Ce dimanche, les autorités congolaises ont dénoncé l’intrusion d’environ 200 rebelles en provenance d’Ouganda. Des faits qui n’ont pas été confirmés par les autorités ougandaises ni par l’armée ougandaise. Le ministre des Relations internationales, Okello Oryem, s’est d’ailleurs plaint dans la presse ougandaise du non-rapatriement des M23 présents en Ouganda comme le prévoyait l’accord signé à Nairobi en 2013.
« Le président Kabila nous a assuré qu’ils allaient s’organiser et les rapatrier, mais ça prend une éternité », a déclaré le ministre ougandais des Relations internationales, Okello Oryem. Ce lundi matin, le porte-parole de la police Andrew Felix Kaweesi a signalé que des armes ont été interceptées à la frontière entre le Congo et l’Ouganda. Des armes qui pourraient appartenir au M23.
Dans le même temps, le porte-parole est allé à l’encontre des allégations congolaises affirmant que des intrusions du M23 en territoire ougandais sont suspectées : « Je ne suis pas en train de confirmer que les armes que nous avons confisquées du côté ougandais appartiennent au M23. Mais nous le suspectons, parce qu’il y a de nombreuses armes à feu dont une mitraillette. En temps normal, les criminels ordinaires n’utilisent pas un assortiment d’armes aussi important. Peut-être que le M23 essaye de se regrouper, ou fuit le Congo. Une enquête est donc en cours et bientôt nous saurons ce qu’il en est. Je ne suis pas au courant que les M23 aient établi une base en Ouganda et je ne peux pas dire combien ils sont. Dans tous les cas, le gouvernement ougandais n’a pas autorisé d’opération du M23 sur son territoire ».
« Il y a anguille sous roche »
Pour rappel, c’est le gouverneur de la province du Nord-Kivu qui a le premier lancé l’alerte, parlant d’éléments de l’ex-rébellion en route vers la frontière. Le porte-parole du gouvernement congolais avait confirmé et était allé plus loin, en évoquant des combats sur le sol congolais. Depuis les deux pays s’accusent donc mutuellement de manipulation.
Le ministre congolais des Affaires étrangères, Léonard she Okitundu, à son tour accuse l’Ouganda de jouer un jeu dangereux : « Nous ne croyons pas du tout aux dénégations du gouvernement ougandais parce que, justement, se pose un sérieux problème. Vous savez que ces ex-combattants du M23 étaient rassemblés dans le camp Bihanga en Ouganda. Il y a eu beaucoup de contacts entre le gouvernement de la République et le gouvernement ougandais pour rapatrier ces combattants, mais ils n’ont jamais voulu revenir. Alors aujourd’hui, nous sommes étonnés de voir que ce camp a été complètement vidé et que les intéressés – environ 180 ex-combattants – se retrouvent à la frontière congolaise et ce qui est étonnant aussi c’est que certains d’entre eux sont armés. Alors c’est ce qui nous inquiète. Je pense qu’il y a anguille sous roche. Ce n’est pas la première fois que l’Ouganda se livre à ce genre de manœuvres ».
De son côté, le porte-parole des forces armées congolaises pour le Nord-Kivu assure que ses troupes sont « prêtes à parer à toute éventualité » et que « tous les moyens sont mis à la disposition des FARDC » pour qu’elles mettent hors d’état de nuire tous ceux qui s’aventuraient « à violer l’intégrité territoriale » et à « mettre en mal la quiétude » de la population.
Selon sources militaires congolaise et onusienne, aucune trace pour le moment de la présence d’ex-M23 sur le sol congolais mais les FARDC, appuyés par la Monusco, continuent de rester vigilantes.
■ Que sont devenus les ex-combattants du M23 défaits à Goma en novembre 2013 ?
Selon Kinshasa, à peine 200 ex-combattants ont été rapatriés en RDC depuis 2013, surtout en provenance d’Ouganda. Une goutte d’eau, sur les quelques 3 000 rebelles concernés au départ.
Les deux parties se renvoient la responsabilité de cet échec. Les ex-rebelles reprochent à Kinshasa de ne pas avoir respecté les conditions de rapatriement prévues dans l’accord. « Ils n’ont jamais eu l’intention de rentrer » rétorque-t-on côté congolais, où l’on garde en mémoire le fiasco de décembre 2015, lorsqu’un avion congolais spécialement acheminé en Ouganda était reparti avec seulement 7 ex-combattants.
Paradoxalement, cela n’a pas empêché les sites de cantonnement de se vider au fil des ans, notamment parce que des combattants rentrent régulièrement chez eux de façon informelle. Résultat, dès fin 2014, au Rwanda, le nombre de combattants cantonnés « était passé de 700 à 440 » selon une source congolaise. Idem en Ouganda, où il n’en restait déjà plus que 1 500 sur les 2 200 du départ. Et où, selon Kinshasa, il ne serait pas plus de 200 aujourd’hui (400 selon l’Ouganda).
Cette hémorragie inquiète le gouvernement congolais, qui reproche à ses voisins de laisser les ex-rebelles circuler librement, y compris les principaux officiers du M23, accusés de crimes graves et que Kinshasa refuse d’amnistier.
Par: RFI