Acquitté de « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre », l’ancien vice-président de la RDC devrait regagner très vite la Belgique.
Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont ordonné la libération provisoire de Jean-Pierre Bemba, mardi 12 juin, en fin d’après-midi. L’ancien chef de guerre et ex-candidat à l’élection présidentielle de 2006 en République démocratique du Congo (RDC) peut donc désormais rejoindresa femme et ses enfants installés en Belgique, comme l’une de ses avocates, Melina Taylor, l’avait plaidé plus tôt dans la journée. Cette libération, plus de dix ans après, est cependant assortie de conditions. Jean-Pierre Bemba ne pourra pas s’exprimer sur l’affaire toujours en cours, pour laquelle il a été reconnu coupable de subornation de témoins et sur laquelle les juges doivent encore prononcer la sentence définitive.
Depuis son acquittement des crimes qui lui étaient imputés en Centrafrique, vendredi, l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) reste en effet détenu dans le cadre d’une seconde affaire de subornation de témoins. Le 23 novembre 2013, alors que son premier procès était en cours, quatre personnes avaient été arrêtées à la demande du procureur, dont deux membres de la défense de M. Bemba. Avec lui, ils étaient suspectés d’avoir participé à une entreprise de corruption de témoins visant à contrer la thèse du procureur, selon lequel le chef du Mouvement de libération du Congo (MLC) aurait eu le plein contrôle sur ses soldats envoyés en Centrafrique en 2002 et 2003 pour soutenir le régime menacé d’Ange-Félix Patassé.
Dix ans de détention préventive
Dans ce second dossier, M. Bemba a été condamné à un an de prison et 300 000 euros d’amende. Mais le procureur et la défense ont fait appel de la sentence. Des audiences sur ce point sont prévues le 4 juillet et la décision finale ne sera pas connue avant plusieurs semaines. La procureure, Fatou Bensouda, a réclamé la peine maximale de cinq ans de prison et « une amende substantielle ». Dans cette affaire, la Cour considère que M. Bemba a déjà purgé quatre ans et demi de prison depuis sa notification, en novembre 2013. S’il devait être condamné à la peine maximale – ce qui est très peu probable –, il lui resterait dès lors six mois à purger.
Or M. Bemba a déjà passé dix ans en détention préventive pour les « crimes contre l’humanité » et les « crimes de guerre » dont il a finalement été acquitté. Le temps passé en prison couvre donc, théoriquement, la peine qu’il devrait purger, quelle que soit la future sentence. Mais la Cour traite jusqu’ici les deux affaires séparément. Cette séparation pourrait avoir son importance, notamment si M. Bemba décidait de demander des dommages pour les dix années passées en détention préventive. Mardi matin, le substitut du procureur s’était opposé à la libération, rappelant avoir demandé que M. Bemba soit condamné à régler une « amende substantielle » et affirmant en outre qu’il « a les moyens de mobiliser un réseau de supporteurs » pour fuir.
Quoi qu’il en soit, la libération de Jean-Pierre Bemba devrait peser sur l’élection présidentielle prévue le 23 décembre en RDC, où son influence politique demeure importante.
Stéphanie Maupas (La Haye, correspondance pour Le Monde)