Dans une interview accordée à Radio France International, Lambert Mende Omalanga réagit aux déclarations contenues dans le récent rapport du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme et de la Monusco.
RFI : Les Nations unies parlent du rétrécissement de l’espace démocratique en RDC. Comment régissez-vous ?
Lambert Mende : Nous sommes tout-à-fait conscients des efforts qui nous restent à faire pour atteindre les engagements que nous avons pris au niveau des Nations unies et au niveau de notre peuple en ce qui concerne le respect des droits de l’homme. Mais, nous estimons qu’avec ce rapport du bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme et de la MONUSCO, on a l’impression que les experts se transforment plus en une nouvelle ONG, en un nouveau parti politique pour dénoncer ce qui se passe et ne nous aident pas suffisamment à améliorer les services que nous rendons, à prendre en compte notamment les efforts que nous faisons pour réprimer les mauvaises habitudes qui peuvent se réinstaller dans ce pays pendant des années. Donc, il faut un effort sérieux soutenus. C’est pour cela même que nous avions négocié leur présence ici. Mais, on a l’impression qu’ils se préfèrent dans le rôle de caisse de résonnance d’une opposition.
Doutez-vous que les standards aient été respectés pour ce rapport ?
Non ! Pas du tout. Les standards ne sont pas respectés parce que d’abord, le principe du contradictoire est manifestement négligé. Deuxièmement, il y a un travail bâclé. C’est un travail de perroquet. On ne fait que répéter, finalement, les accusations des partis politiques de l’opposition. C’est un partenaire institutionnel qui doit prendre en compte tous les éléments. C’est-à-dire tenir compte aussi bien de ce qui ne va pas que des efforts qui sont faits pour améliorer la situation et nous aider à aller beaucoup plus loin notamment en mettant à notre disposition des informations.
Pour les manifestations de janvier, ils évoquent une vingtaine d’exécutions sommaires. N’aviez-vous pas constaté ces décès-là ?
Il y a eu des décès mais ils les attribuent tous à la police. C’est vraiment ne pas prendre une distance-critique par rapport aux éléments. Beaucoup de gens sont morts dans des magasins qu’ils allaient piller. Ils étaient tués par le personnel de sécurité et non pas par la police. Pourquoi ignorer cela ? Nous leur avons dit cela et nous ne voyons pas autre chose que de la dénonciation. Donc, c’est quelque chose qui nous parait questionnable dans le rôle qu’ils jouent dans notre pays.
Qu’est-ce qui vous paraît pertinent dans les recommandations qu’ils font à la fin de leur rapport ?
Même leurs recommandations copient pratiquement mot pour mot, les recommandations de l’opposition et des ONG. Lisez très bien. C’est vrai que nous avons des problèmes avec les Nations unies. C’est vrai que nous nous sommes engagés à la demande du conseil de sécurité dans un dialogue stratégique avec les Nations unies pour revisiter justement ces méthodologies-là. Nous avons un problème avec l’emploi du personnel étranger par rapport au personnel national. Mais, nous ne voudrions pas que le bureau conjoint se mette à nous faire payer ces revendications qui sont tout-à-fait légitimes et que notre gouvernement fait en se transformant en opposition ou en ONG au lieu de continuer à faire un travail de partenariat institutionnel que nous recherchons de leur part.
Par ces recommandations, ils parlent de l’usage abusif de la force qu’ils estiment avoir lieu dans les manifestations et le fait de mieux équiper la police pour le maintien de l’ordre
C’est tout-à-fait déplacer de parler de l’usage abusif de la force au mois de janvier. En quoi est-ce que nous pouvons être accusés d’avoir utilisé abusivement la force ? Pendant que deux policiers sont tués, comment voulez-vous que les autres policiers ne réagissent pas lorsqu’on tire sur eux. C’est tout-à- fait déplacé comme recommandations à notre avis.
Sur les arrestations arbitraires, ils parlent de plus de 600 cas au cours des 9 premiers mois. Est-ce que vous ne pensez pas que l’actuel gouvernement pourrait faire un effort ?
Je pense qu’ils critiquent même la justice. Ils se permettent même à se substituer à la justice. Ça c’est quelque chose d’assez étonnant que des gens qui ont des connaissances juridiques comme nous puissent se permettre de juger les juges. Il parait que c’est eux qui peuvent déterminer de qui est innocent, de qui peut être gardé en détention et de qui est coupable. Ce n’est pas leur rôle. Et on n’a pas remplacé notre justice par le bureau conjoint. On les a appelé pour assister notre justice et pas pour se substituer à elle.
On parle de militants de Filimbi, par exemple, qui ont mis du temps pour être présentés à la justice. Les délais de la loi sont clairs, il faut passait 48 heures. Ils n’ont pas été présentés dans les 48 heures.
C’est eux qui le disent. J’aurais aimé que les avocats de ces gens en parlent et pas le bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme.
C’est quant même les Nations unies. Est-ce vous ne craignez pas que si vous n’avez pas au moins avec eux de la préoccupation, cela puisse peser, comme ils le disent, à la crédibilité du processus électoral ?
Nous n’avons pas à aller chercher la crédibilité du processus électoral à l’étranger. C’est auprès de notre peuple que nous irons chercher cela. C’est pour cela que nous avons convoqué un dialogue pour mettre tout cela comme sur les pratiques que nous devons adopter et sur les pratiques que nous devons abandonner. Il faut qu’on cesse de croire qu’on va nous amener ici à nous considérer comme un pays sous-tutelle de qui que ce soit.
RFI