Outsider de l’opposition il y a encore deux mois, Martin Fayulu est devenu en quelques semaines le pivot de l’élection présidentielle prévue le 23 décembre en République démocratique du Congo, le candidat qui concentre les attaques les plus virulentes du pouvoir en place.
Jusqu’au mois de novembre, l’ex-cadre dirigeant d’une multinationale du pétrole était un opposant parmi d’autres au chef de l’Etat Joseph Kabila.
Avec son petit parti Engagement pour la Citoyenneté et le Développement (Ecidé), M. Fayulu apparaissait au second plan par rapport à la formation historique d’opposition Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).
Depuis mi-2015, l’espace politique anti-président Joseph Kabila était en outre occupé par des opposants de très fraîche date qui venaient de quitter les cercles du pouvoir, comme l’ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi.
Enfin, le retour dans le jeu de l’ex-chef de guerre Jean-Pierre Bemba, acquitté en juin par la Cour pénale internationale, semblait condamner à jamais M. Fayulu aux seconds rôles au seuil de la soixantaine.
Le député lui-même estime avoir toujours été « relégué au second plan » par rapport aux autres opposants, affirme un de ses proches.
M. Fayulu est passé de l’ombre à la lumière le 11 novembre, date de la signature d’un accord entre opposants à Genève. En Suisse, il a reçu le soutien dans la course à la présidentielle de MM. Katumbi et Bemba, eux-mêmes empêchés se présenter.
L’homme d’affaires Katumbi et l’ex-vice-président Bemba pensaient sans doute garder le contrôle de « leur » candidat, par exemple en soutenant financièrement sa campagne.
A l’assaut du Katanga
« Ses parrains Katumbi et Bemba vont être surpris. Il regarde son intérêt à lui », poursuit le proche de M. Fayulu. « Martin est convaincu que c’est une mission divine qui lui a été donnée ».
Son lancement de campagne s’est fait tambour battant dans l’Est, dans la ville-martyre de Beni, puis à Kisangani où il a rassemblé une marée humaine, sans doute avec l’aide des réseaux Katumbi.
Le natif du Bandudu (centre-ouest) a ensuite commis une sorte de crime de quasi lèse-majesté en partant à l’assaut du Katanga, fief swahilophone du président de la République Joseph Kabila.
Plusieurs de ses partisans seraient morts dans des affrontements avec la police ou de présumés sympathisants de la majorité lors de ses deux étapes à Lubumbashi et Kalemie. Le pouvoir ne reconnaît que des blessés.
M. Fayulu affirme aussi avoir été empêché de se rendre à Kindu, le fief du candidat du pouvoir Emmanuel Ramazani Shadary, et Kolwezi, bastion minier du Katanga.
Le pouvoir lui reproche de vouloir saborder le processus électoral avec son refus de la fameuse « machine à voter », la procédure de vote retenue par les autorités pour le scrutin du dimanche 23 décembre.
« Il prépare une crise post-électorale et nous l’attendons au tournant », a prévenu le porte-parole du gouvernement et du candidat de la majorité, Lambert Mende.
« Cette crise là, nous l’avons anticipée et nous avons les moyens aussi bien humains que politiques pour y faire face », a-t-il poursuivi.
« Il y a des géants aussi dans l’opposition, mais certainement pas M. Fayulu », a conclu M. Mende, le traitant de « souris-naine ».
Avant de faire irruption dans la campagne, M. Fayulu s’était fait remarquer par son courage physique lors des manifestations anti-Kabila meurtrières de septembre 2016 (blessure à la tête) et les contestations anti-Kabila d’octobre 2017 (arrestation).
Né le 21 novembre 1956 à Kinshasa qui s’appelait encore Léopoldville, M. Fayulu a fait ses études en France et aux Etats-Unis.
A l’Institut supérieur de gestion de Paris, le « petit Congolais », qui avait passé son bac au pays, faisait partie d’une vingtaine d’étudiants admis en deuxième année parmi 2.000 au départ, racontait-il récemment, pour dénoncer l’abaissement depuis du système scolaire congolais.
M. Fayulu, qui veut injecter 126 milliards de dollars dans l’économie congolaise, a fini au poste de directeur général en Ethiopie sa carrière chez Exxon-Mobil.
A Kinshasa, il est aussi propriétaire d’un discret petit hôtel avec piscine brièvement fermé par les autorités. Un hôtel à mi-chemin entre la présidence et la résidence personnelle du chef de l’Etat.