Le 24 mai 2008, le sénateur Jean-Pierre Bemba, candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2006, ne s’attendait pas à voir la police belge débarquer dans sa résidence de Rhodes Saint Genèse. Sans avoir opposé de résistance, il fut arrêté puis transféré à la La Haye dans la prison de la Cour pénale internationale. Pour obtenir son arrestation, le Procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo, avait argué que le prévenu risquait de s’enfuir vers un Etat non signataire du statut de Rome. C’était le dé- but d’une longue saga judiciaire qui se terminera bientôt, sans doute le 8 juin prochain, à la fi n de la procédure d’appel.
Fondateur du MLC, le Mouvement pour la libération du Congo, un mouvement rebelle par la suite transformé en parti politique, Jean-Pierre Bemba n’a pas du répondre de ses activités de chef de guerre au Congo, (ses troupes ont été accusées de cannibalisme dans l’Ituri…)ni des violences de ses ses partisans déçus après la proclamation des résultats des élections présidentielles.
Le dossier qui a justifi é la comparution puis la condamnation de celui qui fut aussi vice-président de la RDC durant la période de « un plus quatre », (un président, Joseph Kabila, plus quatre vice- présidents) est entièrement lié aux évènements qui se déroulaient alors en République centrafricaine où le président légalement élu, Ange Félix Patassé, devait faire face à la rébellion du général François Bozize qui fi nira par prendre le pouvoir.
A l’époque, le président Patassé avait demandé à Jean-Pierre Bemba de l’aider à contrer le putsch de Bozizé et un contingent du MLC avait été dépêché à Bangui et placé sous l’autorité du commandement des forces centrafricaines. Durant dix ans la notion de « responsabilité pénale individuelle » fut placée au cœur du procès : se trouvant à plus de 1000 kilomètres du terrain d’action de ses troupes, placées sous commandement étranger, Bemba pouvait-il être tenu pour responsable des « crimes de guerre » et des « crimes contre l’humanité » qui furent imputés à ses hommes ? La même charge de « responsabilité du chef » fut retenue contre le président Ange-Félix Patassé, mais faute de preuves ce dernier ne fut pas inquiété.
Par contre, le commandant des forces MLC à Bangui, le général Moustapha Mukiza fut auditionné comme témoin et il expliqua qu’il tenait ses ordres du Centre de coordination des opérations militaires dirigé par les offi ciers centrafricains fi dè- les à Patassé.
Le général Mukiza ne fut plus auditionné par la suite, pas plus qu’un offi cier français qui expliqua une évidence : le chef des opérations doit se trouver sur place pour pouvoir prendre les décisions opérationnelles.
A l’époque la CPI avait le sentiment de détenir un « gros poisson », Jean-Pierre Bemba, demeuré très populaire à Kinshasa et dans l’Ouest de la RDC, ayant été le principal challenger du président Kabila. Ses troupes avaient été mises en cause dans le massacre de Pygmées dans l’Ituri et à Kinshasa ; après la défaire électorale, elles avaient failli embraser la capitale.
La notion de « responsabilité du chef » l’ayant emportée sur toute autre considération, Jean-Pierre Bemba fut donc condamné à 18 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité et par la suite, à une peine additionnelle pour subornation de témoins par ses avocats Me Kilolo et Fidèle Balala.
Le 8 juin prochain sera prononcé le verdict défi nitif de la procédure d’appel : la peine pourrait être alourdie, mais elle pourrait aussi être ramenée à dix années de prison, déjà purgées. Dans ce cas, Jean-Pierre Bemba, qui a continué à diriger son parti à distance et à suivre de près la politique de son pays pourrait être libéré et devenir un « joker » inattendu…