Le porte-parole du Gouvernement s’interroge sur la légalité et la légitimité de l’injonction comminatoire des prélats aux élus du peuple auxquels, il est demandé de s’abstenir de voter des modifications constitutionnelles susceptibles de rompre « un vouloir-vivre collectif et des valeurs fondamentales acceptées par l’ensemble du peuple ».
Le Gouvernement rejette en partie le message de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) faite lors de la célébration du 54ème anniversaire de l’indépendance de la RDC. Le porte-parole de l’Exécutif congolais recadre les évêques catholiques sur certaines questions, tout en admettant que le vœu des prélats se conforme à celui des autorités du pays. « Il s’agit, notamment, de l’engagement pris par les évêques catholiques de s’investir dans la sensibilisation de la population congolaise pour un processus électoral apaisé et de défendre les options fondamentales de la constitution pour la sauvegarde de notre démocratie », précise Lambert Mende au cours d’une conférence de presse animée hier jeudi 3 juillet.
« L’article 220 ne doit pas être retouché. Cette disposition constitutionnelle traduit et protège les options fondamentales relatives à la nature de l’Etat congolais qui est une république et non une monarchie », peut-on lire dans la déclaration des évêques. A ce sujet, Lambert Mende juge non fondé cette façon de voir les choses de la part de l’Eglise catholique.
Il rappelle à cet effet que « le député ou le sénateur exerce ce droit dans une assemblée d’élus qui reste un lieu de confrontation des idées et de construction du consensus national. Cette dynamique serait impossible si nos élus étaient réduits au rôle de pantins à la merci des groupes d’intérêt sans avoir la possibilité de conformer leurs points de vue à leur compréhension des enjeux du débat ».
« Il faut, en un mot comme en mille, respecter les dispositions constitutionnelles qui donnent au Parlement le pouvoir de se prononcer à une majorité qualifiée sur la modification de certains articles de la loi fondamentale. Nul ne peut lui retirer une telle prérogative ». « Je me permets, en outre, de questionner la légalité et la légitimité de cette injonction comminatoire des évêques aux élus du peuple auxquels il est demandé de « s’abstenir de voter des modifications constitutionnelles susceptibles de rompre un vouloir-vivre collectif et des valeurs fondamentales acceptées par l’ensemble du peuple alors que la constitution stipule que le mandat des parlementaires n’est pas impératif.
C’est à juste titre que le mandat exercé par ses membres revêt un caractère général, libre et irrévocable », s’interroge-t-il. En effet, rappelle Mende, « La Constitution prévoyant elle-même sa révision, hormis l’article 220, interdire aux Congolais d’user de ce droit revient à violer la constitution. C’est le lieu de rappeler cette vérité première selon laquelle nul dans un Etat démocratique n’a le droit d’autoriser ce que la Constitution interdit et nul n’a le droit d’interdire ce que la constitution autorise ».
« Cependant, en proclamant urbi et orbi sa désapprobation de tout mode de scrutin qui priverait le souverain primaire de son droit de désigner ses gouvernants et de participer directement à la gestion de la cité, la Cenco se lance dans un débat politique où elle donne l’impression de croire, à tort, que les options fondamentales relèvent du dogme », poursuit le porte-parole du Gouvernement. Lambert Mende se souvient que la proposition de l’élection des députés provinciaux, des maires et bourgmestres par scrutin direct est une « position notoirement connue de l’église catholique, transmise en son temps à la Ceni dans le cadre des consultations initiées par cette dernière et certainement examinée judicieusement ». « Croire que la Cenco peut imposer cette opinion à la nation en se substituant au législateur attitré (Assemblée nationale et Sénat) ou à l’administration électorale elle-même (Ceni) qui dispose de tous les paramètres techniques permettant d’apprécier l’efficience des mesures d’application de la loi électorale n’est pas dans l’ordre démocratique des choses », rappel-t-il.
Suffrage universel indirect ou direct ne pose aucun problème. Dans l’entendement du Gouvernement, « considérer une élection au suffrage universel indirect comme « contraire au principe du suffrage universel » est une grave erreur ». « Un scrutin indirect reste universel et démocratique. Affirmer le contraire, c’est se tromper soi-même et induire l’opinion en erreur », répond Lambert Mende aux évêques qui ont dénoncé les dérives d’une certaine classe politique qui « veut prendre le pays en otage ».
