Kinshasa: Un nouveau séisme politique à l’horizon!

RD Congo : bienvenue en kinoiserie

Les événements politiques s’accélèrent. Tous les ingrédients d’un nouveau séisme politique sont réunis.

Pendant que le processus électoral est encore bloqué et que le dialogue politique ne démarre pas, l’affaire de dédoublement des partis politiques et la gestion calamiteuse des candidatures à l’élection des Gouverneurs et Vice-Gouverneurs de 21 nouvelles provinces risquent d’empoisonner les débats au Parlement dont la rentrée est prévue pour ce 15 mars. Si l’on considère que le leader du MLC peut sortir de sa cellule de Scheveningen à la CPI, le 21 mars, il y a de quoi prédire un mois de mars mouvementé et riche en rebondissements.

La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a prévu d’organiser le 26 mars prochain, l’élection des Gouverneurs dans les 21 nouvelles provinces. Une élection, censée corriger une erreur juridique et politique consacrée par la nomination des Commissaires spéciaux, que boycotte l’Opposition politique dans sa diversité, le G7 et la Dynamique, en tête. Ça devait être une élection sans suspense. Car, la Majorité Présidentielle (MP) est la seule force politique à concourir.

Epreuve

Dans les faits, les choses ne sont pas si simples que cela. Il a fallu plus de 48 heures d’intenses discussions pour que les membres de la CENI parviennent à finir la délibération des dossiers des candidatures à l’élection des Gouverneurs et Vice-gouverneurs de nouvelles provinces. Le samedi 27 février, certains animateurs de la CENI ont fait état des dissensions internes au sein de l’Assemblée Plénière. A l’origine, on rapporte qu’une lettre du Secrétaire Général de la Majorité Présidentielle avait demandé à la CENI d’invalider tous les candidats indépendants notoirement connus comme membres de sa famille politique, avec pour motif l’insubordination au mot d’ordre du groupe. Aubin Minaku leur a même demandé de prouver qu’ils ont quitté la MP. Ces candidats seraient plusieurs dizaines. L’affaire embarrasse la CENI qui s’est retrouvée dans l’obligation de poursuivre, dimanche 28 février, ses travaux de délibération. A la tombée de la nuit, dimanche, la CENI n’était toujours pas en mesure de publier la liste des candidatures recevables et non recevables à l’élection des Gouverneurs et Vice-gouverneurs. Jusqu’aux premières heures de lundi 29 février, peu avant de lever les dernières options, on faisait toujours état des divergences majeures au niveau de la Direction de la CENI quant à la suite à réserver à la requête de Minaku. Pour les uns, la CENI, indépendante au regard de la loi, n’a pas d’injonctions à recevoir de qui que ce soit. Son travail est essentiellement technique. La CENI, a-t-on entendu dire, examine les dossiers des candidatures conformément aux conditions d’éligibilité fixées par la loi. S’il y a des contestations à faire, il faudrait introduire des recours, entre le 1er et le 2 mars courant, auprès des juridictions compétentes. Pour d’autres, le Secrétariat Général de la Majorité Présidentielle a raison. Ce ne serait que justice si la CENI faisait suite à sa demande.

Des ambitions étouffées

Il semble que la MP ait fait le choix de soutenir les Commissaires spéciaux afin que ceux-ci se légitiment par l’élection du 26 mars. Lorsque les listes ont, enfin, été publiées, on a effectivement noté que plusieurs candidats indépendants n’ont pas été retenus. C’est le cas de Barthélemy Mumba Gama et Jean-Pierre Dikanga Kazadi pour le compte des provinces découpées du Katanga. En Haut-Lomami, le candidat PALU Kiluba Longo a été invalidé par la CENI pour qu’il ne soit pas en compétition avec le candidat de la MP. Au Kasaï Central, la CENI a jugé utile d’écarter le candidat PALU Babale Kudia Elisabeth. Au Kwilu, le candidat indépendant Balabala Kasongo n’est pas retenu. Au Sankuru, tous les adversaires de Ulungu Ekunda Berthold ont été invalidés de la course. En Ituri, la candidature de John Tibasima a été tout simplement écartée. Le Sénateur Jacques Djoli en course à la Tshuapa a vu sa candidature invalidée. Comment en est-on arrivé là ? La CENI considère que certains partis et personnalités politiques ont déposé les dossiers des candidatures dans la même circonscription électorale que les regroupements politiques dont ils sont membres. La CENI se justifie que dans le cas d’espèce de présentation concurrente entre une liste d’un parti politique et celle de son regroupement politique d’appartenance, primauté est accordée à la liste du regroupement politique face à celle du parti politique. La CENI considère, enfin, que l’appartenance des candidats concernés au regroupement précipité est avérée, en ce sens qu’ils ont été élus, lors des consultations électorales précédentes, Députés nationaux ou provinciaux, Sénateurs, Gouverneurs ou sont détenteurs d’un mandat public obtenu pour le compte de ce regroupement. Sur cette base, ils ne peuvent prétendre se présenter en candidat indépendant contre la liste déposée par ledit regroupement dans n’importe quel coin de ces 21 provinces concernées.

