La hiérarchie catholique en porte-à-faux au processus démocratique en cours en RDC

La position ambiguë qu’affiche la hiérarchie catholique de la RDC en manifestant d’appuyer le calendrier électoral de l’actuel processus démocratique tout en relayant les thèses de la fronde de l’opposition jette le doute sur le véritable rôle qu’entend assumer cette composante sociale dont le poids et l’influence ne sont pas négligeables.

On peut certes se féliciter de l’implication active de l’Eglise dans le processus démocratique de la République démocratique du Congo. Mais de là à épouser délibérément les thèses d’une frange de l’opposition politique et à vouloir les imposer à l’ensemble de la communauté nationale est une initiative mal venue qui est vécue par bon nombre de compatriotes catholiques comme une trahison de leur idéal chrétien. Ceci étant, lorsque l’on décrypte le comportement et les prises de position politiques au sein de la hiérarchie catholique du Congo, particulièrement à Kinshasa, l’on se demande par moments s’ils ne regrettent pas leur condition et s’ils ne seraient pas tentés de troquer leur soutane contre un autre statut.

Dans le dialogue d’un soir entre un curé et son paroissien, à la question de ce dernier de savoir pour quelle raison, dans ses sermons, le premier a du mal à se passer des considérations politiques, la réplique du curé fût cinglante : « Je suis un humain, et tout ce qui est citoyen me concerne ». De tous temps et à travers les époques, si la démocratie n’a jamais été une valeur cardinale de l’Eglise catholique, celle qui se veut universelle n’a jamais évolué en marge de la marche du monde. Elle a toujours affirmé et revendiqué son engagement pour une société plus humaine, plus juste, plus digne et plus pacifique.

En plus des actions diplomatiques, sociales et caritatives, plusieurs textes qui traduisent cet engagement de l’Eglise et signent ainsi son combat contre les injustices de tous ordres constituent même des références dans certaines disciplines en Sciences sociales. Ainsi, l’Encyclique « Rerum Novarum » du Pape Léon XIII est-elle considérée comme l’un des textes fondateurs de la Sociologie moderne.

Une guéguerre Eglise-Etat ?

En République Démocratique du Congo, l’église locale n’est pas en reste. L’on a longtemps apprécié, à sa juste valeur, l’investissement de l’Eglise catholique dans la formation intellectuelle des élites congolaises. Les plus anciens évoquent souvent avec nostalgie les périodes où, par exemple, ils attendaient avec impatience les écrits et les homélies de feu Joseph Cardinal Malula, Archevêque de Kinshasa engagé dans un bras-de-fer épique avec le pouvoir politique sous la deuxième République. Cette tradition de fronde s’est maintenue au fil des années avec des prises de position souvent courageuses par l’Eglise pour des causes citoyennes.

C’est dans cette optique qu’il convient sans doute de placer le message intitulé : « Protégeons notre Nation », message dont s’est fendu, il y a quelques jours, la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) à l’occasion du 54ème anniversaire de l’indépendance de la République Démocratique du Congo. Depuis la publication de ce texte des évêques, dans la foulée de la réponse pleine de bon sens et de hauteur de la part du gouvernement congolais, plusieurs voix se sont élevées soit pour applaudir, soit pour fustiger ce que d’aucuns considèrent comme la manifestation d’un interventionnisme débridé de l’Eglise catholique dans la vie politique en RDC.

Cette dernière catégorie de nos compatriotes estime, à tort ou à raison, qu’aussi légitime soit-il, l’interventionnisme de l’Eglise catholique dans la sphère politique nuit à son image et décrédibilise son message, surtout quand la substance de ce message épouse une posture partisane, en contradiction flagrante avec la vision ainsi que les recommandations pertinentes du Souverain Pontife, et qui plus est, sur fond d’intolérance et d’absence de dialogue au sein même de cette institution.

On peut certes se féliciter de l’implication active de l’Eglise dans le processus démocratique de notre pays. Par ailleurs, il est établi que dans un État démocratique, aussi laïc soit-il, il ne peut être interdit à une institution religieuse ou à un prélat d’être habité par une grande sensibilité politique.

Mais de là à épouser délibérément les thèses d’une frange de l’opposition politique et à vouloir les imposer à l’ensemble de la communauté nationale est une initiative mal venue qui est vécue par bon nombre de compatriotes catholiques comme une trahison de leur idéal chrétien. Ceux-ci considèrent même cette intrusion comme contraire à la vocation d’une institution qui est censée demeurer neutre et « au milieu du village », selon l’expression consacrée.

