L’histoire récente rappelle cette sagesse lâchée lors de la Conférence souveraine : « Il faut se servir d’une longue fourchette pour partager le repas avec le diable ! ». Une façon d’attirer l’attention de politiciens sur la ruse dont savait manipuler feu le Maréchal Mobutu pour diviser l’opposition politique. Indiscutablement, la même sagesse conseille aujourd’hui de lire à l’envers les discours de Washington au sujet de la crise plantée en République Démocratique du Congo.
Serait-on naïf au point de croire en la sincérité le coup de « semonce » de l’administration américaine au régime de Paul KAGAME ? Quelle serait la vraie étoffe de Kigali pour naviguer à contre-courant des « injonctions » de Washington qui l’invitait à cesser tout soutien au M23. Le prétendu mouvement rebelle étant, elle-même, convié à se retirer des positions conquises sur le territoire congolais ? Pourtant, comme le souligne le confrère Omer NSONGO, l’offensive déclenchée le 29 octobre dernier a valeur de réplique aux propos des Etats-Unis.
En effet, jeudi 27 octobre 2022. Roger Wood, représentant *alternatif* pour les Affaires politiques spéciales dans l’Administration Joe BIDEN, rassure à sa manière les Congolais du soutien des États-Unis à la RDC à l’issue des discussions tenues au la veille au Conseil de sécurité de l’Onu. Par un communiqué officiel américain, certifié par l’ambassade en RDC, Washington dit à Kinshasa : Kigali et le M23 sont avertis.
Kinshasa – comme à l’accoutumée – s’en félicite, sans voir venir le coup de massue, note le confrère. D’autant que deux jours après, soit le samedi 29 octobre, les Congolais assistent à la prise successive des cités de Kiwanja et Rutshuru par les soldats rwandais. Sans la moindre sanction des Etats-Unis contre celui qui vient de transgresser sa « mise en garde ». Au contraire, toutes les condamnations chutent par la recette magique : dialogue selon les prescrits des mécanismes de Nairobi et de Luanda ! Avec qui ? Nairobi c’est entre « Congolais », tandis que Luanda implique Kinshasa et Kigali. Une recette vieille de près de 3 décennies, comme le fait remarquer Omer Nsongo
Au fait, les Américains sont passés maîtres dans l’art de tirer la crise congolaise en longueur, souvent sans que les Congolais en prennent conscience. En réalité les Processus de Nairobi et de Luanda ne sont que la *variante améliorée* de tous les Processus à les avoir succédé depuis Outenika en 1997. En clair, chaque fois qu’on veut résoudre un problème, on en crée un autre pour faire traîner les choses
Souvenons-nous en ! A Outenika ont succédé tour à tour :
- Les négociations de Lusaka sanctionnées par un Accord de cessez-le-feu assorti de l’initiative du Dialogue intercongolais ;
- L’initiative dudit dialogue ayant conduit les Congolais à Addis-Abeba, à Sun City I, à Pretoria et à Sun City II, cela concomitamment avec les Accords de Luanda pour le Rwanda et de Pretoria avec l’Ouganda ;
- La mutinerie de Nkunda et Mutebusi ayant favorisé la création CNDP. D’où les négociations de Goma entre le Gouvernement et ce mouvement insurrectionnel, petit-fils biologique de l’AFDL et fils biologique du RCD ;
- Fils biologique du CNDP, petit-fils du RCD, arrière-petit-fils de l’AFDL qu’un certain Laurent-Désiré Kabila qualifia de « *conglomérat d’aventuriers*», le M23 va susciter la création de la CIRGL et du double processus de Kampala et Nairobi.
Tout ceci, successivement sous Laurent Désiré Kabila et sous Joseph Kabila. Et voilà que sous Félix TSHISEKEDI, le jeu reprend avec le Processus de Nairobi (entre Congolais) et le Processus de Luanda (entre la RDC et le Rwanda) qui s’ajoutera à un autre processus, celui dont Roger Wood parle dans phrase insolite « Comme c’est souvent le cas, nous avons passé beaucoup de temps aujourd’hui à parler de solutions militaires à un problème politique». Gros-Jean comme devant, Kinshasa se retrouve dans sa position de 1996 à l’enclenchement de la guerre de l’AFDL. Cette fois, toutefois, avec un choc : 48 heures seulement après la déclaration de Roger Wood, les cités de Kiwanja et Rutshuru sont prises. Comme si Paul KAGAME répondait à Joe BIDEN à la manière du berger à la bergère. Dans le sens convenu en sourdine, peut-être.
Plus de 20 ans après, le gouvernement de Kinshasa pécherait en prenant langue avec Kigali, M23, Kampala…l’orgueil masculin et intellectuel pousse plutôt à un échange franc avec les vrais agresseurs que sont les pays anglo-saxons, sous la banière des Etats-Unis !
LR