Des vives réactions

Les réactions n’ont pas tardé. Pour ceux qui ont lu la lettre du Secrétariat général de la Majorité Présidentielle, point de doute, la CENI a repris pour son compte la même motivation et la même argumentation. Des analystes politiques rappellent qu’il n’appartient pas à la CENI de gérer les ambitions politiques des cadres ou membres des partis ou regroupements politiques. Au Bas-Congo, l’actuel Gouverneur de province, Jacques Mbadu, bien que membre de la Majorité Présidentielle, s’était présenté en indépendant et avait battu le candidat officiel de la famille politique présidentielle. La Province Orientale avait connu un cas similaire avec l’élection du Gouverneur Bamanisa.

Le Député de la Majorité Présidentielle Henri-Thomas Lokondo parle, lui, d’une abomination juridique. Il a déclaré que la CENI s’est comportée comme si on était dans une jungle juridico-politique. Parce que, a-t-il précisé, l’article 18 de la loi électorale limite les 11 conditions de recevabilité de la déclaration des candidatures d’un parti politique, d’un regroupement politique ou d’un indépendant. L’article 21 de la même loi électorale donne 6 conditions à la CENI pour déclarer une candidature irrecevable. Henri-Thomas Lokondo ne perd pas espoir et attend que les Cours d’appel puissent reconsidérer tout ce que la CENI a fait. « Sinon, ça sera la fin de l’Etat », a-t-il conclu.

La nouvelle fronde

De cette situation, on peut tirer plusieurs conséquences. D’abord, la CENI joue sa crédibilité. Ensuite, à la Majorité Présidentielle, les méthodes de gestion des ambitions n’ont pas changé après le départ fracassant du G7 en septembre 2015. Bref ; la MP n’est pas à l’abri de nouveaux soubresauts en ce mois de mars.

Le dialogue qui ne démarre pas

C’est en principe en ce début du mois que le Conseil de Sécurité de l’ONU examine le rapport de Ban Ki-moon sur la situation sociopolitique du pays. A cette occasion, le Conseil de Sécurité devrait prendre une nouvelle Résolution pour renouveler, d’une année, le mandat de la Monusco. La Résolution 2211, prise en 2015, recommandait la tenue d’un dialogue politique en RDC, lequel réunirait autour d’une table le Gouvernement, l’Opposition ainsi que les partenaires aux élections. La 2211 limitait les discussions sur les modalités de constitution du fichier électoral, le financement des élections, notamment la présidentielle et les législatives. Une année après, aucune avancée n’a été enregistrée. Le dialogue politique se fait encore attendre. Le processus électoral est, lui-même, bloqué. Les candidats Députés provinciaux, qui avaient payé les cautions financières requises comme frais de dépôt des candidatures, sont pratiquement exaspérés et ne savent plus à quel saint se vouer. Le processus électoral manque de boussole. Sans un calendrier électoral, personne ne sait si les échéances électorales seront tenues.

Des étincelles au Parlement

La rentrée parlementaire est fixée au 15 mars 2016. Tout porte à croire que cette session ne sera pas comme les autres. A l’Assemblée nationale, c’est la veillée d’armes. Depuis le dédoublement des partis du G7 et d’autres récemment passés à l’Opposition, c’est pour la première fois que l’Assemblée nationale, en tant qu’institution, doit faire face à cette situation. Critiqué de toutes parts, le Bureau de la Chambre basse devra se surpasser pour ne pas désacraliser la représentation nationale. Les plénières s’annoncent chaudes. Les relations entre la Représentation nationale et l’Exécutif national promettent des étincelles. Ils sont nombreux, les Députés nationaux qui réclament des comptes au Gouvernement pour n’avoir pas financé le processus électoral, depuis le début de la mandature.

Au Sénat, on annonce des bouleversements au Bureau. Dans l’entourage du Président du Sénat, on craint des coups bas, depuis que certaines forces politiques parlent de l’éventualité d’une Présidence intérimaire pour combler l’éventuel vide institutionnel au sommet de l’Etat, si jamais, disent-ils, les élections n’avaient pas lieu dans le délai constitutionnel.

Vers une recomposition du paysage politique

Pour finir, c’est en ce mois de mars, le 21ème jour, que l’opposant Jean-Pierre Bemba, leader du MLC, connaîtra son sort à la Cour Pénale Internationale. Ses partisans se préparent déjà à l’idée d’une probable libération. Si Jean-Pierre Bemba est libéré, il n’est pas exclu que l’on puisse assister à une recomposition subséquente du paysage politique en RDC.

Via La Prospérité