Le FCC prêt au combat pour imposer Ronsard Malonda

FCC

Ce dimanche 13 septembre 2020, toute la crème du FCC s’est rassemblée autour de son autorité morale, Joseph Kabila, à la ferme de Kingakati, dans la grande banlieue de Kinshasa.

A la veille de la rentrée parlementaire, la célèbre ferme qui est devenue également un parc animalier a accueilli le premier cercle de la famille politique de l’ancien chef de l’Etat et même de sa famille biologique, seul son frère Zoé manquait à l’appel. L’heure est grave pour la plateforme de l’ancien chef de l’Etat ! Depuis décembre 2018, au sein du FCC, les 20 mois d’une alliance bancale avec Félix Tshisekedi se soldent par une perte évidente de pouvoir. Tout au long de ses 17 années à la tête de l’Etat, Joseph Kabila s’est toujours réservé de montrer ses sentiments. Mais la trahison de l’accord qu’il a scellé avec le successeur à qui il a donné le pouvoir est insupportable à ses yeux.

De toutes les rivalités qui ont émaillé l’alliance FCC-CACH, la prise de contrôle de la Cour Constitutionnelle du nouveau président par le remplacement de deux de ses magistrats est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Si Joseph Kabila a accepté la désignation au sein de l’Etat major des FARDC de quelques officiers supérieurs du Kasaï fidèles à Félix Tshisekedi, il considère que la Cour Constitutionnelle doit demeurer sa chasse gardée. La prise en main de ce levier du pouvoir par son successeur met tout simplement en péril son avenir personnel. A l’heure des règlements de compte, les magistrats doivent demeurer fidèles à l’ancien président. Pour sa famille biologique et politique, c’est une question de vie ou de mort !

Convoqués depuis la semaine dernière, les Thambwe, Mabunda, Minaku, Néhémie et consorts ont donc passé leur dimanche 13 septembre autour de leur autorité morale pour définir les stratégies politiques de la rentrée parlementaire. Rendez-vous était pris sur la colline de Kingakati où l’ancien président en a profité pour inaugurer ses avions restaurants plantés au-dessus de sa ferme.

Face à CACH, le FCC est désormais sur le sentier de la guerre. Les hostilités sont ouvertes. Et contre les hommes de Tshisekedi qui ne cachent pas leur volonté d’imposer leur candidat à la tête de la CENI, et contre l’opposition de Lamuka qui exige les réformes institutionnelles avant toute nomination à la tête de Commission électorale.

Alors que la session parlementaire de septembre est traditionnellement consacrée aux questions budgétaires, les questions relatives à l’organisation des élections générales de 2023 devront faire partie de l’ordre du jour du travail des députés et des sénateurs. L’adoption des lois essentielles concernant le prochain scrutin ne peut attendre la session de mars 2021. Faute de quoi, la RDC risque d’entrer dans un nouveau glissement périlleux voire suicidaire pour le nouveau régime. Les Congolais ont envie de retourner aux urnes pour obtenir le changement qu’on leur a fait miroiter avec l’arrivée de Félix Tshisekedi. Mais aujourd’hui, le constat est amer pour la majorité des Congolias et la situation économique est plus catastrophique que jamais. Les 17 ans de pouvoir de Joseph Kabila et les premiers 20 mois de Félix Tshisekedi ont rendu le pays totalement exsangue. Aucun investissement, aucun emploi ! En dehors du secteur minier, la RDC devient un désert économique ! Un hypothétique accord avec le FMI continue de faire rêver le nouveau gouvernement. Entre-temps, les Congolais sont réduits à la misère. .

Conscient de l’importance des enjeux, Joseph Kabila a décidé de prendre les devants. Ce dimanche après-midi, l’ancien président a instruit sa famille politique d’engager la bataille face à son allié de CACH et à l’opposition de Lamuka. Les hauts cadres du FCC ont été instruits d’imposer coûte que coûte l’ancien Secrétaire Exécutif de Corneille Nangaa, Ronsard Malonda, à la tête de la CENI.

