L’armée ougandaise a lancé vendredi des attaques aériennes dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) contre des camps de rebelles ougandais musulmans accusés d’avoir tué 14 Casques bleus début décembre dans cette région.
Ces rebelles du groupe Allied Defence Forces (ADF) « prévoyaient de mener des actions hostiles contre l’Ouganda », a expliqué l’armée ougandaise (UPDF) dans un communiqué, disant se baser sur des « informations partagées entre l’Ouganda et la RDC ».
« Par mesure préventive, l’UPDF a cet après-midi (vendredi) conduit des attaques contre leurs camps dans l’est de la RDC », a ajouté l’armée ougandaise.
Le porte-parole de l’UPDF, le général Richard Karemire, a ensuite précisé au téléphone à l’AFP qu’aucun soldat ougandais n’avait pénétré sur le sol de la RDC.
« Nous utilisons notre force aérienne et notre artillerie longue distance », a-t-il déclaré. « Aucun soldat de l’UPDF n’est en RDC. Nous continuerons l’opération +Eliminer les ADF+ jusqu’à ce que nous soyons assurés que nous avons neutralisé leurs camps ».
Dans un autre communiqué, le général Karemire a insisté sur le fait que l’opération avait été approuvée « par les plus hautes autorités » ougandaises et congolaises.
Cette intervention fait suite à la mort, dans la nuit du 7 au 8 décembre, de 14 Casques bleus tanzaniens lors d’un raid contre leur base de Semuliki, dans la province du Nord-Kivu en RDC, non loin de la frontière avec l’Ouganda.
Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière contre une force onusienne dans le monde depuis 24 ans.
Elle a été attribuée aux ADF, un groupe présent dans l’est de la RDC depuis 1995, qui lutte contre le régime du président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 31 ans en Ouganda.
Créés en 1989 pour défendre les droits de musulmans s’estimant bafoués par l’homme fort de Kampala, les ADF avaient été progressivement repoussés vers l’Ouest par l’armée ougandaise, jusqu’à s’installer en RDC.
Les autorités congolaises et la Mission des Nations unies en RDC (Monusco) accusent les ADF d’avoir tué plus de 700 civils depuis octobre 2014 dans la région de Beni et ses environs, dans le nord du Nord-Kivu.
– Un groupe secret –
Ces derniers mois, le groupe armé ougandais a multiplié les attaques (massacre d’une vingtaine de civils sur la route Mbau-Kamango, assaut en octobre contre les Casques bleus de la base de Mamoundioma tuant déjà trois soldats tanzaniens).
Au total plus de 15.000 personnes ont fui les ADF entre septembre et novembre, d’après un centre d’aide aux déplacés d’Oicha, près de Beni. L’ONU a promis d’envoyer de l’assistance humanitaire dans cette zone la semaine prochaine.
Les autorités ougandaises, puis de RDC, ont tenté de lier les ADF – coutumières d’une violence aveugle – à l’internationale jihadiste. Cette accusation a encore été reprise par le général Karemire dans son communiqué.
« Ils ont recruté, entraîné et radicalisé même des femmes et des enfants, tout en travaillant avec des jihadistes étrangers », a-t-il affirmé. Cette assertion est cependant très contestable, aucun expert travaillant sur la RDC n’ayant réussi à établir un tel lien.
Les ADF restent un des groupes armés les plus secrets de la planète et aucun des massacres perpétrés dans la région de Beni n’a jamais été revendiqué. Le groupe serait restreint à quelques « 150 hommes », indiquait récemment une source occidentale à l’AFP.
La thèse de la responsabilité unique des ADF dans les violences autour de Beni avait été mise en cause en mars par le Groupe d’études sur le Congo de l’Université de New York.
Il avait relevé dans un rapport la complexité de la situation et noté que « plusieurs groupes » distincts des ADF « semblent être impliqués dans les massacres », parmi lesquels « des membres des FARDC » (Forces armées de la RDC) et d’autres milices locales.
Le gouvernement de Kinshasa avait démenti ces accusations et expulsé l’auteur du rapport, Jason Stearns, un chercheur réputé.
« Les ADF sont en effet une menace militaire. Cependant, nos recherches suggèrent que ce groupe, qui est au Congo depuis plus de 20 ans, est profondément enraciné dans la société locale, collaborant souvent avec d’autres groupes armés congolais », a commenté M. Stearns dans un email envoyé à l’AFP.
« Il est peu probable qu’une simple action militaire irréfléchie pacifie la zone », a-t-il ajouté. « Il faut d’abord comprendre la nature de la menace: qui a attaqué les Casques bleus? Comment ont-ils pu obtenir une telle force de frappe et des armes aussi sophistiquées? Quelle est la relation entre les ADF et la prolifération des autres groupes armés dans la région de Beni sur l’année écoulée? »