Question de bon sens : les intérêts américains convergent-ils sur toute la ligne avec ceux des Congolais ?
Le Chef de l’Etat congolais poursuit son séjour américain, entamé depuis le dimanche 1er mars en cours. Cette visite officielle de Félix Tshisekedi au pays de Donald Trump, la troisième depuis son investiture le 24 janvier 2019 au sommet de l’Etat congolais, s’achève en principe, aujourd’hui mardi 3 mars. Des sources sur place à Washington renseignent qu’au premier jour de son séjour, soit le dimanche dernier, le successeur de Joseph Kabila a rencontré le comité des affaires publiques israélo-américain qui représente la communauté juive des Etats-Unis.
Vu des analystes, cette troisième visite officielle de Félix Tshisekedi aux Etats-Unis est perçue comme une sorte d’offensive diplomatique aux enjeux multiples. Moralité, ce voyage retient l’attention de plus d’un observateur congolais. Le moins que l’on puisse retenir au stade actuel de ce voyage du président congolais à Washington, est l’annonce qu’il a faite de la nomination d’un ambassadeur plénipotentiaire de la RD Congo à Tel-Aviv en Israël.
« Les relations entre mon pays et Israël sont restées longtemps en léthargie. Nous avons pourtant d’énormes domaines de convergence d’intérêt sur le plan sécuritaire, économique, culturel et scientifique. S’agissant des questions sécuritaires, les défis nouveaux liés à la lutte contre le terrorisme, la corruption et le blanchiment des capitaux ainsi que la lutte contre la cybercriminalité nous donnent l’obligation de renforcer nos liens pour des objectifs partagés », a déclaré Félix Tshisekedi dans son discours à la conférence de l’American Israël public Affairs committe (AIPAC).
SUR LES TRACES DE MOBUTU, LD KABILA ET DE J.KABILA ?
Ce n’est pas la première fois qu’un Chef de l’Etat congolais soit l’hôte des Américains. Feu le maréchal Mobutu l’avait plus sieurs fois été. Sn tombeur feu M’Zee Laurent-Désiré Kabila mêmement. Et, la série a continué jusqu’à Joseph Kabila en 2001. L’histoire ne renseigne-t-elle pas que quelques semaines après son investiture au sommet de l’Etat, en janvier 2001 par l’Assemblée constituante et législative-Parlement de transition (ACL-PT), Joseph Kabila s’était envolé pour les Etats-Unis, les mêmes, avant d’effectuer une série de visites officielles dans d’autres capitales occidentales. Et donc, rien de nouveau sous les tropiques.
Comme on peut donc le constater, Joseph Kabila en 2001, comme Félix Tshisekedi à ce jour, avait commencé avec les Occidentaux dès l’entame de son Magistère. Dans cet exercice qui commande une approche comparative, il faut rappeler que Joseph Kabila et son défunt père M’Zee Laurent Désiré Kabila, n’avait pas accédé au pouvoir dans les mêmes conditions. Pour ne pas dire, le même contexte politique. Le père, on le sait, y était parvenu à la faveur d’une révolution. Dans ces conditions, les orientations de ce dernier ne pouvaient poser aucun problème.
Parce qu’on parle du contexte politique, Félix Tshisekedi est arrivé au pouvoir au sommet de l’Etat à la suite d’un deal avec son prédécesseur Joseph Kabila. L’un ayant gagné la présidentielle et l’autre, les législatives nationales. D’où, l’écrasante majorité actuelle dans les deux chambres du Parlement et même dans les assemblées provinciales.
Face à cette situation, Joseph Kabila et son successeur Félix Tshisekedi avaient convenu de former une coalition pour cogérer le pays pendant le quinquennat en cours. Dire simplement les choses, Fatshi n’est pas seul à la manœuvre du gouvernail du « navire » RD Congo. Bien au contraire. Il existe bel et bien un pouvoir de coalition qui veut que la voie du compromis soit privilégiée pour ne pas, justement, déranger les équilibres internes.
Compte tenu de cet environnement politique, Félix Tshisekedi n’est donc plus en situation de faire une sorte de table-rase du passé. Dès lors qu’il s’est engagé à œuvrer dans une coalition, le nouveau Chef de l’Etat consentait de partager certaines de ses prérogatives constitutionnelles. De même, il tient compte de sa vision politique, de même qu’il devrait également tenir compte de l’autre versant qu’est le Front commun pour le Congo (FCC).
QUID DE LA CONVERGENCE DES INTERETS ?
Redynamiser la coopération avec les Etats-Unis n’est pas en soi un crime de lèse diplomatie, d’autant plus que ce pays est un vieux partenaire de la RD Congo depuis 1960. Libre à Félix Tshisekedi de prendre des engagements à l’international. Libre aussi au Chef de l’Etat congolais de tracer les contours de sa diplomatie. Cependant, la question qui se pose est celle de savoir si dans ce nouveau mariage « réchauffé », les intérêts américains convergent sur toute la ligne avec ceux des Congolais. Au cas où les intérêts des Etats-Unis d’Amérique sont divergents ou ne participeraient pas forcément à ceux de la RD Congo, par rapport à l’ordre politique actuel au pays, il appartiendrait alors à Félix Tshisekedi de procéder au tri, dans ce que lui offre son nouveau partenaire. Pas si sûr qu’en poussant le successeur de Joseph Kabila à « effacer le tableau », que les Congolais trouveraient bien leur compte.
Dès lors que le FCC et le CACH cogèrent la RD Congo, le bon sens admet que les deux plateformes puissent voir ensemble, les engagements qui cadrent avec les intérêts du pays et lesquels risquent d’éloigner le pays de son idéal. D’où, l’impératif de concilier les deux contraintes : coopérer avec les Etats-Unis tout en ne portant pas atteinte aux intérêts nationaux. De même le pays de Donald Trump a le droit de défendre ses intérêts, de même que la RD Congo a le droit légitime de défendre les siens.
Tout bien considéré, on devrait éviter que les engagements du chef de l’Etat congolais à l’international, ne puissent catalyser les équilibres internes, encore fragiles. Au nom de ce nouveau partenariat, il ne faudrait pas non plus que la stabilité interne soit sacrifiée sur l’autel des calculs politiques-pièges. La nature du pouvoir actuel, coalition oblige, repose sur le consensus entre les deux principales familles politiques FCC et CACH. Un compromis qui a permis à la RD Congo de survire, de ne pas sombrer à l’issue de la présidentielle du 30 décembre 2018, là où nombre d’observateurs d’ici et d’ailleurs, craignaient le chaos, des scénarii catastrophes. Les Relations internationales ne reposent-elles pas sur les intérêts ?