Les chefs des Confessions religieuses sont-ils réellement ce dernier rempart moral de notre société RD-congolaise ? A la lumière de toute la polémique autour de la désignation de leur délégué à la Commission électorale nationale indépendante -CENI-, il est difficile d’y répondre « oui » en âme et conscience. Pour beaucoup d’observateurs, ils sont plus que des politiciens ; à vrai dire : pire qu’eux. Au moins, les hommes politiques finissent généralement leurs querelles par un dialogue responsable.
Le cas de la réunion du 2 juillet entre les leaders du Cap pour le changement -CACH-, le Président de la République Félix Tshisekedi, et celui du Front commun pour le Congo -FCC-, l’ancien Président Joseph Kabila. A ce qu’il paraît, ils ont réussi à se faire des concessions sur des sujets qui les divisent. Ce qui revient à dire qu’ils ont dans une certaine mesure réussi à se faire confiance.
Qu’en est-il des chefs des Confessions religieuses ? Le 9 juin, jour de la dernière réunion consacrée à la désignation de leur délégué à la CENI. A la question du Cardinal de savoir qui votent pour Malonda. L’Eglise catholique et l’Eglise du Christ au Congo -ECC- tanguent entre Eale Bosela et Cyrille Ebotoko. Était-ce déjà le vote prévu par leur charte en cas de manque de consensus ? ECC et Catholique disent non. Et les autres avancent le contraire. Rappelons que l’Eglise catholique a la présidence de la plateforme et l’ECC, la vice-présidence.
Le même jour, dans la soirée, une délégation ECC et Catholique se rend rapidement chez le Président de la République. Des sources proches du milieu chuchotent qu’« ils ont demandé au Président de la République de bloquer la désignation de Ronsard Malonda ». Ils y ont déposé également leur rapport.
Pendant ce temps, les 6 autres dressent un compte-rendu et un Procès verbal de désignation s’appuyant sur la charte qui les régit et vont les déposer au bureau de l’Assemblée nationale qui les avait, tous les 8, mandaté, le 3 juin.
Le 10 juin, le Cardinal Ambongo et Bokundoa passent à l’offensive. Une passe d’armes irréversible! Dans une conférence de presse organisée par l’ECC et la CENCO, Eric Nsenga et l’abbé Donatien Nshole parlent des rumeurs persistantes de corruption. S’ils ne l’ont jamais prouvée, ils jettent tout de même l’opprobre sur les autres Confessions religieuses. Cette pratique n’est pas… très catholique. On est d’accord! Mais bon… Supposons que les religieux ont leur propre entendement de la morale! Les médias s’enflamment. « Les Confessions religieuses se pervertissent à coup de billets de banque… », lit-on çà et là. Le duo donne interview sur interview.
Le 12 juin, soit 2 jours après la cinglante sortie de Nshole, les 6 autres Confessions religieuses font une mise au point. Ils insistent particulièrement sur deux faits, à savoir: 1. La question des rumeurs de corruption n’a jamais été évoquée dans les réunions de la plateforme. 2. Ronsard Malonda a été voté par la majorité de 6 contre 2.
Voilà qui suscite davantage de réaction du couple catholique et protestant. Conférence de presse, interview, déclarations…
Le même 12 juin, le Cardinal Ambongo s’est rendu chez l’ambassadeur américain Mike Hammer. Ils ont notamment parlé de la désignation du président de la CENI. Le jour d’après, Mike Hammer se rend chez Jean-Pierre Bemba, un des leaders de la plate-forme politique LAMUKA. Au menu, le même sujet de la présidence de la CENI. Puis, Hammer échange avec Katumbi. Sur son compte Twitter on lit: «@moise_Katumbi et moi avons échangé sur la meilleure façon de renforcer l institutions démocratiques en RDC, notamment en veillant à ce que la CENI soit dirigée par une personne irréprochable…». Et, dans un autre tweet, photo de l’appel illustrée également : « j’ai appelé @martinfayula pour exprimer mes condoléances à la suite du décès de Pierre Lumbi. Nous avons discuté le renforcement des institutions démocratiques en RDC, en particulier la sélection d’un(e) chef (fe) de la @cenirdc indépendant (e) et sans reproche».
La tentation de déduire que l’Américain a échangé avec tous les leaders de LAMUKA dont le Cardinal, est forte. Mais non. Le Cardinal est un «homme de Dieu». Et donc, les actions visiblement coordonnées entre les leaders LAMUKA, les leaders catholiques et protestants et les organisations telles que CLC, Filimbi, LUCHA, comme ça avait été le cas en 2018, ne sont qu’une impression… une mauvaise lecture de la situation… A moins qu’on ne se borne à refuser de voir la vérité qui pend au nez? Mais Mike Hammer qui tient tant à la CENI, ne rencontre ni le FCC ni les autres confessions.
Le 15 juin, le Cardinal Ambongo reçoit une délégation des musulmans «dissidents» qui ont pris procession du siège de la COMICO depuis des mois déjà. Ensemble, ils ont parlé de l’assemblée générale de la COMICO et de la question de la représentativité de la COMICO dans la plateforme. Beaucoup y ont vu une démarche du Cardinal de souffler sur la braise dans un conflit intra communauté musulmane. Pas difficile de comprendre pourquoi il y a eu des musulmans qui soutiennent sa position. Interrogé sur le sujet, Cheikh Abdallah Mangala s’était refusé tout commentaire.
