Des pays africains ont annoncé leur intention de se retirer de la Cour pénale internationale (CPI) à travers une résolution adoptée lors de la clôture du 26è sommet de l’Union africaine, le 31 janvier en Ethiopie. Une décision jugée précoce par notre contributeur.
« La CPI s’acharne beaucoup plus sur l’Afrique, sur les chefs d’État africains, y compris des chefs d’État en exercice, alors qu’ailleurs dans le monde, beaucoup de choses se passent, beaucoup de violations des droits de l’Homme flagrantes, mais personne n’est inquiété », ont fustigé ces chefs d’Etat présents à Addis-Abeba, par la voix du nouveau président en exercice de l’organisation panafricaine, le tchadien Idriss Deby.
Cette déclaration fait suite à une initiative kényane visant à un retrait commun de la CPI des pays du continent noir. En tant qu’Africains, on pourrait être rapidement tenté de louer et encourager une telle entreprise.
Car il est vrai que depuis la création de la Cour, le banc des accusés est composé en majorité d’africains.
Uhuru Kenya, celui par qui la proposition de retrait est venue, son vice-président William Ruto, ainsi que l’ex-homme fort de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo sont notamment au nombre de ces personnalités ciblées.
La politique de deux poids, deux mesures
Pendant ce temps, de nombreuses atrocités sont commises tous les jours au nez et à la barbe de tous et ne suscitent pas la moindre réaction de cette juridiction internationale.
Mise à part quelques annonces d’enquête de temps à autre. Aussi semble-t-il tout à fait normal de s’indigner face à la politique de deux poids deux mesures de la belle dame.
De plus, parmi ces grandes nations aujourd’hui locomotives du monde et bien souvent donneuses de leçons, seule la France a signé et ratifié le traité de Rome, texte fondateur de la CPI.
De la Chine à Israël, en passant par la Russie, aucune de ces nations n’a signé, encore moins ratifié le traité de Rome. Si les Etats-Unis ont signé le texte, ils n’ont cependant toujours pas ratifié la convention.
Toutefois, à y voir de près, on se rend compte que ces pays possèdent des institutions fortes, où les différents pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) sont séparés et indépendant les uns des autres.
L’Afrique ne respecte pas la dignité des Africains
Est-ce le cas chez nous en Afrique ? Telle est la question que chacun devrait se poser. Cette question, me ramène à l’image dégradante de Laurent Gbagbo, brandi comme un trophée de guerre par les soldats des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), au journal de 13h de la chaine de télévision TCI, le 11 avril 2011. Que dire de sa femme Simone Gbagbo ?
Battue à sang, visage boursouflé et mèches arrachés, assise à même le sol avec ses gardiens qui posent fièrement à côté d’elle, comme pour immortaliser leur héroïsme. Plus loin en 2002, je revois le corps du général Robert Guéi, ex-chef d’Etat ivoirien, gisant dans la rue de la corniche à Cocody.
Y a-t-il pire humiliation pour un homme et qui plus est un chef d’Etat ?
Nous sommes toujours les premiers à humilier et à traîner dans la boue les garants moraux de nos institutions. Et nous voulons faire la morale à la CPI. C’est bien l’hôpital qui se fout de la charité.
Aujourd’hui, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont face à des juges prêts à les écouter dans la dignité et l’honneur.
Ils bénéficient de tous leurs droits (et devoirs) jusqu’à ce que leur culpabilité soit prouvée. Que cette Cour soit partiale ou non, il faut au moins lui reconnaître le mérite de respecter la dignité humaine.
La CPI reste un bien pour un mal
Avant de se plaindre de la CPI, demandons-nous, comment nos ex-chefs d’Etat et présidents en exercice se sont retrouvés au banc des accusés ? Sommes-nous si fiers de nos institutions ? De nos Etats où il semble y avoir bien plus d’hommes forts que d’institutions fortes ?
Où une simple élection peut conduire à la commission de crimes crapuleux. Sans compter le pouvoir, parfois « sans limite », du président de la République, qui peut se permettre, pour un oui ou un non, d’opprimer et de réprimer ses sujets… pardon, son peuple.
Aujourd’hui en Afrique, existe-il une juridiction capable d’empêcher certains chefs d’état de tomber dans la folie meurtrière de leurs concitoyens au nom du pouvoir ? Je ne pense pas.
Par ailleurs, je pense que ce serait une erreur pour la jeunesse africaine de regarder les dirigeants mettre à exécution leurs menaces de se retirer de la CPI.
Soutenir ce chantage grossier, c’est leur offrir un passeport pour le crime et la violation des droits les plus élémentaires de leurs peuples.
La Cour pénale internationale reste, pour le moment, la seule juridiction compétente au niveau international pour les opprimés et victimes de crimes contre l’humanité.
Si nos chefs veulent ne plus avoir affaire à elle, qu’ils respectent leurs lois, leurs peuples et leurs adversaires. Ça devrait suffire pour l’instant.