Raphaël Soriano Katebe Katoto, membre du « Conseil des sages » du Rassemblement de l’opposition, se confie sur les enjeux du récent accord en RDC. Que penser de l’accord politique signé le 31 décembre 2016, sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), au Centre interdiocésain à Kinshasa, entre des membres de la majorité présidentielle et de l’opposition dite radicale regroupée autour du Rassemblement des Forces politiques et sociales acquises au changement présidé par Étienne Tshsekedi, leader de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) ? L’analyse de Raphaël Soriano Katebe Katoto, homme d’affaires et homme politique congolais.
Le Point Afrique : le Rassemblement de l’opposition dont vous êtes membre a signé l’Accord du 31 décembre 2016. Quel est votre sentiment ?
Katebe Katoto : la signature de cet accord est une très bonne chose. Nous devons maintenant aller de l’avant et le mettre en application pour sauver le pays et préparer les élections fiables et crédibles. Le Conseil de sécurité des Nations unies, qui s’est félicité de cet accord, a lui-même encouragé ses signataires à le mettre en application rapidement.
Comment expliquez-vous l’attitude du Mouvement de libération du Congo (MLC), le parti de Jean-Pierre Bemba, qui tarde à signer cet accord ?
Je n’ai aucune explication à donner à la place du MLC. Il appartient au MLC de s’expliquer sur sa décision.
Pensez-vous que la majorité de la population congolaise approuve l’accord ?
Je l’ai déjà dit… Et je vais le répéter : l’accord peut être mauvais ou bon, il y a un accord. Et le plus important à souligner est que cet accord peut apporter la paix dont la population a besoin et permettre à la RDC de décoller sur de bonnes bases. Nous allons suivre la mise en œuvre de cet accord, en espérant qu’il sera scrupuleusement respecté par tout le monde.
Mais pouvez-vous compter sur le soutien de la population ?
Nous devons expliquer à la population les grands enjeux de l’heure et le sens de cet accord. Cet accord prévoit qu’on aille à des élections libres et crédibles. C’est cela le point le plus important.
Quels sont les points qui doivent faire l’objet d’arrangements particuliers ?
Ce sont les commissions et la plénière qui trancheront sur ces points. Les commissions sont en train de travailler là-dessus. Ce n’est pas à moi de trancher.
Qu’en est-il des points de blocage qui restent à lever ?
Toute force politique ou sociale sensée ne pourra trouver des raisons de blocage et tenter de bloquer les choses, vu que cet accord, fruit d’une série de discussions qui s’est étalée sur plusieurs semaines, a été librement signé par les participants, avant d’être approuvé par le Conseil de sécurité des Nations unies. On ne doit plus revenir là-dessus.
Que répondez-vous aux membres de la majorité présidentielle qui affirment que cet accord n’est pas inclusif ?
C’est une distraction. Ceux qui disent cela veulent distraire l’opinion publique. L’accord a été signé. Les délégués de la majorité présidentielle ont eux-mêmes participé aux négociations avant de signer en leur âme et conscience. Ils ne peuvent plus revenir sur leurs signatures, en mettant en avant des arguments stériles qui ne font que distraire les Congolais. Le peuple n’a pas besoin de cette distraction. Il veut que soient organisées des élections et qu’on trouve une solution pour arranger son quotidien et tourner la page de la misère ambiante. Un point, un trait.
L’accord prévoit la nomination d’un nouveau Premier ministre issu du Rassemblement… Seriez-vous tenté par ce poste ?
Ce n’est pas à moi de décider. Comme vous le dites, cela incombe au Rassemblement. Le moment venu, le Rassemblement choisira la personne la plus apte à remplir cette mission.
Quels seraient vos atouts pour ce poste si vous étiez désigné ?
Je ne peux parler d’atouts puisque je ne suis pas désigné.
Si jamais votre nom était retenu, quelles seraient vos premières mesures ?
On verra bien à ce moment-là.
L’application de l’accord repose sur la bonne foi des signataires… Que fera le Rassemblement si les choses ne se passent pas comme prévu, notamment si le président Joseph Kabila ne respecte pas ses engagements ?
Je ne veux pas anticiper… Ce n’est pas le moment de se lancer dans un procès d’intention. Pour le moment, le problème ne se pose pas. Il n’y a aucune crainte à avoir. Il n’y a pas encore de blocage. Croyons à la bonne foi de tout le monde.
Quels sont les défis majeurs que la RDC est appelée à relever en 2017, qui constitue une phase cruciale de son histoire ?
2017 est une année de transition. Le premier des objectifs principaux est l’organisation d’élections crédibles, fiables et transparentes. Deuxièmement, tout doit être mis en œuvre pour que des solutions soient trouvées aux problèmes auxquels les Congolais sont confrontés au quotidien. Il faut que le Congolais mange à sa faim, qu’il puisse circuler dans son pays, qu’il ait facilement accès aux soins médicaux, que les enfants aillent à l’école. Le quotidien du citoyen doit être amélioré et assuré avant toute chose. En troisième lieu, la sécurité des citoyens et de leurs biens doit être assurée sur toute l’étendue du territoire national.
L’accord prévoit la tenue des élections présidentielle et législatives en même temps, au plus tard en décembre 2017. Pensez-vous que cela soit réalisable ?
Tout est question de volonté politique. Si la volonté politique est là, tout est faisable.
Comment comptez-vous financer ces scrutins dont le coût global est évalué à 1,8 milliard de dollars par la Commission électorale nationale indépendante ?
Le financement des élections est l’affaire du gouvernement qui sera mis en place. Il lui reviendra, après son installation, de résoudre cette équation.
Les grandes lignes de l’accord du 31 décembre 2016
– La Présidence : Joseph Kabila conduit la transition jusqu’en décembre 2017, date de l’organisation des élections. Mais : – Pas de référendum – Pas de troisième mandat – Pas de modification de la Constitution • La Primature est confiée au Rassemblement • Le calendrier électoral est raccourci à un an avec l’organisation des élections présidentielles, législatives nationales et provinciales au plus tard en décembre 2017. – La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) – Un audit par la Cour des comptes devra être diligenté – Liberté à chaque composante du Dialogue de procéder (ou non) au remplacement de ses délégués à la Ceni. – Les poursuites judiciaires et les prisonniers politiques Abandon des poursuites judiciaires et libération de tous les prisonniers politiques et d’opinion mais sous une commission de magistrats. 4 cas (Roger Lumbala, Mbusa Nyamwisi, Moïse Monidela et Floribert Anzulini) sur les 7 ont déjà été résolus au dialogue. Reste à régler les cas de Moise Katumbi, Jean-Claude Muyambo Kyassa et Eugène Diomi Ndongala. – Instauration d’un Conseil national pour le suivi de l’Accord politique.
Propos recueillis par Muriel Devey Malu-Malu