Union sacrée de la nation : une gageure !

Tshisekedi

Les consultations de Fatshi ont du plomb dans l’aile. Annoncées dans son adresse à la nation le vendredi 23 octobre 2020, les consultations que compte entreprendre le chef de l’Etat sont encore au point mort. Raison, elles ont suscité des réactions dans tous les sens au point que le doute s’installe quant à l’atteinte de l’objectif poursuivi. A savoir, l’apparition d’une nouvelle configuration du parlement et du gouvernement.

Dans des mots à peine voilés, le chef de l’Etat a accusé son allié à la coalition au pouvoir de jeter des peaux de banane sous ses pieds mais aussi des bâtons dans ses roues. En conséquence, Félix Tshisekedi en a ras-le-bol, raison pour laquelle il a, dans son discours de vendredi passé, dit son intention de créer une union sacrée pour la nation.

Cette structure, qui n’est pas une nouveauté en Rd-Congo, devra élargir le champ des partenaires aux exclus du tandem Fcc-Cach mais aussi aux mécontents de l’alternance intervenue en 2019. Le chef de l’Etat a compris que son attelage était dans une mauvaise passe et qu’il ne servait à rien de continuer à faire semblant d’avancer. Aussi s’est-il repenti devant la nation avec la promesse de repartir du bon pied. Les consultations qu’il a annoncées ne sont rien d’autre que cette volonté d’ouverture en vue d’un nouvel élan qui inclurait la majorité des forces politiques et sociales du pays.

Formé à la bonne école de la démocratie ( Fatshi est le fils d’Etienne Tshisekedi considéré à juste titre comme le père de la démocratie congolaise), le successeur de Joseph Kabila vient de se rendre à l’évidence que la politique de l’exclusion ne payait pas, quel que soit le cas de figure. Il a réalisé qu’il a été entrainé sur une mauvaise voie par des partenaires politiques de circonstance, partisans du pouvoir pour le pouvoir qui donne accès à l’enrichissement facile, illicite sur fond de l’impunité et de la corruption. Comment pouvait-il mettre en œuvre son programme de gouvernance tant qu’il évolue allègrement avec des alliés au pouvoir qui se complaisent dans les antivaleurs érigées en mode de fonctionnement institutionnel ? Il était donc temps qu’il se ressaisisse et fasse amende honorable. Il en a fait une description sans ambages dans son adresse à la nation le week-end passé. Seulement voilà. D’aucuns, après analyse du discours de Fatshi, y décèlent des limites ou des faiblesses quant à sa capacité à aller jusqu’au bout de sa démarche qui, comme il le dit lui-même, n’exclurait aucun cas de figure.

Un euphémisme qui sous-entend la dissolution de l’Assemblée nationale que la majorité de la population attend toujours. Or, dissoudre la chambre basse du parlement suppose l’organisation de nouvelles élections dans les 90 jours qui suivent. A-t-on les moyens de le faire ? Qui va organiser ces scrutins, est-ce la Ceni de Corneille Nangaa, dont le mandat est épuisé et que l’on n’arrive pas à remplacer, ou le ministère de l’Intérieur dans le cas d’un recours ultime ? Ce questionnement est loin d’être exhaustif. Par ailleurs, le Fcc n’a pas caché sa désapprobation de la démarche de Fatshi en promettant de tout mettre en œuvre pour empêcher sa concrétisation. A Kingakati, les réunions se multiplient pour resserrer les rangs et contrer un éventuel débauchage qui ouvrirait la voie à la constitution d’une nouvelle majorité parlementaire à l’Assemblée nationale au cas où Fatshi désignerait un informateur. D’autres sources estiment que l’initiative serait plombée du fait que le chef de l’Etat ne se serait pas encore assuré le contrôle total des forces armées et de sécurité. Nos sources invoquent ce qui se passe dans l’ancien Katanga et dans l’Est. Selon celles-ci, Joseph Kabila et ses gens se seraient préparés à l’avance pour parer à toute éventualité. Qu’est-ce à dire ? Que tout peut arriver, surtout le pire, à moins que les Américains ne s’impliquent pour éviter l’hécatombe. L’autre écueil sur la voie de la constitution de l’union sacrée pour la nation c’est l’expectative qui s’observe dans les différents états-majors politiques et de la société civile. Tous, sans le dire ouvertement, seraient très intéressés par la part du gâteau qui leur sera réservée dans la nouvelle configuration des institutions du pays.

Bref, l’union sacrée pour la nation, ce n’est gagné d’avance. Au contraire, cela prendra du temps, voire beaucoup de temps. Les co République nsultations seraient peut-être les bienvenues dans le contexte actuel de crise mais elles ne peuvent pas annihiler les ambitions des uns et des autres en rapport avec les échéances électorales prochaines. L’initiative est belle, soutenable dans une large mesure, mais elle demeure une gageure.

In La République n°1064