S’agissant de la non-modification des dispositions verrouillées de la Constitution, « nous n’avons aucune objection sur ce principe qui figure dans la Constitution. Il faut néanmoins déplorer le procès d’intention qui découle de l’acharnement à broder sur l’éventualité d’une volonté politique de révision de l’article 220 de notre Constitution qui n’existe que dans l’imagination débridée de ceux qui se sont spécialisés dans sa dénonciation, faute d’un projet à « vendre » aux Congolais », affirme Lambert Mende, regrettant que la Cenco s’en fasse l’écho, « malgré la clarification faite par toutes les voies autorisées que la constitution sera bel et bien respectée dans sa globalité ». Une manière pour le Gouvernement de répondre aux évêques qui ont promis d’utiliser tous les moyens pour sensibiliser la population afin de prévenir d’éventuels égarements démocratiques.
De tels procès d’intention « qui peuvent paraître de bonne guerre pour une Opposition en panne de repères, ne correspondent pas à ce que la nation est en droit d’attendre de ceux dont on estime qu’ils doivent rester « au milieu du village », regrette le porte-parole du Gouvernement.
Lambert Mende considère que la démarche des évêques conduit à « un glissement sémantique pernicieux et dangereux en ce que l’Eglise catholique, tout en appelant au respect de la Constitution, s’arrogent dans le même temps des pouvoirs constitutionnels qu’ils dénient à raison à d’autres ».
Aux dires de Lambert Mende, « les systèmes électoraux dits démocratiques, libres et transparents sont adossés sur les principes ci-après : (i) pré établissement des règles, (ii) compétitivité et (iii) liberté ». Préférer à ces principes d’autres, c’est torpiller aussi bien la Constitution que la législation en la matière en RDC, fait remarquer le porte-parole du Gouvernement.
Lambert Mende conclut ses propos en soulignant que les questions techniques et opérationnelles d’organisation des scrutins relèvent de la compétence exclusive de la Ceni. « Autrement, que devient son indépendance à laquelle les évêques eux-mêmes tiennent tant et qui vaut aussi vis-à-vis d’eux-mêmes ? ».
Ci-dessous l’intégralité de la communication de Lambert Mende
Au nom du gouvernement, je voudrais faire ce jour le point sur trois questions qui défraient la chronique, à savoir le désarmement volontaire des Fdlr, les incidents qui ont opposé les Fardc et les Rdf au lieu dit Kanyesheja, près de la ligne frontalière entre la RDC et le Rwanda et le message intitulé « Protégeons la Nation » publié par la Cenco. Vous le savez, beaucoup de choses ont été dites par un certain nombre de gens sur ces événements. J’espère qu’à la faveur de notre entretien, bien des équivoques pourront être levées sur le déroulement réel des événements et sur les responsabilités des uns et des autres à leur sujet.
I. Le désarmement volontaire des FDLR
Depuis le lancement des opérations de désarmement volontaire des rebelles rwandais des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (Fdlr) en vue de leur rapatriement, de nombreuses réactions se font entendre tant au niveau national qu’international. Le gouvernement estime de son devoir de fixer les esprits sur les objectifs qu’il poursuit à ce sujet, ainsi que sur la méthodologie qu’il entend mettre en œuvre pour mener à bonne fin ces opérations.
Il faut d’abord rappeler ce que certains ont souvent oublié : c’est la communauté internationale qui avait demandé (exigé) aux dirigeants du Zaïre de l’époque d’accueillir sur notre territoire des millions de personnes de nationalité rwandaise fuyant les combats et l’insécurité consécutifs au génocide de 1994 dans ce pays voisin du nôtre. Il est de notoriété publique que parmi ces populations dont la présence fut imposée à notre pays se trouvaient aussi bien des hommes, des femmes et des enfants inoffensifs que des éléments des forces armées défaites du régime Habyarimana ainsi que des milices génocidaires qui avaient traversé la frontière avec armes et bagages.
