De retour, le vieil opposant congolais semble le seul à pouvoir remettre de l’ordre dans son parti. La situation s’est certes dégradée en son absence… mais peut-être pas autant que son état de santé.
Comme on l’aura remarqué, sa diction est lente, hésitante… Mais enfin, il parle. Coiffé de son éternelle casquette, se déplaçant d’un pas mal assuré mais sans aide, l’opposant « historique », Étienne Tshisekedi, était à la fête organisée le 21 février à Bruxelles pour le 33e anniversaire de l’UDP. Malgré son apparente faiblesse, ses partisans lui ont réservé un accueil de rock star. Car son apparition surprise, agrémentée d’une allocution de quelques minutes, est la première, en public, depuis décembre 2013. Et survient alors que des rumeurs alarmistes le disaient paralysé. Son fils Félix refuse de divulguer le mal dont il souffre mais dit garder espoir. « Sa santé s’est beaucoup améliorée ces derniers mois, confie-t-il. Et cela continue. »
À 82 ans, le complet rétablissement d’Étienne Tshisekedi inquiète. Pourtant, l’UDPS aurait grandement besoin de lui. Depuis le début de l’exil médical de son président en Belgique, en août 2014, le parti a beaucoup perdu de son influence. Autrefois moteur de l’opposition, capable de faire descendre massivement ses partisans dans la rue, il a été dépassé par les événements lorsque manifestants et émeutiers ont paralysé Kinshasa du 19 au 21 janvier. À preuve, l’appel à manifester le 26 janvier, lancé par son secrétaire général, Bruno Mavungu, n’a pas été suivi.
Surtout, des fractures internes sont apparues au grand jour. Au Canada et en Belgique, des groupes rivaux se disputent le titre de branche officielle de l’UDPS. « Et ce processus risque de s’amplifier », soupire un autre membre du parti. En toile de fond, c’est une bataille pour le contrôle de cette formation politique qui est en train de se jouer. D’un côté, la famille biologique d’Étienne Tshisekedi : son épouse, « Maman » Marthe, son fils Félix, et leurs fidèles, dont Bruno Mavungu.
De l’autre, ses anciens proches conseillers, comme Valentin Mubake et Albert Moleka, qui sont désormais tenus à l’écart du patriarche et accusent la famille d’avoir une emprise sur lui, voire de le manipuler. Marthe et Félix Tshisekedi sont notamment soupçonnés de vouloir infléchir la ligne du parti, traditionnellement intransigeante. Alors que, depuis le scrutin de 2011, où il est arrivé deuxième, ses partisans le considèrent toujours comme le président élu, le patriarche a appelé au « dialogue ». « Il s’agirait, sous l’égide de la communauté internationale, de régler le contentieux des dernières élections pour que les prochaines aient lieu sereinement, précise son fils, Félix. Mais une cohabitation gouvernementale est hors de question. »
Tout en assurant vouer le plus grand respect à leur chef, ses anciens bras droits estiment que le parti doit s’organiser pour fonctionner un jour en son absence. Alors que jamais une formation politique congolaise importante n’a survécu à son leader historique, un tel scénario serait inédit. Aux yeux du clan familial, personne n’a l’envergure pour lui succéder. Malgré son âge et son état de santé, Étienne Tshisekedi semble en effet le seul dénominateur commun entre les différents courants de l’UDPS. Le congrès du parti, en décembre prochain, pourrait donc consacrer à nouveau son leadership, voire son investiture pour la prochaine présidentielle…