L’actuelle liste électorale, qui exclut nombre de jeunes majeurs, pourrait ne pas être révisée avant la présidentielle. Au grand dam de toute une génération.
En ce dimanche soir, comme d’autres jeunes de leur âge, Gad, Tourins, Enock, Wembo et Idriss traînent à la « plage », au bord du lac Kipopo. Dans ce centre commercial huppé de Lubumbashi, il y a des cafés, des salles de jeux vidéo et des terrains de sport. Pour tous ces étudiants, c’est la veille de la reprise des cours, mais, pour l’heure, la douceur de la nuit invite à paresser sur un muret. Du moins, si les vigiles leur en laissent le loisir. Car à peine sont-ils assis que l’un d’eux s’approche, casquette vissée sur le crâne. « Désolé, vous connaissez les règles, vous ne pouvez pas rester là. »
À Lubumbashi, depuis plusieurs semaines, l’appareil sécuritaire est sur les dents. Tout rassemblement de jeunes, même en petit nombre, est dispersé. « Si tu oses manifester, tu disparais », assure Gad. Lui et ses amis ne sont pas très politisés, mais ils ont soif de changement.
Un système qui laisse peu de chances
« Les difficultés sont surtout financières, lance Wembo dans un français parfait. Les frais scolaires augmentent chaque année. » « Et pour réussir, s’indigne Gad, il faut distribuer des pots-de-vin. Les professeurs nous font échouer délibérément. Puis on nous dit : “Il y a un autre circuit. Pour 15 dollars, tu peux réussir l’examen. L’université, c’est pas pour les pauvres”. » « À la maison, on est obligé de mentir, renchérit Wembo. Si on dit la vérité, nos parents nous accusent de n’avoir pas assez travaillé. »
Il y a plein de gens qui ne trouvent pas de travail jusqu’à l’âge de 30 ou de 40 ans
Et puis le diplôme n’est même pas une garantie de réussite. « Il y a plein de gens qui ne trouvent pas de travail jusqu’à l’âge de 30 ou de 40 ans », poursuit Wembo. Alors on préfère rêver à un avenir radicalement différent pour fuir la fatalité de ce quotidien : réussir dans la musique, s’expatrier en Europe ou aux États-Unis…
Ces jeunes ne sont pourtant pas les plus à plaindre. Leurs parents sont fonctionnaires ou commerçants. Ils sont vêtus à la mode, et portent des lunettes de soleil dernier cri. Ils gardent leurs distances avec les jeunes qui traînent un peu plus loin – « je crois que ce sont des voyous », se méfie l’un d’eux –, mais ne font pas non plus partie des puissants, dont ils dénoncent les privilèges. « La raison du plus fort est toujours la meilleure », lance Idriss.
La carte d’électeur, un rempart
Les prochaines élections ? Ils n’en attendent pas grand-chose. Si ce n’est leur première carte d’électeur, seule pièce d’identité qu’ils posséderont et qui, espèrent-ils, sera leur sésame contre les arrestations arbitraires. « Comme nous sommes sans papiers, à tout moment la police peut nous soupçonner de ne pas être congolais et nous arrêter », explique Enock.
Une des nombreuses familles expatriées de cette province minière passe devant le petit groupe et entre dans un restaurant chic. « Il y a beaucoup d’argent dans ce pays, lance Idriss, amer. Le problème, c’est que les habitants n’en voient pas la couleur. »
Via JA