C’est désormais une certitude. La souche du virus Zika qui affecte l’Amérique du Sud est bien présente au Cap-Vert, premier pays du continent contaminé par la récente flambée de l’épidémie. Voici ce qu’il faut savoir à l’heure actuelle de la présence de Zika en Afrique.
Quelle est la gravité de la situation au Cap-Vert, premier pays touché ?
La flambée du virus sur l’archipel a commencé en octobre 2015. Depuis, plus de 7 000 cas ont été enregistrés, principalement sur les îles de Maio, Fogo et Santiago, cette dernière étant la plus peuplée.
Si l’épidémie est en forte régression ces dernières semaines après un net recul du nombre de cas enregistrés, l’inquiétude est réelle. En cause, les trois cas de microcéphalie signalés sur l’archipel depuis le 14 mars.
Ces microcéphalies – une taille anormalement petite du crâne et du cerveau des nouveau-nés – ont permis de confirmer que la souche asiatique sévissant en Amérique du Sud était bien présente au Cap-Vert. Ce qu’a annoncé le 20 mai la directrice régionale de l’OMS, la Dr Matshidiso Moeti, affirmant que l’épidémie brésilienne était désormais «aux portes de l’Afrique ».
Pourquoi la souche asiatique de Zika préoccupe-t-elle autant ?
L’épidémie qui sévit au Brésil et en Amérique du sud correspond à la souche asiatique, différente de celle découverte dans la forêt ougandaise Zika en 1947.
Cette souche asiatique inquiète en raison des complications neurologiques affectant un nombre élevé de nouveaux-nés. Selon l’une des dernières études médicales en date, publiée mercredi 25 mai dans la revue médicale américaine New England Journal of Medicine, un fœtus atteint par le virus encourt ainsi un risque de microcéphalie variant de 1 à 13% durant le premier trimestre de grossesse, contre 0,02 à 0,12% de toutes les naissances aux États-Unis, selon l’AFP.
Zika est aussi fortement soupçonné de multiplier la probabilité de contracter le syndrome de Guillain-Barré (SGB), une maladie pouvant entraîner la paralysie des nerfs. Pour l’heure, aucun cas n’a été signalé au Cap-Vert, contrairement à ceux de microcéphalies.
Ces complications neurologiques rendent la souche asiatique de Zika plus préoccupante que la souche africaine, équivalente à une grippe. « Les symptômes [du génotype africain de Zika] se limitent à une petite fièvre, des éruptions cutanées, des douleurs articulaires pendant une semaine puis cela passe. Contrairement à la dengue ou à la fièvre jaune, le virus Zika ne tue pas », expliquait en février à Jeune Afrique Anna-Bella Failloux, entomologiste et directrice de recherche à l’Institut Pasteur.
Les populations africaines ont-elles développé des anticorps ?
La question fait actuellement l’objet de recherche. « Le fait que Zika ait déjà existé dans certains pays africains pourrait conférer une immunité à certaines populations africaines », explique le Dr Ibrahima Soce Fall, directeur pour la sécurité sanitaire et les urgences au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique.
Selon l’Institut Pasteur, la souche africaine du virus Zika s’est déjà manifestée dans plusieurs pays du continent, notamment au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Burkina, au Nigeria, au Cameroun, ou encore au Gabon, où les derniers cas remontent à 2007. Dans certains pays comme l’Égypte, la Tanzanie et la Sierra Leone, des cas de personnes ayant développé des anticorps à la souche africaine du virus ont également été signalés, ajoute l’Institut Pasteur.
Quels sont les risques que la maladie s’étende aux autres pays du continent ?
L’OMS qualifie le degré de vulnérabilité des pays en fonction de plusieurs critères, allant de la présence du virus à la capacité des systèmes de santé nationaux à diagnostiquer et à faire face à Zika. Une vingtaine de pays africains sont considérés comme vulnérables, dont les Comores, le Tchad, le Togo, le Nigeria ou encore le Cameroun.
Les régions où les vecteurs du virus (les moustiques du types Aedes, également responsables de la dengue et du chikungunya) sont très présents font également l’objet d’une surveillance renforcée. En clair, il s’agit de la majorité du continent, à l’exception de l’Afrique australe, où ces moustiques sont moins présents qu’en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.
Les pays en contacts réguliers avec le Cap-Vert sont également placés sous haute-surveillance. Il s’agit du Sénégal voisin, mais aussi des pays lusophones, à l’image de São Tomé-et-Príncipe, de l’Angola mais aussi de la Guinée-Bissau.
Quels dispositifs sont mis en place ?
Plusieurs mesures ont été prises au Cap-Vert, où l’OMS et l’Institut Pasteur ont envoyé des équipes depuis le début de l’épidémie en octobre dernier. Praia a également mis en place des mesures de suivi des femmes enceintes et des dispositifs pour dépister la maladie. « Après quelques campagnes de sensibilisation et de prévention contre le moustique vecteur du virus, l’épidémie a été progressivement contrôlée », a déclaré àl’AFP Tomas Valdez, directeur national de la Santé au Cap-Vert.
Les avions au départ et à l’arrivée de l’archipel sont également désinsectisés pour éviter de toute propagation du virus et de ses vecteurs. Quant à la vingtaine de pays dits vulnérables, l’OMS indique que des tests sanguins y ont été déployés pour permettre un diagnostique rapide.
Des restrictions aux voyageurs sont-elle préconisées ?
Selon l’OMS, l’arrivée de la souche asiatique au Cap-Vert pourrait avoir été causée par un voyageur en provenance d’Amérique du Sud. Conséquence, plusieurs pays ont déconseillé aux femmes enceintes de se rendre dans l’archipel, très prisé des touristes.
C’est le cas du Quai d’Orsay, qui recommande « aux femmes ayant un projet de grossesses d’envisager de reporter le projet de grossesse au retour de voyage ou de reporter le voyage ». Quant aux États-Unis, ils déconseillent fermement aux femmes enceintes de se rendre au Cap-Vert.
Des recommandations dont s’abstient pour l’heure l’OMS. « Nous n’avons pas préconisé de restriction au voyageurs car nous recherchons avant tout la solidarité internationale », explique le Dr Ibrahima Socé Fall.
De fait, pour l’heure, l’aide financière se fait attendre. « La mobilisation est encore timide et les financements sont faibles », déplore le Dr Ibrahima Soce Fall. Avant de poursuivre : « Nous sommes optimistes mais nous devons être vigilants ».
Comment s’en protéger ?
Il n’existe ni remède spécifique ni vaccin contre Zika. La meilleure façon de s’en protéger consiste donc à tenir les moustiques à distance – comme pour le paludisme. Dans le détail, voici les recommandations de l’OMS :
- dormir sous des moustiquaires
- appliquer des produits répulsifs
- porter des vêtements (de préférence de couleur claire) couvrant le plus possible le corps
- mettre des obstacles physiques : écrans anti-insectes, portes et fenêtres fermées
- vider, nettoyer ou couvrir tous les contenants susceptibles de retenir l’eau et de favoriser la reproduction des moustiques
- utiliser des préservatifs dans les zones à risque. Les scientifiques soupçonnent en effet le virus Zika d’être sexuellement transmissible