Entre le CACH du chef de l’Etat Félix Tshisekedi et le FCC de Joseph Kabila, c’est déjà un affrontement sur la place publique. Les deux camps se lancent des flèches empoisonnées qui risquent de déstabiliser l’accord de coalition qui les lie. En réalité, derrière des déclarations incendiaires des uns et des autres, il y a les deux leaders, Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, qui agissent dans l’ombre.
L’objectif serait d’amener la coalition à l’implosion pour anticiper sur une rupture dont personne ne sait prédire avec exactitude les conséquences sur l’équilibre des institutions.
On n’ignore peut-être ce qui aurait été à la base des tensions entre le CACH et le FCC, deux partenaires à la coalition gouvernementale. En réalité, au départ il y avait cette sortie intempestive du PPRD à Lubumbashi où son secrétaire permanent, Emmanuel Ramazani Shadary, n’a pas eu des mots tendres envers l’UDPS, parti phare du CACH. Puis sont venues les regrettables scènes de destruction des effigies aussi bien du chef de l’Etat Félix Tshisekedi que de Joseph Kabila, autorité morale du FCC. Ces actes anti-démocratiques ont donc fini par faire déborder le vase, obligeant les uns et les autres à rompre leur silence.
Touchée dans son amour propre, l’UDPS a engagé une contre-offensive musclée pour défendre non seulement sa position au pouvoir mais aussi se mobiliser derrière son chef qui est aussi le chef de l’Etat. C’est Jean-Marc Kabund, président a.i. de l’UDPS, également 1er vice-président de l’Assemblée nationale, qui s’est chargé de régler les comptes au FCC. Jour choisi : mercredi devant le siège de l’UDPS, dans la commune de Limete.
Face à des combattants à la fois surexcités et surrévoltés, Kabund s’est fondu dans la foule, en usant non pas d’un langage conciliant entre partenaires à la coalition mais en arborant plutôt un discours de combattant. Le moins que l’on puisse dire est que Jean-Marc Kabund n’a pas épargné le FCC, encore moins son autorité morale, Joseph Kabila. L’UDPS, promet-il, ne se laissera pas faire. Il est allé plus loin en faisant savoir que l’UDPS n’excluait pas la possibilité de sortir de l’accord de coalition qui la lie au FCC. Pour le président a.i de l’UDPS, c’était le dernier avertissement.
Sans surprise, le FCC n’a pas tardé à réagir. Alors que Kabund faisait son show à Limete, la Conférence des présidents du FCC se réunissait en même temps. C’est par une déclaration au vitriol que le FCC a rendu sa position.
En effet, le FCC est prêt à sortir toutes ses griffes. Pour le moment, il se retient encore, pouvait-on lire dans cette déclaration. La plateforme politique de Joseph Kabila se veut méthodique. Pour l’instant, il préfère engager son combat sur le terrain institutionnel, avant sans doute d’envisager d’autres options.
« Le FCC demeure saisi de la question et promet d’y réserver des suites appropriées sur le plan institutionnel », clame la plateforme.
A qui profiterait la rupture ?
A voir de plus près, le FCC et le CACH jouent au cache-cache. Les deux camps s’observent en chiens de faïence. Le problème, personne, de part et d’autre, n’a encore le courage de franchir le Rubicon. Mais, tous les deux sont guidés par des mobiles diamétralement opposés.
D’un côté, le FCC cherche par tous les moyens à récupérer le pouvoir qu’il a perdu au terme des élections du 30 décembre 2018. De l’autre côté, le CACH, particulièrement l’UDPS, se tient prêt à mobiliser sa « Base » pour conserver par tous les moyens le pouvoir qu’il a conquis par la voie des urnes. C’est la veillée des armes.
A dire vrai, les deux leaders ne sont pas loin de tout ce qui envenime leur coalition. « Tout est question des rapports de forces », pensent nombre d’observateurs. En réalité, ce sont ces rapports de forces qui dictent le comportement des uns et des autres.
Le FCC, qui se trouve dans la position de challenger, digère mal le second rôle qui lui est confié, après avoir régné en maître absolu pendant 18 ans. En face, il est confronté à l’UDPS, qui, après 37 ans d’un combat politique acharné, est enfin parvenue au perchoir. L’UDPS tient à son parfait sésame. Il est prêt à le conserver – à tout prix.
Tout compte fait, on se retrouve face à deux partenaires qui, tout en étant à bord d’une même barque, se détestent en même temps. Il faut craindre que le navire FCC-CACH ne chavire en haute mer.
En tout cas, pour l’instant, des éléments du puzzle prédisant pareil scénario se mettent en place. Qui sauvera donc cette coalition ? Encore une fois, tous les regards sont tournés vers le chef de l’Etat Félix Tshisekedi et son partenaire, Joseph Kabila.
A en croire un tweet attribué à Kasongo Mwema Yamba Yamba, porte-parole de Félix Tshisekedi, il y a une bonne raison de croire à une désescalade. Selon lui, s’adressant aux décideurs politiques et économiques de l’OCDE, Félix Tshisekedi a tenté de jouer à l’apaisement en déclarant qu’« il n’y a pas de dualité à la tête du pays ». Et au chef de l’Etat de poursuivre : « Mon prédécesseur ne me gêne en rien. Mon ambition ? Faire de nouveau du Congo un pays compétitif, attrayant, rassurant ».
Si ces propos de Félix Tshisekedi peuvent bien apaiser les esprits, sur le terrain, par contre, ça sent le roussi.