La médiation du Président de la République !
Après avoir reçu Ambongo et Bonkundoa, le 16 juin, le Président de la République reçoit les 6 Chefs confessions religieuses. Dans les médias, on annonce que Félix Tshisekedi fait la médiation pour concilier les religieux. Louable. Mais aussi interpellateur. Des sources recoupées, l’on apprend qu’il leur a confié qu’il ne compte pas s’immiscer dans cette question. Le Président de la République a insisté sur l’unité de la plateforme. Il leur a encore rappelé la confiance qu’il a placée dans les chefs des Confessions religieuses en leur confiant le Fonds nationale de solidarité pour la lutte contre la Covid-19.
Le 22 juin, le bureau de l’Assemblée nationale reçoit les chefs des Confessions religieuses afin d’y voir plus clair avant d’avancer avec le processus. Toutes les Confessions religieuses y sont représentées… sauf l’ECC. L’éclairage apporté dans les échanges décide le bureau à promettre de soumettre la désignation de Ronsard Malonda à la plénière. Au sortir de cette réunion, on aperçoit Nshole échangeant, sourire en coin, avec le Musulman Imam Mussa Rachidi, point focal de Confessions religieuses.
Volte-face des Kimbanguistes
Le 20 juin, des Kimbanguistes font une déclaration dans laquelle ils disent ne pas reconnaître Ronsard Malonda comme fidèle Kimbanguiste et qu’ils ne l’ont pas désigné comme leur candidat à la CENI. Ce qui n’est pas faux. Ronsard Malonda est catholique, membre de la famille chrétienne et même ancien du petit séminaire de Mbata Kiela. Sur papier, sa candidature a été parrainée par l’Union des Eglises indépendantes du Congo.
Le Révérend Elebe qui a toujours engagé l’église Kimbanguiste, s’efface après la réunion du 9 juin, où il a pourtant été actif. Certaines sources avancent qu’il subissait d’énormes pressions des certaines officines politiques et religieuses opposées au choix de Ronsard Malonda. Voilà qui va d’ailleurs finir par l’emporter. Des pressions, l’Armée du Salut en fera aussi les frais. Le passeport de son représentant légal, colonel Lamartinière, a été confisqué à l’immigration juste après le vote de Ronsard.
Le 23 juin, l’abbé Nshole fait une énième sortie médiatique plutôt subtile. Dans une lettre destinée à l’Assemblée nationale qui a très vite circulée dans les réseaux sociaux, il remet entre autres en cause le récit fait à Mabunda par l’Imam Mussa de la rencontre avec le Chef de l’Etat, une réunion à laquelle lui n’avait pas pris part. Il rejette aussi qu’il y avait eu vote le 9 juin. Pourtant, un responsable de l’Eglise du Réveil nous confie cette phrase du Cardinal du 9 juin : « Maintenant que le consensus n’est pas obtenu, nous allons passer à cet exercice démocratique où chacun va se prononcer en levant la main… ». Jusque-là, les chefs des Confessions religieuses n’ont pris aucune initiative pour s’entendre. Même le geste du Chef de l’Etat n’a pas réussi à les inspirer. Le consensus se cherche dans les médias.
Il n’a jamais été question de rechercher un consensus ?
Le 27 juin, la Conférence épiscopale nationale du Congo -CENCO- fait une déclaration intitulée : « Qui sème le vent récolte la tempête ». Une tempête qui vient particulièrement le 30 juin avec cette homélie des plus curieuses du Cardinal Ambongo. Il y annonce des jours difficiles. Il parle au nom de deux Confessions religieuses qui, selon lui, représenteraient 80 % de la population. -Chiffre à nuancer considérant la montée fulgurante des églises du Réveil et autres indépendantes depuis les années 90.
Le 2 juillet, les autres Confessions religieuses font leur deuxième et dernière déclaration en date depuis le début de la polémique, intitulée : « La RDC n’a ni besoin de martyr, ni de mouvement insurrectionnel ». Ils y dénoncent la montée de l’évangile de croisade et du discours de la haine de la part de leurs homologues religieux de l’Eglise Catholique. Le même jour, l’Assemblée nationale entérine en fin de journée la candidature de Ronsard Malonda comme délégué des Confessions religieuses à la CENI. Tollé. Notons que dans l’hémicycle, on a remarqué l’absence significative des députés de l’Opposition.
Le 4 juin, début des jours difficiles comme promis ! Des marches sont organisées à Kinshasa. On y voit particulièrement le CLC, Filimbi, LUCHA, LCD et LAMUKA. Certains médias parlent d’une centaine de manifestants.
Aujourd’hui encore, la question demeure : pourquoi au-delà de tous ces efforts pour se rentrer dedans, les hommes de Dieu n’ont pas tenté de se mettre ensemble ? A chacun de se faire une idée. Mais ce qui est sûr, l’intérêt du peuple n’y a rien à avoir. Il est également clair qu’avec toute cette polémique et cette pression planifiée, le choix de Ronsard Malonda a pris un coup. N’était-ce pas ça le plan ? Au dernier Conseil des ministres, le Président de la République leur a demandés de se concerter et de respecter le règlement qui les régit.