Nouveau rebondissement dans l’affaire opposant le président soudanais, Omar El-Béchir à la Cour pénale internationale. Après le refus de la RDC de l’arrêter, lors de son dernier passage à Kinshasa, les juges de la CPI ont décidé de s’en référer au Conseil de sécurité des Nations unies et à l’assemblée des Etats parties au Traité de Rome. A Kinshasa, la décision de la CPI soulève un vrai tollé. Dans certains milieux, on l’assimile à un chantage. Pour autant que d’autres pays bien avant la RDC ont accueilli Béchir sans qu’ils ne soient inquiétés.
La Cour pénale internationale n’a jamais digéré le refus de la RDC de livrer le président soudanais, Omar El-Béchir, alors qu’il participait à Kinshasa au dernier sommet du Comesa (Marché commun de l’Afrique orientale et australe). A la CPI, l’on est convaincu que la RDC a « délibérément » refusé de livrer le président soudanais. Aussi a-t-elle décidé le mercredi 9 avril 2014 de saisir le Conseil de sécurité des Nations unies et l’assemblée des Etats parties au Traité de Rome pour obtenir gain de cause.
Dans un communiqué publié sur son site, la CPI dit avoir informé « le Conseil de sécurité des Nations unies et l’assemblée des Etats parties de la non-coopération de la RDC quant à l’arrestation et à la remise d’Omar El-Béchir à la Cour »
La Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale (CPI), qui pilote cette procédure, considère que « la République démocratique du Congo (RDC) n’a pas respecté son obligation de coopérer pleinement avec la Cour en ne procédant pas à l’arrestation et à la remise d’Omar Al Bashir à la Cour, lors de sa visite en RDC les 26 et 27 février 2014 ».
« La Chambre a décidé, précise le communiqué, d’en référer tant au Conseil de sécurité des Nations unies qu’à l’assemblée des Etats parties au Statut de Rome, traité fondateur de la CPI ». La procédure ayant été lancée, « il appartient désormais, relève la CPI, aux Etats parties et au Conseil de sécurité de prendre les mesures qu’ils estimeraient nécessaires ».
Deux mandats d’arrêt ont été délivrés par la Chambre préliminaire I les 4 mars 2009 et 12 juillet 2010 à l’encontre de Omar Hassan Ahmad El Béchir pour cinq chefs de crimes contre l’humanité (meurtre, extermination, transfert forcé de population, torture et viol), deux chefs de crimes de guerre (fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement aux hostilités et pillage), et de trois chefs de génocide à l’encontre des groupes ethniques des Four, Masalit et Zaghawa.
Invité par le Comesa, le président soudanais avait, les 26 et 27 février 2014, séjourné en RDC. La CPI avait alors demandé à Kinshasa d’arrêter Béchir aux fins de le transférer à La Haye.
L’on se rappelle que près de 80 associations de défense de droits de l’Homme œuvrant en RDC, s’étaient inscrites dans la démarche de la RDC, liée, selon elles , aux engagements contenues dans le Traité de Rome instituant la CPI. Elles avaient sollicité auprès des autorités congolaises l’exécution du mandat d’arrêt émis par la CPI.
La suite, on la connaît. Celles-ci n’avaient pas cédé à la pression de la CPI. Le président soudanais a regagné son pays sans être inquiété. Dans un courrier, Kinshasa avait tenté de se défendre, estimant n’avoir pas eu le temps de mettre en œuvre cette demande. Par la voie de Lambert Mende, porte-parole du gouvernement, Kinshasa a fait valoir ses « obligations vis-à-vis de l’organisation régionale, Comesa, qui a invité le président El-Béchir à venir participer à un sommet à Kinshasa ».
Kinshasa s’est outre réfugié derrière la ligne unanimement tracée par l’Union africaine qui, lors d’un sommet à Addis-Abeba, avait invité ses membres à ne pas livrer un chef d’Etat en fonction. Elle avait signifié à ceux qui font partie de la CPI à choisir entre leurs obligations vis-à-vis de la juridiction internationale et celles vis-à-vis de l’organisation africaine.
A la CPI, l’on entend clouer la RDC au pilori. « C’est une vraie leçon de droit que les juges donnent à Kinshasa », font remarquer des sources à La Haye, reprises par radio Okapi. Selon ces sources, la CPI se fonde sur l’obligation qui lie les Etats signataires du Traité de Rome, qui ont été tous enjoints, au regard des crimes commis au Darfour, de coopérer pleinement.
Dans l’opinion, l’on s’explique mal l’acharnement de la CPI sur la RDC. Dans certains milieux, l’on n’arrive pas à comprendre le silence de la CPI envers des pays qui ont bien avant la RDC accueilli Omar El-Béchir sur leur sol.
En Afrique, les exemples sont légion. Car des pays tels que le Tchad et le Kenya ont reçu avec tous les honneurs dus au chef d’Etat le président soudanais sans que la CPI ne s’en émeuve outre mesure. Pourquoi cette levée de boucliers lorsqu’il s’agit de la RDC ?
La procédure engagée par la CPI devant le Conseil de sécurité des Nations unies est cet arbre qui cache la forêt. L’on ne comprend pas que la RDC qui a pleinement coopéré avec la RDC jusqu’à livrer à La Haye un député en fonction, en l’occurrence Fidèle Babala du MLC, soit aussi facilement jeté en pâture pour une affaire qui ne relevait pas directement de sa compétence.
Omar El-Béchir s’est retrouvé à Kinshasa non sur invitation de la RDC mais plutôt du Comesa, organisateur du sommet. De ce point de vue, s’il y a un coupable dans ce qu’il faut qualifier désormais d’affaire Béchir, c’est le Comesa et non la RDC.