Kabila.
Sur une photo récente, l’élégant quadragénaire, jusque là connu pour ses investissements et les milliers d’œuvres de sa collection d’art africain, pose main dans la main avec les deux grandes figures de l’opposition congolaise, Moïse Katumbi et Félix Tshisekedi.
– ‘Pas Macron’ –
Des ambitions politiques ? « Certainement pas », répond à l’AFP Dokolo, 45 ans, marié depuis 2002 à Isabel dos Santos. « Ce n’est pas une stratégie à la Macron », affirme l’ancien élève d’un lycée privé parisien en référence à la conquête-éclair du pouvoir par le jeune président français (39 ans).
Dokolo est né en 1972 d’une mère danoise, qui lui fait visiter tous les musées d’Europe, et d’un homme d’affaires florissant sous le régime de Mobutu Sese Seko, tombé en disgrâce avant le renversement du vieux maréchal en 1997.
« Mon père a été le premier Congolais à créer une banque, la Banque de Kinshasa. Nous possédons encore de nombreux actifs stratégiques aux quatre coins du pays », raconte Dokolo dans un entretien à Afrique Magazine en août.
Après une jeunesse dorée entre l’Europe et l’Afrique, et l’exil pendant les deux guerres civiles dans l’ex-Zaïre (1997-2003), le jeune homme au look mi-dandy, mi-étudiant hipster avec ses montures de lunettes à la Buddy Holly, parvient à se faire accepter au sein du clan dos Santos.
Née d’une mère russe championne d’échec, à l’époque des noces d’or de son père avec le camp soviétique, Isabel dos Santos est la femme la plus riche d’Afrique avec plus de trois milliards de dollars, d’après le magazine Forbes.
– Oligarques africains –
Habitué du festival de Cannes, des plages privées de Saint-Tropez et des palaces de Londres, le « premier couple d’oligarques africains » comme l’appelle le journal suisse Le Temps, s’enrichit dans la téléphonie, les mines de diamants, la banque, l’immobilier…
Et le pétrole. Isabel dos Santos a été propulsée en 2016 à la tête de la compagnie nationale Sonangol qui a dégagé un bénéfice avant impôt de 3,16 milliards de dollars, malgré la baisse des prix du baril. « Népotisme », dénonce ses détracteurs.
En Angola, Sindika Dokolo possède une des plus grandes mines de diamants et le « Palais de fer », la plus grande salle de spectacles de Luanda.
En Europe, le couple serait considéré par les banques comme des « +personnalités exposées politiquement+, autrement dit qui présentent un risque de corruption », selon une enquête récente du journal Le Temps. Réponse de Dokolo: « Je n’accepte pas que nous, les Africains riches, devions nous excuser ou nous justifier ». Et d’ajouter: « Je préfère que la richesse du continent revienne à un Noir corrompu plutôt qu’à un Blanc néo-colonialiste ».
Dans son pays d’origine, Dokolo a été condamné dans une affaire immobilière qui l’empêche de revenir en RDC, tout comme son allié politique Katumbi. « Intimidation dans le but de me décourager à me présenter aux élections », dénonce-t-il dans ce même entretien à l’AFP où il nie toute ambition politique.
En Angola, le « gendre » a tenté d’afficher une proximité avec le dauphin du président dos Santos et grand favori de l’élection mercredi, l’actuel ministre de la Défense Joao Lourenço, en saluant « sa maîtrise profonde du dossier RDC ».
L’Angola veut « éviter que l’affaiblissement de ce grand voisin ne crée de l’instabilité dans la sous-région », analyse Dokolo.
« Je connais profondément ces deux pays. Je crois qu’une relation de partenariat stratégique fondée sur le respect mutuel serait une vraie source de stabilité et de développement pour toute l’Afrique centrale », affirme Dokolo, comme s’il souhaitait jouer un rôle de trait d’union entre les deux géants de la sous-région.