Procès Kamerhe : où étaient Mayo, Mbata et Cie ?

République démocratique du Congo

De deux choses l’une : ou Vital Kamerhe avait consulté les juristes de l’Unc avant de dénoncer la fameuse fraude électorale à laquelle se serait livrée Wivine Moleka, ou il les avait superbement ignorés, car il pouvait avoir d’autres visées ignorées du parti. Dans les deux cas, la confusion entretenue par les communicateurs de l’Unc est délibérée…

Dans sa prestation du lundi 23 février 2015 sur « Top Congo Fm », Jolino Makeleke soutient la thèse de la politisation de l’affaire. Il se demande pourquoi Etienne Tshisekedi, Laurent Monsengwo et la Communauté internationale – qui avaient eux aussi  remis en cause la crédibilité des résultats électoraux publiés par la Céni – n’ont jamais été poursuivis en justice. Il y trouve la preuve de la volonté du Pouvoir de décapiter l’Unc – en la personne de Vital Kamerhe – après la condamnation de Bertrand Ewanga. Il rappelle que Vital Kamerhe avait agi en qualité de président et qu’en plus, il y a eu un arrangement entre ce dernier et Wivine Moleka.

En réaction, Me Matadi Wamba, l’avocat de la plaignante, avait lui aussi rappelé dans une précédente intervention que c’est l’accusé qui avait saisi le premier la Cour suprême de justice et, dans celle de ce lundi 23 février 2015, il va relever le fait qu’au pénal, un arrangement fait au civil n’efface pas les poursuites judiciaires. Le procès, conclut-il, permet d’éclairer la lanterne publique sur l’affaire.

Ni Tshisekedi, ni Monsengwo…

La confusion des Kamerhistes se constate déjà dans présentation des faits de la fraude électorale au lendemain de la proclamation des résultats provisoires de la présidentielle du 28 novembre 2011. Le 16 décembre 2011, Vital Kamerhe avait personnellement lu la déclaration dont voici les quatre premiers points :

1. L’Union pour la Nation congolaise, l’UNC en sigle, tient à rappeler qu’à la suite de la proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle, annoncés le 09 décembre 2011, son Président National, l’Honorable Vital KAMERHE, avait tenu un point de presse, le même jour, pour rejeter en bloc lesdits résultats.

2. Cela se justifiait par le fait que les procès-verbaux, en possession de l’UNC, indiquaient que le candidat Étienne TSHISEKEDI était bel et bien le vainqueur, et que les résultats attribués au candidat Vital KAMERHE étaient le tiers de ce qu’il avait obtenu réellement.

3. Dans un premier temps, l’UNC, en accord avec tous les autres membres de l’opposition, s’était abstenue de saisir la Cour Suprême de Justice, car de fortes présomptions d’impartialité et d’injustice pesaient sur cette Cour.

4. Cependant, à la suite des rapports des missions d’observation du Centre Carter, de l’Union Européenne, de l’International Crisis Group, de l’Eglise Catholique et de la déclaration du Cardinal MONSENGWO PASINYA, ainsi que de divers communiqués de la M0NUSCO, du Département d’Etat (USA), du Quai d’Orsay (France) et de la Commissaire de l’Union Européenne aux affaires étrangères, qui ont tous dénoncé les irrégularités et l’absence de crédibilité dans les résultats provisoires publiés par la CENI, tout en recommandant à la partie contestataire d’user des voies légales, et après les concertations de l’opposition du 11 décembre 2011, suivies d’une déclaration de l’opposition d’une part, et pour préserver la paix sociale et la démocratie d’autre part, l’UNC a décidé enfin de saisir la Cour Suprême de Justice en date du 12 décembre 2011 par une, requête en contestation des résultats provisoires de l’élection présidentielle du 28 novembre 2011 publiés par la CENI le vendredi 09 décembre 2011« .

Concrètement parlant, l’Unc n’avait pas saisi la Cour suprême de justice parce qu’elle détenait des preuves matérielles de la fraude électorale. Elle avait actionné le contentieux électoral en raison des rapports des observateurs ci-dessus identifiés. D’où, dans son arrêt R.C.E. 011/PR, le constat fait par la Cour suprême de justice d’absence des  preuves. Reste à savoir si l’Unc les avait par la suite sollicitées des observateurs, probablement catastrophés de la récupération politicienne.

Au point 18 de sa déclaration du 16 décembre 2011, l’Unc avait même menacé  de saisir les instances internationales si «la Cour Suprême de Justice est incapable de trancher cette affaire en toute impartialité ». Depuis, elle semble avoir oublié de donner suite à l’annonce.

Force est seulement de constater que trois ans et trois mois après, l’Unc – qui continue de soutenir la thèse de la victoire électorale de l’Udps – refuse (c’est le terme exact) de confier aux Tshisekedistes les preuves qu’ils attendent. Au contraire, en 2014, Kamerhe les a enjoints de laisser tomber la revendication de l’impérium…

Bref, ni Tshisekedi, ni Monsengwo ne pouvaient être poursuivis en justice parce qu’ils n’ont jamais engagé une action judiciaire au titre de contentieux électoral.

