Le verdict est attendu pour mardi 19 septembre prochain, mais les révélations de Radio France Internationale semblent déjà piéger le prononcé des juges dans l’affaire d’assassinat, en mars dernier, de deux experts de l’Onu, dans la région du Kasaï, alors en proie à une violence inouïe. La dernière audience au tribunal de garnison de Kananga est intervenue le mardi 12 septembre dernier et, après examen des exceptions soulevées par la défense, l’affaire a été prise en délibérée. Douze pré- venus, au total, ont comparu pour crime de guerre, terrorisme et participation à un mouvement insurrectionnel.
C’est donc dans l’intermède séparant le retrait du tribunal pour se pencher sur le verdict à rendre le mardi prochain que la correspondante de RFI, Sonia Rolley, procè- de à de nouvelles révélations dans une affaire désormais rocambolesque. Dans cette livraison aux allures d’accusation, l’envoyée spé- ciale de la radio française détaille : «Michael Sharp et Zaida Catalan avaient rendez-vous avec un chef d’une des délégations de la cour Kamuina Nsapu venue négocier un accord avec le gouvernement congolais. Nous sommes à la veille de la mort des deux experts. Ils préparent une mission dans la localité de Bunkonde à deux heures de route de Kananga où, disent-ils, ils espèrent en savoir plus sur des groupes de miliciens « très différents » de ce qu’ils savent des adeptes de Kamuina Nsapu. Des miliciens « mieux armés » notamment.
L’interlocuteur des deux experts ne parle pas français. A plusieurs reprises, il met en garde les deux experts contre l’idée de se rendre à Bunkonde et leur suggère de se rendre plutôt dans le village Kamuina Nsapu, où il pense pouvoir contrôler les miliciens. Mais jamais ces mises en garde en ciluba, la langue locale, ne seront traduites, au contraire. Toutes les garanties de sécurité sont données. Et parmi les personnes qui mentent aux deux experts, RFI a réussi à identifi er leur interprète présumé : Betu Tshintela qui va les accompagner, son cousin José Tshibuabua, agent de l’agence nationale des services de renseignement, l’ANR. Et un membre de la famille royale, proche du nouveau chef, Thomas Nkashama qui ment sur son identité et se fait appeler Tom Perriello, du nom de l’ancien envoyé spécial américain. Selon des proches et des témoins, Thomas Nkashama est aujourd’hui agent d’un autre service de sécurité congolais, la DGM.
Officiellement, le gouvernement congolais a dit après la mort des deux experts ne jamais avoir été informé de cette mission. Thomas Nkashama et José Tshibuabua n’ont jamais comparu devant le tribunal de garnison militaire de Kananga. Ils étaient tous deux injoignables ces derniers jours. RFI n’est donc pas en mesure d’expliquer les motivations ».
Pour avoir juré d’administrer une cure de respect au personnel onusien à travers la planète, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ne manquera pas de se servir de cette brèche pour exiger la comparution des personnes citées. Avec pour effet immédiat de vider de sa substance le prononcé des juges de garnison ayant instruit l’affaire depuis son début. Le bout du tunnel n’est donc pas encore à la portée de la Rdc appelée pourtant à gérer une fronde intérieure de plus en plus grandissante. La tribune des Nations unies en assemblée était donc ce piédestal bien espéré pour faire passer le message d’un nouveau glissement « glissement » dicté, cette fois-ci, par des contraintes techniques et sécuritaires.
Mais il semble inévitable de voir Michael Sharp et Zaida Catalan s’inviter à la tribune de la 72ème assemblée des Nations-Unies par des partenaires accrochés à la tenue, au plus tard fi n décembre 2017, des élections législatives et présidentielle. Surtout que les familles des disparus – surtout celle de Zaida Catalan, choquée par le traitement infligé à une femme – exercent une pression exponentielle sur le système des Nations-Unies aux fi ns d’obtenir toute la lumière sur la mésaventure de leurs parents. Une épine donc dans l’effort diplomatique de la Rdc appelée à prouver sa bonne foi dans la gestion de la Respublica, notamment sur le volet du respect des règles démocratiques.
Déjà, les premières interventions de l’assemblée ont tourné autour de la « paix et d’une vie décente pour tous sur une planète durable ». Dans son discours, Miroslav Lajčák, président de l’Assemblée générale, a prévenu : « L’ONU a été créée pour les populations (…) « Les populations qui ont le plus besoin de l’ONU ne sont pas assises dans cette salle aujourd’hui. Elles ne sont pas impliquées dans la négociation de résolutions. Elles ne prennent pas la parole lors d’événements de haut niveau. C’est l’une des tâches de l’Assemblée générale de veiller à ce que leurs voix puissent encore être entendues ».
Pour sa part, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a indiqué que « les populations du monde entier demandent à juste titre des changements et s’attendent à ce que les gouvernements et les d’institutions tiennent leurs promesses ». Les jours à venir promettent de riches rebondissements dans ce dossier, certes !
LR