Faut-il encore rappeler que depuis lors, notre pays a continuellement payé un très lourd tribut du fait de la présence de ces réfugiés rwandais sur son sol comme si accueillir des êtres humains en détresse était un crime que nous devions expier. Directement ou par des pseudo-rébellions ou mutineries téléguidées, une phalange militariste agissant à partir du Rwanda, a soumis les paisibles populations de l’Est de notre pays aux exactions les plus humainement inacceptables en même temps qu’elle mettait cette partie de notre territoire sous coupe réglée sous le prétexte fallacieux d’un prétendu droit de suite contre les génocidaires des Fdlr. Ironie du sort : dans le même temps, lesdites Fdlr, fermement invitées par le gouvernement congolais à mettre fin à leur présence sans titre ni droit en République Démocratique du Congo, ont retourné leurs armes contre nos malheureuses populations et nos forces de défense et de sécurité.
C’est la raison pour laquelle depuis 2013, notre pays s’est résolument engagé dans une série d’offensives militaires en vue d’obtenir la totale éradication des Fdlr qui ne sont rien d’autre qu’une des forces négatives étiquetées comme telles par la communauté internationale et qui doivent, de gré ou de force, cesser d’exister sur le territoire congolais.
Après avoir défait militairement le M23 de triste mémoire, la dernière rébellion d’instigation étrangère sur le sol congolais, et appelé solennellement les autres forces encore actives à déposer volontairement les armes sous peine du même type de pressions, nos forces armées avaient, comme chacun le sait, entamé dans le même élan le désarmement forcé et l’éradication des rebelles ougandais de l’ADF qui sévissaient dans le grand Nord, pillant les récoltes, incendiant les villages et massacrant la population. Ces opérations, baptisées » Sukola » sont en cours dans les régions concernées. Elles viennent d’entrer dans leur phase terminale. Nos troupes sont plus préoccupées à ce jour du sort des centaines de nos compatriotes des territoires de Beni et Lubero enlevés par ces rebelles ougandais des ADF et dont on est sans nouvelles.
Les Fardc n’ont pas attendu la fin définitive de l’opération Sukola pour initier le déploiement des unités affectées à la neutralisation des forces négatives des Fdlr. Après les premiers engagements qui n’ont laissé aux éléments de cette force négative rwandaise aucune illusion sur notre détermination à en finir avec le danger qu’elle représentait pour nos provinces du Kivu et la région des Grands Lacs, les Fdlr ont annoncé leur intention de faire droit à l’ultimatum lancé par le président de la République, Joseph Kabila, à tous les groupes armés, nationaux et étrangers, leur intimant l’ordre de se désarmer volontairement ou se préparer à subir l’assaut des forces régulières appuyées par la brigade internationale d’intervention. C’était une offre de reddition en bonne et due forme qui nous a été transmise par les Fdlr.
Le gouvernement de la RDC était dès lors en mesure de choisir entre, d’une part, la poursuite d’une offensive militaire pour le désarmement forcé des Fdlr dont on connaît le coût en vies congolaises en particulier et en vies humaines en général et, d’autre part, la reddition volontaire proposée par les rebelles rwandais qui présente l’avantage d’être la moins coûteuse aussi bien en vies humaines, congolaises (civiles et militaires) et autres (les rebelles rwandais et leurs dépendants dont la grande partie est composée de citoyennes congolaises impliquées dans des liens matrimoniaux avec la plupart d’entre eux).
Dans le traitement de ce dossier délicat, compte tenu aussi bien des affres que ces rebelles hutu rwandais ont fait subir pendant des années à nos compatriotes de l’Est que des implications stratégiques et sécuritaires qu’implique leur présence continue sur le territoire de la RDC, il convient de ne pas se tromper de priorité. Afin que nul ne puisse en douter, je confirme que pour la République Démocratique du Congo, son Président et son Gouvernement, la priorité dans ce dossier des rebelles rwandais reste la fin de la présence de tous les membres des Fdlr sur le territoire national. Nous n’avons ni le pouvoir, ni l’intention de gérer leur avenir politique, social ou judiciaire, ayant déjà fort à faire avec les plus de 70 millions de Congolaises et Congolais.
Le Gouvernement n’envisage pour les Fdlr que deux alternatives incontournables : soit le retour dans leur pays d’origine qui est le Rwanda, soit le départ vers un troisième pays d’accueil. Les deux éventualités se fondent inexorablement sur un préalable absolu, celui de leur sortie du territoire congolais. De quelque côté que l’on aborde la question, la place des Fdlr, citoyens rwandais, n’est pas en République démocratique du Congo, que ce soit dans les provinces du Kivu ou dans les lieux de relocalisation provisoire sélectionnés par nos forces de sécurité pour la suite des opérations.