TRANSACTION, DESISTEMENT…

Ce détail est important pour comprendre l’affaire qui oppose Vital Kamerhe à Wivine Moleka. Le document le mieux indiqué est intitulé « TRANSACTION« , signé par Mes S. Zirimani Banywesize et Sanduku Kulondana pour Kamerhe, et Gérard Ledi Mukoko pour Wivine Moleka.

Dans le préambule, il est écrit : ‘Attendu qu’en date du 28 novembre 2011, le Président de l’UNC avait adressé une lettre aux observateurs des élections du 28 novembre 2011 en République Démocratique du Congo dans laquelle il affirmait, à la page 3, des faits qui lui ont été rapportés comme suit : ‘A MBUDI dans la périphérie de Kinshasa, dans la commune de Mont NGAFULA, escortée des policiers qui transportaient des urnes bourrées des bulletins de vote, l’Honorable Wivine MOLEKA s’est présentée avec une forte somme d’argent qu’elle distribuait aux agents électoraux. Révoltée, la population l’a chassée et ses gardes ont réagi en tirant des coups de feu en l’air pour chasser tous les témoins. Conséquence : la population a décidé de ne plus voter et les bureaux ont été fermés« .

Le préambule poursuit : »Que pour l’Honorable Wivine MOLEKA, ces faits sont constitutifs des infractions d’imputations dommageables et de dénonciation calomnieuse et ont été portées par elle devant le Tribunal de paix de Kinshasa/Ngaliema sous RP 23.663/I, devant le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe en appel sous le RPA 18.648 et actuellement devant le Tribunal de paix de Kinshasa/Gombe sous le RP 23.829/II« .

Le document comprend 6 articles. Les 3ème et 4ème sont révélateurs en ce que Vital Kamerhe fait l’aveu de culpabilité et discrédite sa propre base de Mbudi. « Le Président de l’UNC reconnaît que le contenu de ladite lettre a entamé l’honneur, la dignité, la crédibilité ainsi que la réputation de l’Honorable Wivine MOLEKA et considère avoir agi en fonction des informations lui rapportées par ses antennes sans aucune intention de nuire. Ces informations se sont avérées par la suite fausses« , dispose l’un, et l’autre renchérit :  » Le Président de l’UNC reconnaît que ses antennes l’ont induit en erreur, en ce qui concerne l’Honorable Wivine MOLEKA et lui présente ses excuses les plus sincères« .

Il est vrai qu’à l’article 5, Wivine Moleka confirme le désistement de toutes ces actions et à l’article 6, les deux parties « acceptent de régler à l’amiable les dossiers susvisés et promettent de ne plus recourir à la justice relativement auxdits litiges » et « Elles demandent à leurs avocats conseils de finaliser la procédure de désistement auprès de différentes juridictions« . Pour rappel, cette transaction date du 30 décembre 2013 et elle s’appuie même sur un acte intitulé « DESISTEMENT » ainsi libellé  » Je soussigné Mme Wivine MOLEKA reconnais par le présent acte avoir renoncé à l’action pendante sous RPA 18.648.devant le tribunal de Grande Instance de KINSHASA/GOMBE m’opposant à Monsieur Vital KAMERHE« . L’acte, daté du 24 décembre 2013, porte la signature de la plaignante. Sa transmission au Greffier Titulaire du Greffe Pénal près le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe a eu lieu le même jour, par le canal de Me Gérard Ledi.

Ce n’est pas tout : le 30 décembre 2013, date de la signature de la « TRANSACTION », l’avocat-conseil Gérard Ledi va établir une décharge ainsi libellée : «  Je soussigné Maître G. Ledi, avocat au Barreau de KINSHASA/MATETE, reconnais avoir touché la somme de 5.000 USD (cinq mille dollars américains) dans le cadre de l’arrangement amiable dans les dossiers RP 23.663/I TP Ngaliema, RPA 18.648/TGI Gombe et RP 23.829/TP GOMBE opposant l’honorable Wivine MOLEKA à Monsieur Vital KAMERHE« .

L’homme intérieur Vital Kamerhe

Pour les non-initiés, l’affaire est close. Or, pour les initiés, notamment les juristes-maison comme Pr André Mbata et l’honorable Baudouin Mayo, elle ne l’est pas. Simplement – pour paraphraser Me Matadi – l’arrangement à l’amiable au niveau civil n’éteint pas les poursuites judiciaires au niveau pénal. Et l’affaire est au niveau pénal.

Au regard de ce qui précède, la plainte à la Cour suprême de justice au titre du contentieux électoral en 2011 et l’affaire Moleka traduisent pour ne pas dire trahissent l’homme intérieur Vital Kamerhe. Dans le cas précis de Wivine Moleka, cet homme intérieur embarrasse l’opinion d’autant plus que Kamerhe et Moleka ont évolué ensemble au sein du Pprd.

Qu’il en soit arrivé à la tourner en dérision avant de s’excuser par la suite, et qu’il en soit venu à tourner également en dérision les témoins électoraux de l’Unc/Mbudi est la preuve de sa capacité de retournement. L’Udps – qui attend les preuves de la victoire de Tshisekedi – en fait l’amère expérience. Ne parlons même pas de Kabila qui l’a appris à ses dépens par trois fois. C’est que Vital Kamerhe est imprévisible. Le procès va le révéler…

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *