Les députés ont destitué à une très large majorité le premier vice-président de leur Assemblée nationale.
La soirée aura été houleuse à l’Assemblée nationale et pourtant le vote de la pétition qui devait aboutir à la destitution de Jean-Marc Kabund-a-Kabund, par ailleurs président a.i. de l’UDPS par la seule décision de Félix Tshisekedi, ne faisait aucun doute.
En effet, depuis l’annonce de la victoire de Félix Tshisekedi à la présidentielle (sans que le moindre PV d’un bureau de vote n’ait jamais été publié), le parti présidentiel sait qu’il est et sera toujours sous la tutelle d’un pouvoir législatif national entièrement entre les mains du Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila.
La pétition du député du MLC Jean-Jacques Mamba, lancée au motif que le premier vice-président de l’Assemblée nationale aurait nui à l’image de son institution en assurant publiquement sur les ondes d’une radio kinoise que convoquer un congrès pour voter l’état d’urgence sanitaire face au coronavirus coûterait « 7 millions de dollars », un chiffre sans rapport avec la réalité, avait donc toutes les chances d’être votée si elle recueillait les 50 voix nécessaires (sur 500 députés) pour pouvoir être déposée.
En effet, si l’opposition a largement laissé les deux constituantes de la coalition au pouvoir se déchirer, cette pétition ne pouvait dès lors exister que si les membres du FCC décidaient d’apposer leur signature au bas de ce texte. A partir du moment où, parmi les signataires de la pétition, se retrouvaient une grande majorité de FCC, il ne faisait guère de doute que le texte irait au bout de son processus et déboucherait dès lors sur la destitution de Kabund-a-Kabund. Et de fait, sur 315 députés participant au vote en cette période de pandémie de Covid-19, 17 se sont opposés à la pétition, 9 se sont abstenus, tandis que 289 élus ont voté en faveur du texte.
Chaud le printemps dans les chambres congolaises
La tension entre Jean-Mard Kabund et Jeanine Mabunda, la présidente très kabiliste de l’Assemblée nationale n’est un mystère pour personne. L’éviction de Kabund, qui a tenté un dernier croche-pied à sa présidente quand celle-ci a mis au vote la pétition alors qu’un litige planait toujours sur une des signatures de la pétition, n’a rien arrangé. A travers cette inimitié, ce sont les limites de la coalition FCC – Cach (de Tshisekedi et… Kamerhe) qui apparaissent au grand jour. Et ce qui vient de se jouer à l’Assemblée nationale remet au premier plan les tensions de début mai au Sénat lorsqu’une sénatrice du parti de Modeste Bahati (ex-membre du FCC qui s’est rapproché de Cach), Madame Bijoux Goya Kitenge, avait tenté de mettre en difficulté le président de la Chambre Haute, Alexis Thambwe Mwamba. En cause des travaux de réfection de l’hémicycle et de ses abords à travers un contrat passé de gré à gré et sans être inscrit au budget.
Si le président Thambwe a été mis brièvement dans les cordes par un réquisitoire rondement mené et très très bien documenté de la sénatrice du Haut Katanga, l’homme, après une séance de déballage peu glorieux, s’est vite ressaisi, comprenant qu’il n’avait rien à craindre car – même si certains sénateurs pouvaient être tentés de jouer un tour pendable à l’ancien ministre de la Justice toujours très proche du premier cercle de la Kabilie – il disposait d’une large majorité plus que confortable au Sénat pour lui assurer sa tranquillité.
Tout l’inverse de Kabund et des quelques « élus » de la plateforme Cach qui savent et à qui les kabilistes ont rappelé ce lundi soir qu’ils dépendaient exclusivement de leur bon vouloir… surtout en ce chaud printemps où Kinshasa bruisse, comme de coutume, de mille rumeurs.
La première annonce un remaniement en profondeur du gouvernement. Le Premier ministre Sylvestre Ilunga pourrait faire ses valises. Le nom de Matata Ponyo est régulièrement cité. La RDC de Tshisekedi a vécu à crédit depuis plus d’un an. Le Covid, la baisse des exportations et la fonte des prix des matières premières font que les caisses de l’Etat, déjà faméliques, sont désormais pratiquement entièrement vides et sans perspectives d’un mieux à court terme.
La RDC va devoir aller frapper rapidement aux portes des bailleurs de fonds internationaux. Le FMI et la Banque mondiale ont toujours eu un petit faible pour l’homme à la cravate rouge du Maniema. Le camp présidentiel, lui, a fini de brûler ses dernières cartouches en se montrant définitivement incapable de – simplement – réduire son train de vie.
De quoi envisager, dès lors, la mise en chantier de la seconde rumeur et la fin de la coalition Cach-FCC au pouvoir au profit d’une cohabitation qui renverrait l’UDPS et l’UNC dans l’opposition et laisserait Félix Tshisekedi seul face à son actuel allié. Un scénario qui devrait encore attiser les dissensions au sein de l’UDPS, privé de maroquins et ne disposant que de quelques élus, et qui pourrait aussi mettre à mal la survie même de l’UNC, le parti d’un Vital Kamerhe, toujours détenu à la prison de Makala dans le cadre du dossier de détournements de fonds lors du programme des 100 jours du chef de l’Etat.
Kinshasa aime répandre ces rumeurs. Kabila est passé maître dans leur utilisation pour jauger de leur éventuel impact. Seule certitude, Kabund n’est plus le Premier vice président de l’Assemblée nationale, Kamerhe est toujours en prison et les caisses de l’Etat se vident chaque jour un peu plus.