Il appartient au Rwanda de donner une suite utile à toutes les problématiques de fond soulevées par ses ressortissants. Nous pensons notamment à leur réinsertion sociale et à la revendication maintes fois articulée d’un espace politique dans leur pays. Il est aussi du devoir du Rwanda de juger, comme il l’a toujours fait jusqu’à présent, ceux sur lesquels pèseraient des présomptions de crimes en rapport avec le génocide de 1994.
Le gouvernement de la RDC est en contact avec la communauté internationale pour la mise en œuvre d’un programme de transfert vers des pays tiers de ceux des membres des Fdlr qui ne souhaiteraient pas rentrer au Rwanda et ce, conformément au droit international qui honnit tout rapatriement forcé. La justice internationale, dans sa configuration actuelle, est bien outillée pour entendre et juger, le cas échéant, les éventuels criminels qui se trouveraient dans cette catégorie.
En tout état de cause, la République Démocratique du Congo n’est ni le purgatoire, ni l’enfer où des présumés malfrats d’un pays voisin devraient être concentrés pour expier leurs turpitudes. Rien à notre sens ne saurait justifier que des dirigeants d’un pays multiplient des arguties dans le but de maintenir hors de chez eux leurs propres compatriotes.
La RDC est satisfaite du fait que, depuis hier à Luanda (Angola), la Cirgl ait donné son aval à ce projet de désarmement volontaire des Fdlr. Il faut rappeler que cette phase est partie d’un engagement des Fdlr elles-mêmes concrétisé par deux redditions enregistrées le 30 mai et le 9 juin 2014 respectivement au Nord-Kivu et au Sud Kivu. On aurait tort d’en minimiser l’impact symbolique sur les quelques centaines de résidus des Fdlr. Le gouvernement congolais ne partage pas les doutes que tentent de répandre certaines sources spécialisées dans les persiflages pessimistes sur tous les efforts de normalisation à l’Est de la Rdc et dans la région. C’est pourquoi il a décidé de prêter son concours à ce processus. Ce concours s’inscrit dans le contexte des engagements contractés par les Etats membres de la Cirgl signataires de l’Accord cadre d’Addis Abeba de contribuer à la résolution des problèmes sécuritaires et humanitaires de la région.
Il importe de noter que la facilitation que la RDC apporte à ce désarmement volontaire des Fdlr se fera sans préjudice de la collaboration de notre pays avec les institutions judiciaires internationales comme le Tpir d’Arusha auquel nous avons à plusieurs reprises livré des présumés génocidaires rwandais trouvés sur notre territoire, et la Cpi de La Haye. La RDC n’a donc certainement pas de leçons à recevoir de qui que ce soit en ce qui concerne la lutte contre la criminalité transfrontalière dans la région des Grands Lacs.
C’est le lieu de rappeler que le gouvernement congolais n’a jamais renoncé à l’option militaire qui reste sur la table au cas où les Fdlr ne concrétisaient pas leur désarmement volontaire dans un délai raisonnable et dans ce cas seulement. Aux dernières nouvelles, les plénipotentiaires de la Cirgl réunis hier à Luanda se sont accordés sur un délai de six mois qui court à partir de l’annonce du 30 mai dernier.
Nul ne peut reprocher à la RDC de contribuer, par ailleurs, au retour dans leur pays de ceux des Rwandais qui, majoritairement âgés de 18 à 25 ans, n’ont de toute évidence rien à voir avec les faits du génocide commis en 1994, alors qu’ils avaient moins de 5 ans, voire n’étaient même pas nés ! Nous avons quelques difficultés à comprendre les motivations de ceux chez nos voisins rwandais qui s’énervent à la perspective du rapatriement de 1.200 à 1.500 Fdlr qui vivent encore dans le Kivu alors que leur pays a reçu au cours de ces dernières années plus de 11.000 anciens Fdlr rapatriés sans dommages.
J’invite en outre l’opinion congolaise à intégrer dans l’examen de cette affaire de rapatriement des rebelles rwandais des Fdlr le sort des centaines de femmes et d’enfants congolais (les dépendants) dont les droits doivent être protégés par le gouvernement congolais en dépit de leurs liens avec des ressortissants rwandais.