En dépit du fait que les résultats des scrutins de décembre 2018 n’ont jamais été publiés et que l’audit financier n’a jamais été réalisé, Joseph Kabila a décidé de reconduire le bras droit de Corneille Nangaa à la tête de la CENI. Peu importe l’hostilité affichée par l’UDPS et Lamuka, pour Joseph Kabila, le choix de Ronsard Malonda n’est pas négociable (comme il l’avait déjà évoqué lors de la fête organisée pour l’anniversaire de son épouse, Olive Kabila) d’autant que 6 confessions religieuses sur les 8 avaient porté leur choix sur Malonda son candidat dont la mission sera de reconduire, quel que soient les prochains résultats, l’actuelle majorité FCC.

Le report de l’ordonnance de nomination des nouveaux magistrats choisis par le président Tshisekedi pour siéger au sein de la Cour Constitutionnelle n’est d’ailleurs pas plus négociable que la nomination de Ronsard Malonda. Sur ces deux questions, les cadres du FCC ont reçu l’ordre de ne rien céder. Les présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, Jeanine Mabunda et Alexis Thambwe, seront chargés chacun dans leur institution de diriger la manoeuvre. Désormais, les deux partenaires de la coalition au pouvoir FCC et CACH sont entrés dans le dur et l’heure de vérité va sonner. Pour les FCC, il n’est pas question de céder.

Au cours des dernières semaines, toutes les tentatives de dégager un consensus sur la réforme de la Ceni et de la Loi électorale se sont soldées par un échec. La tentative du professeur Bob Kabamba et de ses collègues de l’université de Liège a été purement et simplement sabotée par les FCC et l’UDPS. Aucun des deux acteurs de la majorité au pouvoir n’a répondu à l’invitation des universitaires qui disposaient de l’appui de l’Union européenne pour chercher un compromis pour les prochaines élections. Pas plus que la semaine dernière, les efforts des organisations de la Société Civile pour chercher un consensus sur la réforme de la Ceni et la nouvelle loi électorale ont été suivis et battus en breche de près par les FCC.

Dans les couloirs de l’hôtel qui accueillait les assises des ONG, Corneille Nangaa et l’ancien gouverneur du Sud-Kivu, Marcelin Cisambo, n’ont pas manqué de décourager les participants à ces assises en leur déclarant que leurs efforts étaient inutiles. A les entendre, seule la loi du FCC, qui dispose d’une très large majorité à l’Assemblée Nationale et au Sénat, va s’imposer.

Tout indique que dès le 15 septembre, le FCC et Joseph Kabila ont décidé d’engager un bras de fer avec le peuple congolais. L’Eglise Catholique et l’Eglise du Christ au Congo ne cachent plus leur hostilité au choix de Ronsard Malonda et pour elles, cette page est deja tournée et appartient au passé. Lamuka est également vent debout face au diktat de Joseph Kabila. Les déclarations de l’ancien gouverneur du Kasai, Ngoyi Kasanji, qui évoque le changement de la Constitution en faveur d’une élection du prochain président de la République au scrutin indirect ont soulevé un concert d’indignation et d’étonnement au sein de la société civile et de l’opposition.

Les masques semblent donc définitivement tomber. Les membres du FCC sont alignés en ordre de marche pour la candidature de leur chef de file pour 2023 et rêvent d’un retour de Joseph Kabila au pouvoir. Reste à voir comment l’UDPS et le président Tshisekedi vont réagir aux injonctions de leur partenaire. Depuis les élections chaotiques de 2018, la situation politique de la RDC est plus volatile que jamais. Entre-temps, le pays continue inexorablement à s’enfoncer dans une crise économique et sociale de plus en plus grave. Réduits à la famine, dépossédés de leurs votes en faveur des dirigeants de leur choix, des millions de Congolais vont-ils encore devoir subir la loi de l’ancien pouvoir. C’est une des questions qui sera au centre de toutes les attentions.

Hubert Leclercq
La Libre Afrique 
via mediacongo