Le gouvernement d’union libyen a renforcé jeudi son autorité balbutiante en prenant le contrôle du site internet des autorités non reconnues de Tripoli, dont le chef fait de la résistance.
La confusion qui règne à Tripoli démontre la fragilité du processus mis en oeuvre pour imposer le gouvernement d’union nationale soutenu par l’ONU et les grandes puissances désireuses de sortir la Libye du chaos.
Le Premier ministre désigné de ce gouvernement, Fayez al-Sarraj, a réussi depuis son arrivée à Tripoli le 31 mars à engranger de nombreux soutiens, dont celui d’institutions économiques.
Il a aussi obtenu le ralliement des autorités non reconnues qui contrôlaient lava capitale depuis août 2014. Mais le chef de ce gouvernement parallèle, Khalifa Ghweil, a surpris mercredi soir en annonçant qu’il refusait de partir et qu’il demandait à son cabinet de rester en poste.
Il était difficile d’évaluer jeudi le soutien dont bénéficie M. Ghweil, un ingénieur de Misrata, une ville située à 200 km à l’est de Tripoli d’où sont originaires des milices ayant combattu les forces de Mouammar Kadhafi durant la révolte de 2011.
Fort des ralliements obtenus ces derniers jours, le gouvernement d’union a conforté son pouvoir avec la prise de contrôle du site internet officiel, où le sceau de l' »Etat de Libye – Gouvernement d’union nationale » a remplacé celui du « gouvernement de salut national » de Khalifa Ghweil.
Un communiqué adressé au peuple libyen a annoncé jeudi que « le site internet du Premier ministre » était « dorénavant sous la supervision du Bureau d’information (…) du gouvernement d’union« . La liste des noms du gouvernement Sarraj y a remplacé celle de celui de Ghweil.
Réunion à l’ONU
C’est dans ce contexte incertain que l’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, Martin Kobler, doit rendre compte jeudi de sa mission sur l’installation d’un gouvernement d’union auprès du Conseil de sécurité, à New York.
Le diplomate allemand avait mardi soir salué le ralliement du « gouvernement » de Tripoli comme une « bonne nouvelle« , tout en ajoutant que « les actes devront suivre les paroles« .
L’ONU et les grandes puissances comptent sur M. Sarraj pour stabiliser le pays riche en pétrole – il dispose des plus importantes réserves d’Afrique -, qui est confronté à la montée en puissance du groupe jihadiste Etat islamique (EI), présent notamment dans la ville côtière de Syrte.
Ce processus de stabilisation s’annonce long et chaotique, avertissent les experts, qui soulignent toutefois le « pragmatisme » des responsables des différentes factions libyennes.
L’ONU exhorte depuis plusieurs jours les autorités qui contrôlent l’est du pays à adouber le gouvernement d’union, sur la base de l’accord interlibyen signé au Maroc en décembre 2015. Ce dernier a été approuvé par une courte majorité des députés du Parlement siégeant à Tobrouk (est), mais un vote solennel est nécessaire pour sa légalisation.
Pour tenter d’asseoir son autorité, le gouvernement d’union a ordonné mercredi à toutes les autorités l’ordre d’obtenir son feu vert pour effectuer toute dépense. Il compte pour cela sur la Banque centrale, qui lui a formellement apporté son soutien.
Mais, dans les administrations, l’incertitude perdure.
« Nous ne nous rendons plus au siège du gouvernement depuis plusieurs jours car on nous a demandé de ne pas venir« , a ainsi indiqué à l’AFP un fonctionnaire qui a préféré garder l’anonymat.
« M. Ghweil n’est plus venu depuis plusieurs jours et nul ne sait où il se trouve en ce moment« , a-t-il ajouté.
Khalifa Ghweil est apparu sur la scène publique de Tripoli en devenant en septembre 2014 l’adjoint d’Omar al-Hassi, nommé chef du gouvernement de salut national par la coalition Fajr Libya (Aube de la Libye).
Lorsque ce dernier a été limogé par le parlement de Tripoli en mars 2015, M. Ghweil l’a remplacé comme Premier ministre, un poste qu’il a cumulé avec celui de ministre de la Défense.