II. Les incidents FARDC-RDF à Kanyesheja
Le gouvernement congolais n’a pas apprécié, c’est le moins que l’on puisse dire, la manière dont les faits relatifs aux incidents de Kanyesheja ont été manipulés et travestis. On a parlé d’une violation du territoire du Rwanda par une section des FARDC qui aurait eu l’intention de voler des vaches. Sans blagues ! D’après cette version, la section des voleurs de bétail de notre armée aurait été stoppée dans ses turpitudes à la suite d’une dénonciation des bergers excédés, qu’aucun enquêteur de la CIRGL n’a vu. Cinq (5) soldats FARDC aurait donc été tués à la suite de ce forfait, nous dit-on, ce qui, vous en conviendrez, est bien cher payé pour un vol de bétail dont personne, selon le Mécanisme conjoint de vérification élargi, n’a entendu parlé dans la région.
Les évidences fournies par le rapport de l’équipe du Mécanisme Conjoint de Vérification Elargi de la CIRGL qui a enquêté sur place ont réduit à néant ce tissu de contre vérités. En effet, les enquêteurs de l’équipe du MCVE avaient constaté le 12 juin, c’est-à-dire le lendemain des affrontements, qu’il n’y avait aucune preuve de bataille sur le site présenté par ceux qui ont exécuté un caporal Fardc et 4 autres personnes dont l’identité et la nationalité ne sont pas encore établies avec certitude, comme celui de la prétendue embuscade à laquelle ils prétendent avoir dû recourir pour arrêter les intrus.
La délégation du Mcve, constituée d’officiers représentant le Burundi, le Congo-Brazzaville, la RDC, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie, l’Uganda, la Zambie et la Monusco rapporte n’avoir rien trouvé non plus comme traces de combats sur l’autre lieu où la version rwandaise avait situé l’accrochage du matin du mercredi 11 juin dernier, alors que les Fardc les accusaient d’avoir délibérément pénétré en territoire congolais pour y enlever un caporal Fardc exécuté d’une balle à la nuque quelques heures plus tard.
Par contre, les enquêteurs signalent avoir trouvé des douilles et des trous de fusiliers entre Kanyesheja I et II, ce qui revient à dire qu’il y a eu agression contre la Rdc car les deux escarpements sont situés à l’intérieur du territoire de la Rdc. Au moment où se déroulait l’enquête du Mcve, les Rdf occupaient encore physiquement la colline de Kanyesheja II. Un flagrant délit d’incursion en territoire congolais.
Toutes les cartes disponibles confirment ce fait (voir Google Earth). Il n’y a donc aucun problème de délimitation de frontières sur cet espace entre la Rdc et le Rwanda, sauf à vouloir revenir sur le fameux dossier des frontières issues de la Conférence de Berlin (1885), lequel ne concerne pas seulement la Rdc et le Rwanda.
Pour en revenir aux faits, les incidents ont eu lieu mercredi 11 juin 2014 vers 5h00’ du matin, lorsqu’un groupe d’éléments des RDF ont fait irruption au poste frontalier Rwanda-RDC de Kanyesheja (à une vingtaine de kilomètres de Goma). Ils se sont saisis, sans aucune raison apparente, du caporal Hategekimana Baisilo du 391ème régiment FARDC, l’ont amené du côté rwandais de la frontière et l’ont abattu froidement quelques instants plus tard d’une balle à la tête, sous le regard de ses collègues congolais qui ont suivi son exécution à partir du côté congolais de la frontière.
Les échanges de tirs entre les deux forces ont eu lieu, d’abord à l’arme légère juste après l’enlèvement du caporal Baisilo, puis à l’artillerie (armes lourdes) après l’exécution de ce dernier. Comme on peut s’en rendre compte, ni la frontière, ni les vaches n’ont été en cause. Du reste, où est-il stipulé que l’on peut tuer un être humain uniquement pour poser un problème de délimitation de frontières qui, de plus, surgit ex-nihilo à la faveur d’un vol de vaches imaginaire ? Soyons sérieux !
