Condamné à 14 ans de prison pour avoir enrôlé des enfants de moins de 15 ans dans ses troupes, le milicien congolais Thomas Lubanga demande une remise de peine et se dit prêt pour la réconciliation.
De notre correspondante à La Haye,
Condamné à 14 ans de prison en juillet 2012, l’ex-président de l’Union des patriotes congolais (UPC) demande aux juges de la Cour pénale internationale (CPI) de lui accorder une remise de peine. Thomas Lubanga avait été livré par Kinshasa à La Haye en mars 2006 et a donc déjà purgé les deux tiers de sa peine. Mais l’ex-milicien congolais doit désormais prouver qu’il peut se réhabiliter. Lors d’une audience organisée vendredi, le milicien a exprimé « les excuses les plus sincères pour les victimes », en son nom et « celui de mon organisation de l’époque », l’UPC, une milice de l’Ituri, alors soutenue par l’Ouganda puis le Rwanda.
Reconnu coupable d’avoir enrôlé des enfants dans ses troupes et de les avoir envoyés au front, le Congolais a assuré qu’à ses yeux, « les enfants n’ont pas de place dans l’armée » et promis de « prendre publiquement position contre cette pratique » s’il devait être libéré. Tout au long de son procès, Thomas Lubanga avait nié avoir enrôlé des enfants de moins de 15 ans, rappelant, en outre, qu’il n’était que le chef politique de la milice, dont la branche militaire était dirigée par Floribert Kisambo.
Libération à risque ?
Avec ces excuses, le condamné rétorquait à l’un des avocats des victimes, Luc Walleyn. La position des victimes « n’est pas que monsieur Lubanga doit rester en détention jusqu’à la fin de sa peine », avait-il déclaré peu avant, mais elles demandent « un changement d’attitude vis-à-vis des victimes et vis-à-vis des crimes ». L’avocat a en outre affirmé que son retour « pourrait finalement aboutir à un nouveau conflit armé ».
Pour maître Catherine Mabille, « le retour de monsieur Lubanga ne créerait pas d’instabilité sociale ». « L’Ituri est prête » à accueillir Thomas Lubanga, a-t-elle assuré. Il souhaiterait reprendre des études de psychologie à l’université de Kisangani, à 800 km de Bunia, la capitale de l’Ituri. Toutes les communautés, « Hema, Bira, Lendu, Ngiti, tous » sont favorables, a affirmé son confrère, Jean-Marie Biju-Duval, déposant devant la Cour des déclarations écrites.
Interférences avec les témoins
En face, le procureur s’appuie sur trois avis défavorables, émis par le gouvernement congolais et l’auditorat militaire et rappelle que les élections provinciales sont prévues fin octobre. Son retour pourrait « créer de sérieux problèmes dans la région », a affirmé le substitut du procureur, avant de sortir son argument-clé. L’accusation affirme que Thomas Lubanga aurait transmis des informations confidentielles et interféré avec les témoins dans l’affaire Ntaganda. Ex-chef de la branche militaire de l’UPC, Bosco Ntaganda doit être jugé à partir du 2 septembre par la Cour. Maître Mabille a souligné qu’il ne s’agissait que d’allégations sur lesquelles le procureur enquête depuis plus de six mois. S’adressant directement au procureur, Thomas Lubanga s’est dit « prêt à coopérer ».
Les juges n’ont pas indiqué la date de leurs décisions. Depuis la condamnation de Thomas Lubanga il y a trois ans, la Cour n’a toujours pas tranché sur les réparations, mais vient au contraire d’accorder un délai supplémentaire de deux mois au Fonds pour les victimes, qui doit faire des propositions. Pour Luc Walleyn, Thomas Lubanga doit « utiliser sa liberté pour soutenir les réparations ». L’avocat a encore demandé que le condamné « ne traite pas de menteurs » les victimes représentées au procès. Neuf d’entre elles avaient été écartées de l’affaire pour avoir falsifié leur identité et fait de faux témoignages à la Cour.