Le lundi dernier, les Congolais avaient les yeux rivés sur l’ouverture de la nouvelle session parlementaire. Tout le monde attendait avec impatience les discours d’ouverture des débats au Sénat et à l’Assemblée nationale. L’enjeu : quelle sera la nature de la modification de la Constitution ? Une démarche initiée par la majorité, contestée par l’opposition et la société civile. Figurant à l’ordre du jour de la session, la révision de la Constitution passera ou ne passera pas ? C’est la grande question que l’opinion se pose. A la majorité, certaines langues prédisent qu’elle passera ; tandis qu’à l’opposition l’on soutient qu’elle ne passera pas. Le bras de fer est ainsi engagé entre les deux blocs politiques qui refusent de faire des concessions.
Lors de son discours de rentrée parlementaire, prononcé en présence de ministres et de diplomates étrangers, l’opposant républicain Léon Kengo wa Dondo s’est voulu clair : « Il ne faut pas tirer prétexte de la révision constitutionnelle pour aboutir à un changement de Constitution : cela n’est pas prévu par la Constitution en vigueur« , a-t-il insisté, faisant référence au projet de loi de révision constitutionnelle annoncé par le gouvernement.
De con côté, le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, le patron de la majorité, a souligné que le projet de loi relatif aux élections des députés provinciaux figurait « en bonne place » dans l’agenda et qu’il appelait « au préalable une révision constitutionnelle de l’article 197« . Il a expliqué que l’Assemblée n’avait reçu « aucune demande de révision au-delà de l’article 197 et que les élus n’avaient pas, « peut-être pour l’instant », à s’exprimer sur un autre article de la Constitution.
Cependant, les politiciens de l’opposition y voient une manœuvre pour modifier plus en profondeur la Constitution, plus particulièrement l’article 220.
Cette vision de l’opposition est considérée par la majorité comme un procès d’intention. Toutefois, pour plusieurs ténors de cette famille politique, la Constitution du 18 février 2006, communément appelée Constitution de Liège, n’est pas souveraine puisqu’elle a été conçue à l’époque sous des pressions diverses des belligérants, du Rwanda, de l’Ouganda et des multinationales extracontinentales.
Il est évident que l’implication directe des puissances étrangères dans la rédaction de cette constitution ayant été écrite en Belgique et adoptée par référendum le 18 février 2006 montre la volonté manifeste de s’ingérer, à court, moyen et long terme, dans les affaires intérieures de la RD Congo. Raison pour laquelle il fallait rendre ce pays ingouvernable en inoculant dans sa Loi fondamentale tous les ingrédients susceptibles de faire de ce géant aux pieds d’argile un » no man’s land » et d’hypothéquer l’avenir de ses populations. La dépendance nationale était donc le premier leitmotiv en vue du pillage des ressources naturelles et de la balkanisation du territoire congolais.
Comme d’aucuns le savent, la Constitution est par essence un texte qui fixe l’organisation et le fonctionnement d’un Etat. Elle définit les droits et les libertés des citoyens ainsi que l’organisation et les séparations du pouvoir politique. Elle précise l’articulation et le fonctionnement des différentes institutions qui composent l’Etat. Il est évident qu’une constitution n’est pas un fourre-tout. Or, il existe dans la Constitution de 2006 des dispositifs qui relèvent des lois organiques et d’application. Il y a bien entendu un besoin réel de la faire évoluer. Là tout le monde est d’accord, même l’opposition qui indique que ce n’est pas le moment de le modifier.
Les modalités légales
Le législateur a prévu les modalités selon lesquelles la Loi fondamentale pourrait être modifiée. Il s’agit d’une procédure de révision soit pour corriger des imperfections, soit pour modifier des règles de fonctionnement du régime. Cette procédure est » souple » lorsqu’elle peut être révisée par les mêmes organes et selon les mêmes procédures servant à l’adoption des lois ordinaires. Cela permet d’adapter la Constitution aux circonstances sans formalisme excessif et sans blocage politique. Mais il faudra veiller à ce que le texte constitutionnel ne soit pas déstabilisé, alors même qu’il a pour fonction de mettre en place un cadre institutionnel pouvant permettre de surmonter les crises politiques.
Un texte non figé
La Loi fondamentale n’étant pas un texte figé, tout en préservant les dispositifs verrouillés d’une éventuelle modification, la Constitution du 18 février 2006 devra être révisée dans le seul but de rétablir l’égalité effective de tous les Congolais au regard de la Loi, d’harmoniser le texte de la Constitution, de reconnaître le caractère inaliénable de la nationalité congolaise d’origine et de renforcer l’aspect initial relatif au caractère impersonnel.
En revanche, en ayant prévu des dispositifs bloqués, notamment les articles 218, 219 et 220, le législateur avait introduit la notion de l’inconstitutionnalité de tout acte qui ne tiendrait pas compte de cette interdiction. Seule l’abrogation de l’actuelle Constitution peut permettre de passer outre les dispositifs non révisables. On ne pourra y parvenir que par un référendum. Or, aucune révision constitutionnelle ne peut porter atteinte à l’intégrité du territoire, ni à la forme républicaine des institutions étatiques.
En vue de départager les deux blocs politiques, seuls les Congolais pourraient s’exprimer à l’issue d’un référendum.