L’autopsie effectuée par les médecins légistes à Goma sur les 5 corps remis par la Croix Rouge rwandaise à la Croix Rouge du Nord Kivu a révélé que les cinq personnes présentées toutes des plaies béantes à la tête faites par balle pour trois d’entre eux et à la machette pour les deux autres. Drôle d’embuscade, drôles de combats de tranchée ! En réalité on ne peut pas exclure l’hypothèse d’un crime de guerre. Devant la nécessité d’expliquer comment des personnes tuées prétendument lors d’affrontements à distance présentent le même type de blessure par balle ou arme blanche, le porte-parole du gouvernement rwandais s’est contenté de dire qu’elle ne savait pas dans quelles circonstances ces militaires avaient trouvé la mort. En totale contradiction avec ses premières déclarations.
S’agissant du nombre de soldats congolais tués au cours de ces incidents, sur les cinq corps remis à la Croix Rouge de Goma en Rdc, le commandement des Fardc, qui dispose d’un fichier biométrique de tous ses membres, n’a identifié qu’un seul corps, celui du caporal Hategekimana Baisilo. Les quatre autres personnes étaient certes vêtues de l’uniforme des Fardc mais n’ont pas été identifiées comme appartenant à nos forces. L’enquête se poursuit pour les identifier. Si le gouvernement congolais a accepté de recevoir les quatre corps, c’est dans l’intention de pouvoir les identifier afin de s’assurer qu’il ne s’agissait pas de civils congolais tués et revêtus de l’uniforme des Fardc.
En tout état de cause, il est intolérable que des êtres humains soient ainsi massacrés, puisque c’est cela l’évidence, uniquement pour justifier des visées de prédation. La Rdc appelle la communauté internationale à prendre ses responsabilités. De tels actes de provocation qui se multiplient depuis le lancement de l’opération de désarmement des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (Fdlr) vont à l’encontre de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.
III. Le message de la CENCO
Le gouvernement a pris connaissance avec beaucoup d’intérêt du message intitulé « Protégeons notre nation » que la 51ème Assemblée plénière des Evêques membres de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) a publié à l’occasion du 54ème anniversaire de l’indépendance de notre pays. Il y a dans ce texte un certain nombre d’éléments que partage le gouvernement. Il s’agit, notamment, de l’engagement pris par les Evêques catholiques de s’investir dans la sensibilisation de la population congolaise pour un processus électoral apaisé et de défendre les options fondamentales de la constitution pour la sauvegarde de notre démocratie.
Le gouvernement se félicite de l’implication active de l’Eglise dans le processus démocratique dans notre pays et apprécie à sa juste valeur sa contribution à l’éducation à la Nouvelle Citoyenneté à travers le rappel des valeurs fondamentales de la République ainsi que l’appel à la valorisation de nos ressources naturelles que nul ne doit aliéner sans contrepartie équitable par égoïsme ou dans le but d’accéder ou de conserver le pouvoir. C’est une interpellation générale que certains ont tort de considérer comme un pavé jeté contre tel ou tel autre camp politique.
Nous avons noté que les Evêques catholiques reconnaissent que le gouvernement travaille à bâtir un Congo plus beau qu’avant et à assurer sa grandeur, notamment par » la maîtrise de l’inflation, l’augmentation du taux de croissance, l’assainissement du climat des affaires, l’amélioration des infrastructures, en particulier la construction des écoles, des routes et l’équipement des hôpitaux « , autant que par une dynamique positive pour stabiliser le pays, incluant des progrès « enregistrés dans la lutte contre les groupes armés « . Le gouvernement s’en trouve encouragé.
Cependant, en proclamant urbi et orbi sa désapprobation de tout mode de scrutin qui priverait le souverain primaire de son droit de désigner ses gouvernants et de participer directement à la gestion de la cité, la Cenco se lance dans un débat politique où elle donne l’impression de croire, à tort, que les options fondamentales relèvent du dogme. Déformation professionnelle peut-être.
Nous en voulons pour preuve le fait que la proposition de l’élection des députés provinciaux, des maires et bourgmestres par scrutin direct est une position notoirement connue de l’Eglise catholique transmise en son temps à la Ceni dans le cadre des consultations initiées par cette dernière et certainement examinée judicieusement. Croire que la Cenco peut imposer cette opinion à la nation en se substituant au législateur attitré (Assemblée nationale et Sénat) ou à l’administration électorale elle-même (Ceni) qui dispose de tous les paramètres techniques permettant d’apprécier l’efficience des mesures d’application de la loi électorale n’est pas dans l’ordre démocratique des choses.
