Black-out post-électoral en RDC

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La coupure de l’internet et des SMS une bien vilaine habitude en République démocratique du Congo (RDC). Celle des régimes autoritaires qui se crispent dès que la tension est un peu trop forte. Et visiblement, la tension est un peu trop pesante pour les autorités congolaises après le scrutin chaotique de dimanche. Comme en 2015 lors des manifestations contre la loi électorale, ou les mobilisation contre un troisième mandat du président Joseph Kabila en 2016, Kinshasa a décidé ce lundi de « couper la transmission des images et des vidéos sur internet et de ralentir les autres services ». Depuis lundi après-midi, le réseau mobile était inaccessible à Kinshasa et dans le reste du pays, chez les principaux opérateurs comme Vodacom, Orange, et Airtel.

Limiter la diffusion des PV de résultats

La coupure d’internet, de l’accès aux réseaux sociaux et aux SMS, est intervenue au moment où les internautes commençaient à diffuser en masse sur Twitter et WhatsApp les procès-verbaux (PV) de résultats de dépouillement de certains bureaux de vote. La toile a rapidement été inondée de ces premiers résultats partiels, relayés essentiellement par les partis d’opposition. Des résultats qui témoignaient tous de la forte avance des candidats de l’opposition, Martin Fayulu (à Kinshasa et Lubumbashi) et de Félix Tshisekedi (dans les Kasaï), face au dauphin désigné par Joseph Kabila pour lui succéder, Emmanuel Ramazani Shadary.

Comme à chaque fois, ces mesures liberticides ont plutôt tendances à raviver les tensions au sein de la population. Et au lendemain des élections générales de dimanche, la coupure des réseaux internet et téléphoniques risque de ralentir la compilation et les transmissions des résultats, qui sont attendus, de manière partielle, le 6 janvier prochain. Un comble pour les autorités congolaises, qui n’ont pas vraiment intérêt à faire durer le suspense très longtemps autour du nom du vainqueur de la présidentielle.

RFI réduite au silence

Autre mauvais signal en fin de journée, ce lundi, les autorités congolaises ont décidé de suspendre la diffusion de Radio France Internationale à Kinshasa et dans la capitale voisine, Brazzaville. La radio française est l’une des plus écoutées en RDC. Et dans la soirée, comme si cette mesure ne suffisait pas à faire taire la radio mondiale, l’accréditation de reportage de la journaliste de RFI, Florence Morice, lui a été retirée. Kinshasa reproche à la journaliste d’avoir divulgué des résultats partiels de l’élection et d’avoir enfreint « les règles de bonnes conduites des journalistes internationaux ». Une décision qui sonne également comme un avertissement aux dizaines d’autres journalistes étrangers présents au Congo pour couvrir les élections.

Ces très mauvais signaux démontrent, à qui en doutait encore, de la stratégie d’isolement souhaité par le pouvoir congolais. Après avoir refusé l’aide financière internationale pour organiser les élections et l’aide logistique des casques bleus de la Monusco, Kinshasa a également décidé de renvoyé cette semaine l’ambassadeur de l’Union européenne, dont les observateurs n’ont pas été autorisés à venir surveiller le scrutin de dimanche. Il est vrai que l’Union européenne et le Centre Carter avaient été les deux institutions qui avaient décrété les résultats de la réélection de Joseph Kabila de 2011 « non crédibles ». Visiblement, en 2018, le pouvoir congolais souhaite pouvoir organiser ses élections seul, et contrôler ses résultats à l’abri des regards extérieurs des institutions et des médias internationaux. Un scrutin sans témoins et à huis clos, dont le pouvoir semble vouloir maîtriser la communication, au moment crucial et très explosif que sera l’annonce des résultats. Un moment redouté par tous, en cas de victoire du candidat du pouvoir.

Christophe RIGAUD – Afrikarabia