Discours sur l’état de la Nation : les Congolais suspendus aux lèvres du Chef de l’Etat

Le pays tout entier est suspendu, attendant l’adresse du Chef de l’Etat à la Nation, à travers le Congrès, c’est-à-dire, les deux chambres du Parlement réunies, dans les tout prochains jours, ainsi que le recommande la Constitution de la République.

Le pays tout entier est suspendu, attendant l’adresse du Chef de l’Etat à la Nation, à travers le Congrès, c’est-à-dire les deux chambres parlementaires réunies, dans les tout prochains jours, ainsi que le recommande la Constitution de la République.

Etant donné les circonstances et l’actualité internationale, ce discours-ci est plus que tous les précédents. Très attendu, il l’est par les Congolais, mais pas seulement par eux car, l’opinion internationale, vu les enjeux de l’heure, sera également tout oreille devant cette adresse du Chef de l’Etat. Mais de quoi va parler le Président ?

Lorsqu’on administre un pays aussi complexe, aux dimensions sous-continentales et aux diversités culturelles aussi énormes, on ne peut ne pas avoir à dire. Et lorsqu’on considère que Joseph Kabila est un Président élu, qui avait donc présenté un programme qu’il réalise et qu’il est appelé à défendre entièrement le moment venu, mais partiellement chaque fois que l’occasion se présente, il est acquis que le Chef de l’Etat a à dire, beaucoup à dire. Mais que dira-t-il ?

Il fera certainement une rétrospective de cette année 2014 finissant, c’est-à-dire une sorte de bilan d’une année, depuis le dernier discours, à la fin de l’année dernière.

Dans ce discours-là, le Président avait surtout parlé des concertations nationales, dont les assises s’étaient tenues quelques temps plus tôt à Kinshasa. Tout ce que la grande majorité de ses compatriotes avaient retenu de ce discours, en rapport avec les fameuses concertations nationales, était l’annonce faisant état de  » la formation, bientôt, d’un gouvernement de cohésion nationale.

Il y a eu ensuite des tonnes de papiers et des centaines d’émission sur les différentes chaînes de télévision que compte le pays, relatifs à ce gouvernement. Les journalistes ont profité, toute une année durant, de la moindre occasion pour spéculer sur ce gouvernement. Ils l’ont annoncé pour la clôture de la session ordinaire de septembre, c’est-à-dire en décembre 2013, puis à la Saint-Sylvestre.

Gouvernement de cohésion ou d’union nationale ?

Ce gouvernement a ensuite été attendu à l’ouverture de la session parlementaire de mars 2014. On l’a annoncé pour le retour du Chef de l’Etat de son voyage en France au milieu de l’année. Il a ensuite été annoncé, avec fracas, pour l’ouverture de la session de septembre 2014. Enfin, il a été annoncé (sûr cette fois-ci) pour la veille du départ du Président de la République pour le sommet de la francophonie qui s’est déroulé le week-end dernier à Dakar au Sénégal.

Bien avant sa naissance, ce gouvernement est lui-même l’objet d’une controverse. Devra-t-il s’agir d’un gouvernement de cohésion nationale, comme l’a annoncé le Président, ou plutôt d’un gouvernement d’union nationale ? La question mérite bien d’être posée, au regard de l’engouement de ceux des opposants qui ne sont que des opportunistes que seul leur ventre intéresse.

Ce n’est en effet pas la même chose. Dans un gouvernement de cohésion nationale, c’est l’esprit qui prime. On peut y insérer quelques membres de l’opposition sans que cela soit pour eux un droit (ils n’ont pas gagné les élections, ce qui fait d’ailleurs qu’ils soient dans l’opposition).

Mais dans l’esprit d’un gouvernement d’union nationale, tout est remis sur le tapis afin de repartir de zéro. La situation politique de l’heure fait que tout le monde est appelé à gérer ensemble pendant un certain temps, temps pendant lequel, outre la gestion de la Res Publica au quotidien, on préparerait des élections qui détermineraient une majorité qui formerait alors son gouvernement.

Or, la situation politique présente du pays, qui est calme, ne pousse pas à un tel schéma. La ruse étant permise en politique, l’actuelle majorité présidentielle a tout intérêt à souhaiter un gouvernement d’union nationale car personne ne pourra lui demander des comptes à la fin : majorité et opposition auront géré ensemble. Et personne ne pourra lever son petit doigt lorsque l’un ou l’autre membre de cette majorité déclarera ses ambitions de briguer telle ou telle autre fonction.

Une opposition responsable ne souhaiterait donc pas un tel gouvernement et laisserait les vainqueurs des élections de 2011 achever tranquillement leur mandat.

D’ailleurs, si on voulait bien réfléchir dans ce pays et voir un peu plus loin que le bout de son nez, c’est au niveau des gouvernements provinciaux qu’on exigerait l’association de toutes les tendances politiques étant donné que ces gouvernements sont hors mandat depuis trois ans !

Véritable  » Maradona  » politique, Joseph Kabila a déjoué tous ces  » pièges  » qui lui étaient ainsi tendus. Une année après cette annonce pour bientôt, ce gouvernement n’a jamais vu le jour.

C’était une occasion de plus de découvrir encore mieux l’homme politique congolais. On a ainsi vu des alliances contre-nature se former avant de fondre comme neige au soleil, on s’est régalé avec des politiciens qui pratiquent aisément la démocratie du soleil, se levant dans l’opposition et se couchant dans la majorité présidentielle avant de se retourner avec l’agilité et la rapidité d’un serpent venimeux pour se réveiller le matin suivant dans l’opposition, le gouvernement tant attendu ayant le don de prendre des rides dans le sein de sa génitrice.

Situation sécuritaire confuse

Soit, donc, Joseph Kabila survolera simplement ce sujet, comme il en a le secret, afin d’amener les plus lucides de ses compatriotes à ranger carrément dans les oubliettes ce fameux gouvernement, soit ce gouvernement verra effectivement le jour au lendemain de son adresse.

Le Président ne pourra pas ne pas parler de la situation sécuritaire instable qui prévaut toujours dans la partie Est de la République, particulièrement dans la région de Beni, où plus de deux cents personnes ont déjà été froidement exécutées en l’espace de deux mois.

Si donc la plupart de Congolais dresseront les oreilles dès que le Président abordera ce chapitre, ils seront rejoints par toute la communauté internationale lorsqu’il sera question du chapitre lié aux questions qui embarrassent les esprits depuis pas mal de temps. Il s’agit, notamment, de la révision ou pas de la Constitution, des futures échéances électorales générales et de son avenir politique au-delà de 2016, date de la fin de son mandat actuel à la tête de l’Etat congolais.

La question portant sur une éventuelle révision de la Constitution et celle de l’avenir politique du Président Kabila sont intimement liées, au point qu’elles constitueront le clou de cette adresse.

Jusqu’ici, en tout cas, le Chef de l’Etat ne s’est jamais prononcé sur l’une ou l’autre de ces épineuses questions. Il n’y est même pas obligé. Dans une société occidentale, personne ne s’attendrait à ce qu’il s’y penche. S’il se prononce sur ces deux sujets, et quelle que soit sa position, ils accapareront l’actualité dans le pays dès la fin de ce discours, et pendant un bon moment.

On se rappellera que, dans son dernier discours devant l’assemblée générale des Nations-Unies, le Chef de l’Etat avait confirmé la tenue des élections urbaines et municipales dans son pays en 2015. A la veille de cette année butoir, il dira certainement un mot là-dessus.

Via L’Observation

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *