Les ministres de l’Économie et des Finances ainsi que les gouverneurs de Banques Centrales en Afrique sont appelés à porter le plaidoyer pour une transformation de l’agriculture du continent. Une manière de contourner les problèmes fondamentaux auxquels est confronté le secteur agricole, dont le goulot d’étranglement lié à la disponibilité des ressources financières
Les responsables des finances africaines sont priés d’avoir une autre vision sur l’agriculture africaine. L’invite leur a été faite à l’ouverture officielle, ce mercredi 21 octobre à Dakar, de la Conférence de haut niveau sur Nourrir l’Afrique que la Banque Africaine de Développement (BAD) organise en collaboration avec l’État du Sénégal.
Le Président du Groupe de la BAD, M. Akinwumi A. Adesina, a insisté sur cet aspect avec beaucoup de conviction. A son avis, il est temps que les Ministres des Finances et les Gouverneurs de Banques Centrales aient une autre perception sur l’agriculture.
Un postulat appuyé par le Président de la République du Sénégal, M. Macky Sall qui met les gouvernements face à leur responsabilité. « Pour convaincre les banques à accorder davantage d’attention à l’agriculture, il faut que les États fassent de ce secteur une priorité en la plaçant au cœur des politiques publiques et en l’accordant plus de ressources ».
Le chef de l’État sénégalais de faire remarquer qu’« à partir du moment où l’agriculture est le moteur de la croissance, elle offre beaucoup d’opportunités pour les activités commerciales ». Devant la problématique de l’accès au financement, M. Sall pense que « les banques doivent s’adapter aux évolutions qui se passent sous leurs yeux ». Une « injonction » donnée aux institutions financières de s’intéresser de plus en plus aux crédits agricoles.
Le Président Adesina, pour sa part, dans un édito, souligne que « l’Afrique recèle 65 % des terres arables restantes de la planète. Et nourrir les quelque neuf milliards d’êtres humains que comptera le monde à l’horizon 2050 dépendra de la façon dont elle saura en tirer parti. L’agriculture et l’agro-industrie en Afrique devraient représenter un marché de 1 000 milliards de dollars EU d’ici à 2030 ».
Ventant ces potentialités du continent, le Président de la BAD lance : « L’Afrique est maintenant prête à faire de l’agriculture une activité commerciale ». Avant d’ajouter : « le moment est venu de nourrir l’Afrique ». Une possibilité qui passera, selon M. Adesina, par libérer le potentiel agricole du continent. Pour lui, « les ministres des Finances doivent aider à la mise en place d’infrastructures agricoles et de développement de l’économie rurale ». Et d’ajouter : « Il faut que les Ministres des Finances voient l’agriculture comme un secteur de richesse ».
Très convaincu, le président du Groupe de la BAD estime même que « L’Afrique peut être le grenier du monde ». Une conviction illustrée par les révolutions notées dans le domaine du riz au Sénégal, le coton au Mali et au Burkina Faso, l’impact du téléphone portable dans les transactions agricoles au Kenya, au Nigeria…
M. Adesina pense que le continent peut bien atteindre les objectifs fixés grâce à la transformation à grande échelle mais aussi en mettant en place des systèmes intelligents avec des obligations contre les catastrophes naturels et un système d’assurance agricole solide.
A son avis, les devises consentis dans le cadre des importations peuvent servir à soutenir l’agriculture africaine et se passer des marchés financiers aux conditionalités souvent contraignantes. « L’Afrique ne doit pas être un centre de consommation mais de production, de transformation et de commercialisation de ses produits agricoles », dira-t-il. Un impératif qui repose sur la disponibilité de l’énergie et à bon prix.
La BAD priée de se passer des lourdeurs administratives
Dans cette invite faite au secteur financier, la Banque Afrique de Développement n’est pas laissée en rade. La BAD est placée comment étant un acteur clé devant impulser cette dynamique de transformation de l’agriculture africaine. Devant cet été fait, les lourdeurs notées dans ses procédures ont été pointées du doigt.
Le Premier Ministre de la République Démocratique du Congo, Augustin Matata Ponyo Mapon, sans détour, a fait un inventaire sans complaisance de la stratégie de la BAD en matière agricole. « La BAD doit améliorer ses procédures surtout dans les secteurs agricoles ». Pour lui, l’institution continentale doit chercher à allier efficacité et rapidité dans le traitement des dossiers sur ce secteur. Les pieds dans le plat de cette problématique, le président du Sénégal de faire savoir : « On ne peut pas rattraper notre retard avec des procédures d’une autre génération ».
Un ensemble de considérations qui permettra à M. Mapon de la RDC de dire que l’Afrique gagnerait à changer de paradigme par rapport à l’agriculture si elle veut atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD). Le chef du gouvernement de la RD Congo pense qu’il faut radicalement repenser la vision sur l’agriculture en la replaçant au cœur des politiques publiques. Ce que le Président sénégalais, Macky Sall appelait précédemment : « Penser notre agriculture autrement ».