Attitude aux antipodes de la chrétienté

Dans la même optique, les informations rapportées par des sources sûres concernant des attitudes aux antipodes de la chrétienté au sein de la hiérarchie de l’Eglise catholique ont de quoi faire frémir. Refuser par exemple la célébration des obsèques d’un chrétien (cas du défunt Augustin Katumba Mwanke) dans une cathédrale au motif des accointances présumées du défunt avec le pouvoir politique ou opérer à l’occasion d’un débat public le choix de conférenciers à l’aune des rancœurs d’un membre influent de l’épiscopat, cela révolte les consciences et soulève des interrogations sur la manière de paître le troupeau du Christ.

Pourtant, les vertus du dialogue et de l’humilité sont au cœur de la réforme de l’Eglise voulue par le Souverain Pontife. L’Evêque de Rome invite les chrétiens à la redécouverte de l’altérité. Il insiste sur la nécessité d’ériger « des ponts plutôt que des murs ». Il recommande la lecture de la réalité du monde à partir d’une observation en dehors du vase clos de l’église. Le Pape François va jusqu’à manier un humour propre aux hautes arcanes vaticanes, en déclarant que si l’Eglise doit évoquer le démon, elle ne doit diaboliser personne.

Ceci étant, lorsque l’on décrypte le comportement et les prises de position politiques au sein de la hiérarchie catholique du Congo, particulièrement à Kinshasa, l’on se demande par moments s’ils ne regrettent pas leur condition et s’ils ne seraient pas tentés de troquer leur soutane contre un autre statut. Les anathèmes contre le pouvoir politique constituent depuis des années leur tasse de thé. Leur engagement politique à peine voilé laisse perplexe ceux qui attendent d’eux une autre posture.

Une chose est certaine : autant l’Eglise a raison de s’intéresser à tout débat citoyen, autant elle doit le faire sous le prisme du message du Christ et des recommandations du successeur de Pierre. Elle doit faire l’effort de concilier les contraires au lieu d’exacerber les antagonismes, sinon elle n’est plus dans son rôle. Enfin, Son Eminence et leurs Excellences révérendissimes doivent prêcher par l’exemple et ne pas être aveuglés par les rancœurs et les rancunes chaque fois qu’ils doivent engager un débat de société. Les ambitions et les convictions personnelles ainsi que les haines ne doivent pas être érigées en dogmes, ni servir de boussole dans l’itinéraire de toute une nation.

Où est le Réveil ?

A observer de près le comportement des Eglises traditionnelles aujourd’hui en Rd Congo, cela ressemble à un lion qui se considère comme étant le seul roi de la forêt où le coq qui s’impose comme le seul maître dans la cour. Et pourtant, certaines autres Eglises, notamment celles du réveil, ont droit au chapitre ; elles peuvent aussi prendre position en faveur d’un camp, tout comme d’un autre. Et le fait pour eux de ne pas se prononcer, n’est pas pour autant un signe de faiblesse.

En scrutant de près l’article de Sébastien Fath, historien, chercheur au CNRS intitulé : « Les nouveaux réseaux évangéliques : de l’Oncle Sam à l’Oncle Tom ? », nous pouvons nous rendre compte que l’Eglises de Réveil en Rd Congo est une force qui s’ignore. Car, qu’ils soient pentecôtistes et charismatiques, ou plus axés sur un piétisme biblique, les évangéliques ont longtemps été marqués par l’influence dominante de la culture anglo-saxonne.

L’Oncle Sam n’en a pas fini avec cet évangélisme omniprésent dans les débats, au point que Barack Obama (côté démocrate) et Mitt Romney (côté républicain) n’ont pu éviter de donner quelques gages à cette puissante minorité électorale lors de la présidentielle américaine de 2012. Le soutien puissant et fidèle des Américains à Israël – « Jésus est juif en Amérique ! » – constitue une autre illustration. Le poids évangélique nourrit aux Etats-Unis un mouvement sioniste chrétien fort d’environ 40 millions de fidèles.

Et le même article de continuer que la majorité des missionnaires évangéliques répertoriés dans le monde ne vient plus aujourd’hui des Etats-Unis, à l’inverse de la situation qui prévalait encore dans les années 1970. Des langues comme le Lingala, le Français, le Portugais s’invitent dans les tracts d’évangélisation et les réunions de réveil où le Djembé côtoie le synthétiseur.

En plus, des pays émergents comme le Brésil (45 millions d’évangélisation), le Nigéria (45 millions), le Kenya (20 millions), le Congo RDC (15 millions), l’Ethiopie (14 millions), la Corée du Sud (10 millions) alimentent une part croissante des effectifs missionnaires mondiaux. Et que dire de la Chine ! Beaucoup d’experts s’étonnent de voir dans ce pays l’évangélisme peut atteindre, voire dépasser les 60 millions de fidèles, soit l’équivalent de la population française totale. Au-delà des relations Eglise-Etat tumultueuses, l’on doit vite constater lorsqu’il devient impossible de continuer un mariage, le juge ne se gêne pas de prononcer un divorce. Il revient donc à l’homme ou à la femme de se refaire, à travers les évangéliques.

Via L’Avenir

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