Le Franc CFA a fêté discrètement ses 70 ans le 26 décembre 2015. Cette monnaie a ses adeptes et ses contestataires
La monnaie des colonies françaises d’Afrique a été créée le 26 décembre 1945, après la signature par la France, des accords de Bretton Woods. Puis, elle est devenue le Franc de la Communauté financière africaine pour ce qui concerne les Etats membres de l’Union monétaire ouest-africaine (Umoa), et le Franc de la coopération financière en Afrique Centrale pour ce qui concerne les pays membres de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac).
Seize pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’ouest disposaient du franc CFA comme monnaie unique jusqu’en 1993. Aujourd’hui, cette monnaie est séparée en deux francs CFA distincts notamment pour la région d’Afrique centrale et d’Afrique de l’ouest, regroupant désormais 14 pays d’Afrique subsaharienne. Les billets de francs CFA sont toujours fabriqués en France.
Ces 14 pays d’Afrique subsaharienne sont unis autour de quatre principes fondamentaux : la garantie de convertibilité illimitée apportée par le Trésor français, la fixité des parités, la libre transférabilité et la centralisation des réserves de change.
Le Franc CFA à l’avance de disposer toujours d’une parité fixe avec l’euro et garantie par cette monnaie. Ce qui lui a permis d’intégrer les pays de la zone au commerce mondial, donc faciliter l’importation des marchandises des pays membres, grâce à une monnaie dont la solvabilité ne pose aucun souci.
En revanche, on ne peut pas faire des achats avec les billets du franc CFA d’Afrique centrale en Afrique de l’ouest et vice-versa, alors que ces deux régions économiques appartiennent à la même zone franc.
Le Franc CFA est une monnaie qui a ses partisans et ses détracteurs. Si le franc CFA permet aux pays de la zone de jouir d’une monnaie forte, il peut cependant miner leur croissance économique – la faiblesse des économies africaines.
Cela freine leur émergence. En plus, les deux banques centrales, la Béac et la Bcéao doivent déposer la moitié de leurs réserves de change auprès du Trésor français.
Mais, force est de reconnaître que cette monnaie apporte une réelle stabilité macro-économique aux pays de la zone. Fabriqués par la Banque de France, les billets du franc CFA obéissent aux normes européennes ; l’inflation ; des pays membres ne peut dépasser les 3%, et leur dette 70% du Pib ; les Etats ne peuvent faire recours à la planche à billets pour corriger leurs économies.
Des atouts souvent remis en cause dans le passé et par les besoins actuels des économies africaines de la zone. Selon les contestataires une monnaie forte n’aide pas. Ils estiment que la rigueur budgétaire des Etats se fait au détriment du développement économique, étant donné que les pays africains ont besoin d’investissements. Or, une monnaie forte rendrait difficile l’obtention de crédits.
Certains contestataires plaident pour une prise en main de la monnaie par les Africains. Ce fut le cas du président tchadien, Idriss Déby Itno, qui déclarait en août 2015 que: « le moment est venu de couper ce cordon qui empêche l’Afrique de décoller. Il faut que cette monnaie africaine soit maintenant réellement la nôtre ».
Certains économistes africains dont le Pr Kako Nubukpo, ancien ministre du Togo, se plaignait que la rigueur budgétaire des Etats se fasse au détriment du développement économique : « Aujourd’hui, les pays ont besoin d’investissements. Or, une monnaie forte rend très difficile l’obtention de crédits, ou à des taux prohibitifs…
Les pays africains sont engagés dans des programmes d’émergence avec des investissements publics massifs pour développer notamment leurs infrastructures. On devrait autoriser les banques centrales à financer ces investissements. Cette difficulté à emprunter se retrouve à tous les échelons du secteur privé ».
Le Laos, le Cambodge, le Vietnam, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie appartenant à la zone Franc sont sortis sans drame. Ce qui semble manquer à l’Afrique, c’est la qualité de la gouvernance.
S’exprimant en octobre 2015, lors de la dernière réunion de la zone franc CFA, le ministre français des Finances, Michel Sapin a marqué une « position d’ouverture à toutes les discussions. Tous les pays-membres de cette zone monétaire sont libres et indépendants, ils peuvent donc demander à rediscuter les accords monétaires qui les lient à la France », Avait-il, considérant que « rien n’est figé ni tabou ».
Les pays de la Cédéao nourrissent l’ambition de créer une monnaie unique d’ici à 2020. Ce qui demande une certaine volonté politique. Selon une étude de la Standard Chartered, un changement monétaire est peu probable en zone CFA, justifiant ce statu quo par l’absence de pression économique importante, et que la parité fixe du FCFA avec l’euro lui a permis en 2015 de voir son cours diminuer de -13% face au dollar, améliorant la compétitivité des pays exportateurs de matières premières sans affecter trop lourdement les pays importateurs de matières premières.
Des économistes africains ont soulevé récemment la problématique de la monnaie en soulignant « la nécessité impérieuse d’une critique nouvelle et interne du franc CFA ».