Pas d’autorisation de déploiement de troupes africaines au Burundi. Ainsi en ont décidé les autorités burundaises. Et comme il fallait s’y attendre, le Parlement burundais a entériné le refus de l’Exécutif burundais du déploiement de troupes africaines dans le pays, sous prétexte que le pays est en paix.
Pour rappel, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) a décidé de déployer 5 000 hommes au Burundi, face à la flambée des violences. Cette mission « de prévention et de protection » vise à sécuriser le pays pour faciliter la tenue d’un dialogue inclusif à même de ramener la paix dans ce pays.
Comme on le sait, des scènes de violences récurrentes sont enregistrées depuis la décision de Pierre Nkurunziza de briguer un 3e mandat présidentiel, en violation de l’esprit et de la lettre de la Constitution burundaise, mais aussi de l’Accord d’Arusha. Ces violences à répétition ont déjà fait de nombreuses victimes parmi les officiels, mais aussi et surtout au sein des populations civiles.
La simple présence sur le terrain de troupes africaines devrait être assez dissuasive pour les criminels
Le refus de ce déploiement militaire par Nkurunziza n’est pas une surprise en soi. En toute logique, on aurait pu s’attendre à ce que le pouvoir burundais saute sur cette offre de l’UA. Car le déploiement d’une force d’interposition aurait permis, du moins théoriquement, de tempérer les ardeurs de l’opposition armée, ce qui, in fine, ferait l’affaire du régime Nkurunziza.
Bien des gens sont donc quelque peu surpris que le pouvoir burundais refuse un tel déploiement. Mais la vérité, c’est que Nkurunziza veut casser de l’opposant. Du reste, le président burundais avait déjà refusé, de façon on ne peut plus inélégante, la médiation du président béninois, Thomas Boni Yayi, proposée par l’UA. Le principal problème du Burundi aujourd’hui, faut-il encore le rappeler, c’est Nkurunziza lui-même.
C’est de sa faute si le pays brûle ainsi. Tout est parti de sa boulimie du pouvoir et la violence ambiante est orchestrée, en grande partie, par ses sbires, désireux de semer la psychose et de décourager toute velléité de contestation. Pour Nkurunziza, le déploiement d’une force d’interposition de l’UA serait une façon de le museler, de l’empêcher de massacrer en rond et en silence ses opposants.
Certes, l’étendue des pouvoirs dont disposera la force africaine prévue et la manière dont sa mission sera opérationnalisée, ne sont pas encore détaillées.
Mais, la simple présence sur le terrain de troupes africaines, devrait être assez dissuasive pour les criminels. En effet, si un tel déploiement devient réalité, les forces pro-Nkurunziza ne devraient plus avoir les coudées franches pour continuer à commettre les exactions dont elles sont coutumières.
Les populations seraient plus protégées et la terreur pourrait s’estomper, laissant libre cours à l’expression du rejet du pasteur-président par son peuple meurtri. C’est probablement cela que craint le « boucher » de Bujumbura.
Une situation où le peuple burundais, libéré de la terreur qu’il fait souffler sur le pays, s’organisera et viendra à bout de sa dictature. Nkurunziza préfère qu’il n’y ait pas d’œil extérieur et indiscret qui puisse l’empêcher de s’imposer par la terreur. Il veut pouvoir continuer à museler la presse, pour ne servir aux Burundais et au reste du monde, que l’information qu’il veut bien leur servir sur la crise.
On n’adresse pas une demande timbrée à un dictateur pour solliciter de lui qu’il arrête de massacrer son peuple
Aussi les maîtres de Bujumbura versent-ils dans le dilatoire lorsqu’ils disent vouloir que tout déploiement de forces de l’UA sur leur sol, soit décidé dans le cadre du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU). Les dirigeants burundais savent que les membres du Conseil de sécurité ont très souvent du mal à s’accorder sur les urgences, les valeurs à défendre par l’humanité.
Ils nourrissent certainement le vœu secret que la Russie et la Chine, très peu à cheval sur les questions de droits de l’Homme et de démocratie, bloquent une éventuelle action du Conseil de sécurité contre Nkurunziza et ses intérêts égoïstes. En tout état de cause, l’UA devra éviter de se laisser distraire.
Elle ne peut pas fermer les yeux sur les souffrances du peuple burundais, orchestrées par un président pouvoiriste. Intervenir de gré ou de force, telle doit être la ligne de conduite, chaque fois que la paix et la sécurité des populations sont compromises du fait de l’irresponsabilité des dirigeants politiques. Il y va de la respectabilité de l’instance africaine. C’est dire si l’UA joue sa crédibilité dans cette quête de solution à la crise burundaise.
Si elle recule, plie l’échine face au dictateur Nkurunziza, son image sera irrémédiablement écornée. Ce serait un message dangereux qu’elle enverrait au peuple burundais, mais aussi aux autres peuples d’Afrique.
Elle passerait aux yeux des uns et des autres, pour une organisation continentale de poltrons voire d’irresponsables. L’UA joue donc gros dans ce dossier burundais. Elle a l’occasion de se rattraper ; elle qui n’a pas mis les moyens pour prévenir ce qui est arrivé.
En effet, en dépit de la déclaration de la présidente de la Commission de l’UA, Dlamini Zouma, qui a qualifié la décision de Nkurunziza de briguer un 3e mandat, de changement anticonstitutionnel de gouvernement, rien n’a vraiment été fait en termes de prise de sanctions.
Pourtant, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance prévoit des sanctions dans ce cas de figure. De toute évidence, on n’adresse pas une demande timbrée à un dictateur pour solliciter gentiment de lui qu’il arrête de massacrer son peuple. Ce serait une démission, de la non-assistance à peuple en danger.
Un satrape comme Nkurunziza ne comprend que le langage de la force. C’est pourquoi l’UA doit bander les muscles et trouver, y compris en discutant avec les instances onusiennes compétentes en la matière, des moyens de déploiement de ses hommes au Burundi. Bien entendu, il y a lieu de ne pas se contenter de régler seulement le cas burundais.
Il importe que l’UA fasse preuve de fermeté, chaque fois que les populations sont otages d’un clan de vampires comme c’est le cas au Burundi actuellement. A l’instar de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a dû intervenir en Sierra Leone et au Libéria notamment avec son groupe de supervision du cessez-le-feu (ECOMOG), l’UA doit, avec courage, se rendre militairement au Burundi.
Pourvu seulement qu’elle évite soigneusement les erreurs commises par les Nations unies au Rwanda et qui avaient été exploitées à fond par les génocidaires. Croisons les doigts pour que, comme lors de la lutte contre le putsch du Régiment de sécurité présidentiel au Burkina en septembre 2015, l’UA relève le défi d’être aux côtés du peuple burundais, de façon effective.