Considérer une élection au suffrage universel indirect comme » contraire au principe du suffrage universel » est une grave erreur. Un scrutin indirect reste universel et démocratique. Affirmer le contraire, c’est se tromper soi-même et induire l’opinion en erreur. S’agissant de la non-modification des dispositions verrouillées de la constitution, nous n’avons aucune objection sur ce principe qui figure dans la constitution. Il faut néanmoins déplorer le procès d’intention qui découle de l’acharnement à broder sur l’éventualité d’une volonté politique de révision de l’article 220 de notre constitution qui n’existe que dans l’imagination débridée de ceux qui se sont spécialisés dans sa dénonciation faute d’un projet à » vendre » aux Congolais. Il est regrettable que la Cenco s’en fasse l’écho malgré la clarification faite par toutes les voies autorisées que la constitution sera bel et bien respectée dans sa globalité.
Nous devons aussi émettre une réserve de principe face à la désapprobation par les Evêques de » toute sorte d’initiative qui, sans modifier l’Article 220, viserait à le vider de son contenu « . C’est la guerre contre les fantômes que nos amis Anglais ont immortalisé dans la formule » fighting with shadows « . De tels procès d’intention qui peuvent paraître de bonne guerre pour une opposition en panne de repères ne correspondent pas à ce que la nation est en droit d’attendre de ceux dont on estime qu’ils doivent rester » au milieu du village « .
Ils conduisent à un glissement sémantique pernicieux et dangereux en ce que les Evêques, tout en appelant au respect de la constitution, s’arrogent dans le même temps des pouvoirs constitutionnels qu’ils dénient à raison à d’autres. En effet, la constitution prévoyant elle-même sa révision, hormis l’article 220, interdire aux Congolais d’user de ce droit revient à violer la constitution. C’est le lieu de rappeler cette vérité première selon laquelle nul dans un Etat démocratique n’a le droit d’autoriser ce que la constitution interdit et nul n’a le droit d’interdire ce que la constitution autorise. Les systèmes électoraux dits démocratiques, libres et transparents sont adossés sur les principes ci-après : (i) pré établissement des règles, (ii) compétitivité et (iii) liberté. Préférer à ces principes d’autres, c’est torpiller aussi bien la Constitution que la législation en la matière dans notre pays.
Les questions techniques et opérationnelles d’organisation des scrutins relèvent de la compétence exclusive de la Ceni. Autrement, que devient son indépendance à laquelle les évêques eux-mêmes tiennent tant et qui vaut aussi vis-à-vis d’eux-mêmes ? Je me permets en outre de questionner la légalité et la légitimité de cette injonction comminatoire des Evêques aux élus du peuple auxquels il est demandé de » s’abstenir de voter des modifications constitutionnelles susceptibles de rompre un vouloir-vivre collectif et des valeurs fondamentales acceptées par l’ensemble du peuple » alors que la constitution stipule que le mandat des parlementaires n’est pas impératif. C’est à juste titre que le mandat exercé par ses membres revêt un caractère général, libre et irrévocable. Le Député ou le Sénateur, faut-il le rappeler, exerce ce droit dans une assemblée d’élus qui reste un lieu de confrontation des idées et de construction du consensus national. Cette dynamique serait impossible si nos élus étaient réduits au rôle de pantins à la merci des groupes d’intérêt sans avoir la possibilité de conformer leurs points de vue à leur compréhension des enjeux du débat.
Il faut, en un mot comme en mille, respecter les dispositions constitutionnelles qui donnent au parlement le pouvoir de se prononcer à une majorité qualifiée sur la modification de certains articles de la loi fondamentale. Nul ne peut lui retirer une telle prérogative. Pour finir, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’à l’occasion de son Conseil d’Administration réuni hier à Rio, l’ITIE a déclaré la République Démocratique du Congo » pays conforme « .
Je vous remercie. Lambert Mende Omalanga
Ministre des Médias, chargé des Relations avec le Parlement et de l’Initiation à la Nouvelle Citoyenneté
Porte-parole du Gouvernement