C’est quelque part réjouissant de voir que même à hauteur de la puissante Fédération internationale de football, la confiance ne règne pas. Pour preuve, l’unanimité faite autour du mode d’élection choisi, celui-ci n’a pas été électronique comme d’habitude, mais à bulletin secret et donc recours aux urnes au motif qu’il y a peu de chance de «traficoter» les élections en mode virtuel sachant que Sepp Blatter a toujours sur lui les clés de la maison, pour ne pas dire un formidable ascendant sur l’ensemble de ses collaborateurs.
Même si ces derniers n’hésiteront pas à saluer un nouveau roi si tel est le cas et lui prêteraient inconditionnellement allégeance. Eh, oui ! Signe des temps, un renouvellement à la tête de la présidence de la Fifa se fait comme lors de vulgaires élections auxquelles les supporters des clubs de football algériens ont tellement pris l’habitude, une sorte de modus vivendi désormais toléré lors de chaque assemblée générale, pour peu que celui qu’ils veulent voir dégager de la scène… dégage.
«Mon programme, ce sont les quarante années passées au sein de la Fifa», a déclaré en préambule, et surtout non sans un inattendu aplomb, le président en exercice de la fédération. Pis encore, il fera dans la duplicité en affirmant, d’une voix chevrotante comme si l’émotion le submergeait et donc avec l’air du non concerné par la bourrasque qui agite le monde du football en général et l’institution en particulier, «confiance, respect et fair-play», ironisant même sur le fait que la Fifa «n’a pas besoin d’une révolution mais d’une évolution» sous sa houlette forcément, puisqu’il ajoute avec l’air du potache qu’on ne reprendra plus à tricher, «on me rend responsable de cette tempête» et… s’emportant «eh ben d’accord… d’accord, je prends cette responsabilité… je la prends, je veux remonter le chemin pour qu’à la fin de mon mandat, je donnerai une Fifa qui sera solide, une Fifa sortie de la tempête, une Fifa forte». Dit d’une autre manière et donc moins enrobé diplomatiquement, pour Sepp Blatter, les représentants des fédérations devraient lui pardonner tous les torts qui ont été faits et qui sont faits à la fédération depuis qu’il a fait d’une institution bâtie initialement sur des valeurs morales et sportives et la solidarité internationale une machine à sous. Un univers du show-biz et du spectacle même si dans ses fondements celle-ci (Fifa) est une organisation à but non lucratif qui a tout de même engrangé des bénéfices nets de 338 millions de dollars entre 2011 et 2014
Une manne financière qui ne peut qu’inciter aux malversations et à la vénalité à cause desquelles 7 de ses membres sont aujourd’hui derrière les barreaux, et 14 autres inculpés, dans le cadre d’une double procédure américano-suisse. C’est dire l’ampleur du chaos.
En parfait roublard, Blatter a toujours su que dès l’instant où il n’y avait aucun élément palpable l’impliquant dans le scandale, sa réélection ne serait certes pas un jeu d’enfants comme d’habitude, mais certainement acquise d’autant plus qu’il avait en face un candidat par défaut, un prince Ali plutôt plus doux qu’un agneau, sans consistance ni aucune assurance, et, exception faite du vote d’une majorité de fédérations européennes entrainées par le président de l’Uefa, Michel Platini, le reste du monde du football continuera à lui faire confiance et ceux qui le composent ne sont pas une quantité négligeable. Pourtant, il a fallu au président en exercice déchanter dans la mesure où il n’est pas parvenu à obtenir la confiance des deux tiers de l’assemblée, ce qui en plus d’être énorme et a valeur d’un véritable camouflet pour le Suisse, lequel sera élu sans aller au deuxième tour puisque son adversaire a décidé de se retirer de la course.
Selon des spécialistes, Sepp Blatter serait passé au deuxième tour quoiqu’il arrive comme en témoigne d’ailleurs le nombre de voix, au demeurant peu important remporté par le prince Ali (73). Une certitude que confirmerait l’action des lobbyistes du Suisse, qui n’a jamais craint d’être renié par la majorité des représentants des fédérations du reste du monde : Afrique (54 voix), Asie (46), Amérique du nord, centrale et les Caraïbes (35) et Océanie (11). En dehors donc de celles européennes, dont il est difficile d’ailleurs de connaitre le nombre de celles qui suivront l’appel de Platini et, pour l’anecdote, même la France pays natal du président de l’Uefa est indécise. Les autres et surtout l’Afrique avec ses 54 voix et encore plus l’allégeance de ses représentants à celui qu’ils considèrent comme l’homme qui a effectivement démocratisé la discipline et permis au continent d’avoir 5 sélections au mondial vont bien entendu pencher pour un cinquième mandat au candidat-président.
Au cours de ces élections où 209 électeurs devaient se prononcer, 132 ont donné leur préférence au Suisse mais le contraignant toutefois à aller à un second tour parce qu’il fallait 139 voix. Ce qui confirme ainsi que tout ce qui s’est passé depuis quelques jours avait énormément pesé sur la stabilité de l’institution.
Morale de l’histoire : Les Algériens auront vraisemblablement beaucoup appris au cours de ces derniers jours avec le scandale qui a éclaboussé l’auguste Fédération internationale de football, et ils comprendront certainement qu’ils n’ont plus de raison de croire que ce n’est qu’en Algérie que la discipline a été pourrie.