Fin de suspense en République démocratique du Congo, mais pas des tensions: sous pression, Kinshasa a annoncé dimanche un calendrier électoral permettant au président Joseph Kabila de rester au pouvoir jusqu’au début de 2019, alors que l’opposition redouble d’ardeur pour demander son départ fin 2017.
Dix jours après la visite de Nikki Haley, l’ambassadrice américaine auprès des Nations unies qui avait exigé des élections en 2018 en RDC, la Commission électorale a annoncé plusieurs scrutins, dont la présidentielle, le 23 décembre 2018.
« Ce calendrier a été élaboré sous la pression de la communauté internationale, des acteurs politiques et de la société civile congolaise », a déclaré le président de la Commission électorale, Corneille Nangaa, qui affirmait récemment ne pas pouvoir organiser d’élections avant mars-avril 2019.
Le président Joseph Kabila, dont le deuxième et dernier mandat a pris fin le 20 décembre 2016, se maintiendra au pouvoir jusqu’en janvier 2019, selon ce calendrier attendu depuis des mois par les grands partenaires de la RDC (Etats-Unis, France, Belgique, Union européenne, et bien sûr, les Nations unies, qui entretiennent dans ce pays l’une de leurs missions parmi les plus anciennes, onéreuses et pléthoriques, la Monusco).
– Géant instable –
Cette annonce n’a pas détendu la crise politique qui mine ce géant instable d’Afrique centrale (2,3 millions de km2, neuf frontières), en proie à la violence des groupes armés dans l’est, le long de ses frontières avec l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie.
« Ce régime prédateur veut prolonger instabilité et la misère du peuple. Nous n’acceptons pas ce calendrier fantaisiste. Stop. doit partir », a immédiatement réagi sur Twitter l’un des principaux responsables de l’opposition, Moïse Katumbi.
M. Katumbi, candidat à la présidence et en exil de fait en Belgique, et son allié Félix Tshisekedi, demandent une « transition sans Kabila » à compter du 1er janvier 2018 pour confier l’organisation des élections à une ou des personnalités indépendantes.
« Il (le président Kabila) n’est légitime que jusqu’au 31 décembre », a indiqué samedi à l’AFP M. Katumbi, allusion à un accord pouvoir-opposition qui prévoyait des élections dès la fin de cette année qui est resté lettre morte.
« Nous rejetons le calendrier de Corneille Nangaa (président de la commission électorale). Ce qui nous intéresse pour le moment c’est le départ de Kabila au 31 décembre 2017 », a surenchéri un porte-parole du parti de M. Tshisekedi, Augustin Kabuya.
« Les opposants attendent de prendre le pouvoir par la violence », a accusé un porte-parole de la Majorité présidentielle (MP), Célestin Tunda. « Nous prenons acte du calendrier électoral. Nous prenons ce calendrier comme tel ».
La Commission électorale a rappelé qu’elle attendait de la communauté internationale de l’aide pour financer les élections dans ce vaste pays qui n’a jamais connu d’alternance pacifique depuis son indépendance le 30 juin 1960.
– 750 millions de dollars évaporés –
La RDC aux immenses ressources minières est aussi sous la pression des lanceurs d’alerte, alors que deux récents rapports ont démontré que 750 millions de dollars s’étaient évaporés entre 2011 et 2014 des caisses de la principale entreprise publique du pays, la Générale des carrières et des mines (Gécamines).
Le mouvement citoyen Lucha avait aussi demandé dès dimanche matin « une position commune ferme, invariable et sans équivoque, considérant que Kabila doit quitter le pouvoir (ou cesser d’être considéré comme président de la RDC) d’ici au 31 décembre 2017 ».
L’opposition et la société civile ont-elles les moyens de leurs objectifs? Leurs appels aux journées « ville morte » n’ont rencontré qu’un succès mitigé depuis la mort le 1er février du chef historique de l’opposition, Etienne Tshisekedi.
Chaque tentative de manifestation est sévèrement réprimée, comme lundi dernier à Goma (au moins quatre civils tués et un policier).
En Belgique depuis mai 2016 en raison de sa condamnation dans une affaire immobilière dont il conteste les fondements, Moïse Katumbi annonce son retour pour décembre, alors qu’il risque la prison dès son arrivée en RDC.
Fils du leader historique de l’opposition, Félix Tshisekedi a dénoncé la répression des autorités quand il a tenté d’aller à la rencontre de ses partisans à Lubumbashi la deuxième ville du pays la semaine dernière. Et la dépouille de son père, mort le 1er février à Bruxelles, se trouve toujours en Belgique, faute d’accord sur l’organisation des obsèques.