La CENCO allume le feu à Tshumbe au Kasaï-Oriental

Nombreux sont des analystes qui, au lendemain de la publication de la lettre des membres de la Conférence épiscopale nationale du Congo, soit le 14 septembre 2014, à l’occasion de leur visite ad limina Apostolorum, avaient constaté que ce message était de nature à semer les troubles et les désordres dans une Eglise catholique constituée non seulement des pro, mais aussi des antirévisionnistes.

Et ce qui commence à arriver, s’il n’y a pas de solutions durables, il y a risque que non seulement que le mouvement de mécontentement s’étende sur toute l’étendue du territoire nationale et dans toutes les provinces, mais aussi il y a risque d’assister à une fissure entre les fidèles d’une même paroisse, pour la bonne et simple raison que certains ne se retrouveront pas dans la révision et d’autres l’accepteront de deux mains.

Dans ce contexte, celle qui se trouve affaiblie, c’est beaucoup plus la toute puissante Eglise catholique, qui n’a pas su bien communiquer et dont la position tranchante sème le mécontentement général. Et à l’allure où vont les choses, ce sont des grappes de jeunes qui seront obligés, malgré eux, de prendre distance avec l’Eglise mère. Celle dont la décision ne rencontre pas l’assentiment de tous ses fidèles.

Le diocèse de Tshumbe en ébullition !

En effet, au point de 5 de la lettre des Evêques de la CENCO aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté, nous pouvons lire ce qui suit: Nous réaffirmons ainsi notre opposition à toute modification de l’article 220, article verrouillé de notre Constitution qui stipule que : « La forme républicaine de l’Etat, le principe  du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle ».

Dans le même message, la CENCO avait demandé à tous les cures et catéchistes de lire à l’intention des fidèles, son message « Protégeons notre Nation » et de sensibiliser les chrétiens dans les CEV, les Mouvements d’Action catholique, et les groupes à charisme propre, pour qu’ils s’engagent à protéger la Nation contre toute tentative de modification de l’article 220. Elle avait aussi promis d’organiser dans toutes les paroisses, communautés sacerdotales et religieuses, un Triduum de prière, (du 17 au 19 octobre, Journée de la Mission universelle), pour que le Seigneur protège notre pays et son peuple.

Mais l’exécution de cette décision dans le diocèse de Tshumbe, dans la province du Kasaï-Oriental, a provoqué des remous dans le chef des fidèles catholiques de ce coin de la République. Tenez, à Lodja par exemple, indique notre source, l’Abbé Loleke a été bruyamment pris à partie par les jeunes de la paroisse Saint Désiré hier dimanche 12 octobre 2014. Mécontents de l’appel à s’opposer à la révision constitutionnelle relayé par leur curé, ces jeunes proches de la Majorité Présidentielle ont interrompu l’office. Leur mouvement a mis le célébrant dans l’impossibilité de poursuivre la messe dominicale.

A la paroisse Sainte Thérèse de Nganga sur la rive gauche de la rivière Lokenye qui traverse Lodja, la lecture de la même lettre pastorale a provoqué une vive tension parmi les paroissiens qui ont décidé la suspension des cultes jusqu’à la nomination par l’Evêque du lieu de curés apolitiques. Interrogé par notre source, un de ces jeunes a déclaré qu’il venait à l’église pour écouter la parole de Dieu et non un discours politique.

La Cenco fait fi du message du pape

Tous ceux qui ont lu le message de la CENCO n’ont pas compris pourquoi la CENCO a-t-elle fait fi du message du Pape François du 12 septembre 2014, soit deux jours avant leur déclaration. Pourquoi ce silence ? C’est comme si le souhait de l’Eglise était de maintenir la population dans l’ignorance, un peu comme à l’époque de la colonisation où il fallait prêcher le royaume de cieux, pendant que les missionnaires mangeaient à leur faim et exploitaient à souhait les noirs.

Et pourtant, le Pape a tapé du poing du la table, exigeant notamment aux pasteurs de se garder de prendre la place qui revient de plein droit aux fidèles laïcs, qui ont justement pour mission de témoigner du Christ et de l’Evangile en politique et dans tous les autres domaines de leurs activités…

En réalité, le Pape n’interdit pas à quelqu’un de faire de la politique. Mais chacun devait le faire selon les règles de l’art. En réalité, le prêtre devrait s’arrêter à faire son sermon, à armer spirituellement et moralement les fidèles catholiques tout en leur faisant comprendre le bien fondé ou pas d’une telle initiative. Dans cette optique, l’Eglise ne pouvait pas donner une position tranchée. Voilà qui commence à énerver les jeunes catholiques de la Majorité qui ne trouvent plus leur compte dans cette façon de faire de la CENCO.

Selon un adage populaire, « mieux vaut prévenir que guérir ». Dans cette optique, connaissant bien le danger d’une intoxication et éclairés par le Saint esprit, les Pères de l’Eglise devaient prévoir des réactions fâcheuses qui arriveraient du côté de ceux-là qui ne sont pas prêts à accepter sa position. Car, à l’allure où vont les choses, nous risquerons d’assister à la fermeture en cascade des paroisses. Aussi, cette décision de la CENCO de mettre dans l’insécurité les prêtres au regard de ceux qui ne sont pas de leur tendance. De même, elle risque de conduire au désaveu de certains hommes de Dieu qui seront désormais vus comme étant de l’Opposition ou du pouvoir.

La laïcité n’est pas synonyme de laïcisme

Dans une tribune publiée sur le site internet de la CENCO intitulée : « Des Jeunes instrumentalisés? », nous pouvons lire que l’Eglise catholique est bien organisée au niveau de sa structure et les jeunes se retrouvent dans des mouvements d’action catholique reconnus. Tout jeune catholique qui a une proposition à soumettre à la hiérarchie à la possibilité d’exploiter les structures existantes, notamment la commission des jeunes qui existe dans tous les diocèses.

L’engagement politique devrait amener à l’esprit critique en évitant de relayer des thèses qui n’ont aucun fondement juridique et ecclésial. La laïcité n’est pas synonyme de laïcisme. La séparation de l’Eglise et de l’Etat signifie entre autres que l’Etat respecte le mode d’action du clergé qui répond à sa mission d’évangélisation dans le monde.

« La fidélité à l’Evangile selon le pape François, implique aussi que l’Eglise participe à la construction de la cité » (cf. Discours du pape François aux Evêques de la RD Congo). La participation des évêques à la vie de la nation est un droit inaliénable qui doit être reconnu à tout citoyen. Les évêques comme tous les citoyens de ce pays ont le droit d’émettre leurs avis sur la marche du pays. Cela ne                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 s’appelle pas faire de la politique ».

Où est passé le partenariat Eglise-Etat ?

En RD Congo, l’Eglise et l’Etat ont toujours des cadres de concertation pour aplanir leurs divergences. Vu l’ampleur que prend la question de la révision ou pas de la constitution, on est en droit de demander, quel contenu peut-on donner à ce jour à ce partenariat Eglise-Etat? En plus, va-t-on interdire aux représentants de cette Eglise de s’exprimer sur des questions de l’heure? Il n’est pas question d’interdire quelqu’un de s’exprimer, mais tout doit se faire dans le respect du rôle que chacun d’entre nous doit jouer dans la société. Si les laïcs peuvent être considérés comme des carburants pour la bonne marche de l’Eglise, celle-ci ferait tout pour que non seulement le carburant ne s’épuise pas, mais aussi qu’il soit de bonne qualité pour ne pas endommager le moteur.

Via L’Avenir

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