La chambre saisie du procès du seigneur de guerre congolais Bosco Ntaganda, poursuivi devant la Cour pénale internationale (CPI), souhaite que l’ouverture du procès se déroule sur les lieux des faits, tout près des victimes, précisément à Bunia, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). La délocalisation -même temporaire- d’un procès serait une première dans l’histoire de la Cour.
Les juges de la chambre ont fait cette recommandation jeudi19 mars à la Présidence de la Cour, seul organe compétent, selon le Règlement de procédure et de preuve de la CPI, pour autoriser la tenue d’une audience en dehors du siège de la Cour. La Présidence de la CPI rendra sa décision le moment opportun après avoir consulté les autorités congolaises, selon un communiqué du service de presse de la Cour.
Surnommé « Le Terminator » parce que réputé sans pitié, Bosco Ntaganda, un Tutsi congolais d’origine rwandaise, est présenté par le procureur comme l’ancien chef d’état-major général adjoint des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), une des milices qui écumaient le district de l’Ituri, dans le nord-est congolais dans les années 2002-2003.
Détenu par la CPI depuis mars 2013., ce dissident qui avait intégré l’armée congolaise avec le grade de général, est accusé de 13 chefs de crimes de guerre et 5 chefs de crimes contre l’humanité commis en Ituri en 2002-2003.Il s’agit notamment de meurtre et tentative de meurtre, attaque contre des civils, viol, esclavage sexuel de civils, pillage, déplacement forcé de civils, attaques contre des biens protégés, destruction de biens de l’ennemi, enrôlement et conscription d’enfants soldats.
Les juges de Bosco Ntaganda expliquent, dans leur recommandation à la Présidence de la Cour, avoir l’intention de rapprocher la procédure des communautés affectées par les faits reprochés à l’ancien chef rebelle.
Conformément à l’article 100 du Règlement de procédure et de preuve, la Cour peut, si elle estime que cela peut servir les intérêts de la justice, décider, dans un cas d’espèce, de siéger en dehors des Pays-Bas pendant une ou plusieurs périodes si nécessaire, pour tenir tout ou partie des audiences de l’affaire.
Le 3 juin 2013, dans l’affaire impliquant le vice-président kényan William Ruto et son compatriote, le présentateur radio Joshua Sang, les juges avaient recommandé à la Présidence de tenir l’ouverture ainsi que d’autres parties du procès au Kenya ou en Tanzanie. Ce qu’avaient d’ailleurs également souhaité les équipes de défense.
La recommandation n’avait toutefois pas été retenue, et il avait été décidé que l’intégralité du procès se tienne au siège de la Cour à La Haye. Les plus hauts responsables de la CPI avaient invoqué, entre autres, des raisons de sécurité, le coût onéreux de l’organisation des audiences en dehors de La Haye, le possible impact sur les victimes et les témoins et sur les autres procédures à La Haye.
Au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), siégeant Arusha, en Tanzanie, des chambres se sont transportées plusieurs fois sur les lieux des crimes, à la demande de la défense ou de l’accusation. Comme à la CPI, les déplacements requéraient au préalable l’approbation de la Présidence du Tribunal. A chacune de ces descentes au Rwanda, les accusés étaient cependant absents, n’y étant représentés que par leurs avocats. Dans le cas de la CPI, « l’accusé doit en principe être présent en personne, à moins que les juges en ordonnent autrement », a précisé à l’Agence Hirondelle le service des relations extérieures de la Cour.