Le message radiotélévisé du chef de l’Etat dans la soirée du 18 mars, ayant trait à la gestion de la pandémie du coronavirus signalée en République démocratique du Congo le 10 mars dernier a fixé un train de mesures destinées à enrayer la propagation de la maladie à Kinshasa où elle a fait son apparition, mais aussi à préserver le reste du territoire national. Des mesures qu’il a lui-même reconnu « impopulaires », mais nécessaires dans un contexte d’urgence mondiale.
Dans ces conditions inédites et difficiles, il va de soi que le mode de fonctionnement de l’Etat s’en trouve entièrement remis en question. Et Félix Tshisekedi en est amplement conscient.
En déclarant, au cours de son allocution, qu’il présiderait très prochainement « une réunion interinstitutionnelle pour examiner avec les différents responsables le mode de fonctionnement de l’Etat en cette période exceptionnelle », le Président de la République, Félix Tshisekedi, devait avoir présent à l’esprit les défis qui se profilent à un horizon immédiat, et qui remettent en cause, voire viennent annihiler les ambitions des réformes multisectorielles et l’aboutissement, à terme de certains accords en voie de négociations dans le cadre du retour en programme avec les institutions de Bretton Woods, notamment.
Car exceptionnelle, la situation l’est effectivement. Tout d’abord, la réunion interinstitutionnelle devra se concentrer sur l’obligation de proposer au législateur un correctif budgétaire en adéquation de la loi des Finances 2020 avec les contraintes inattendues posée par une pandémie à l’évolution incertaine. Car si le pays est en guerre, il faut en trouver le nerf, qui se trouve être l’argent.
Dans ce combat qui s’annonce, les Régies financières seront aux avant-postes. Il s’agira de relever que le ralentissement d’une économie chinoise presque poussée à la récession, aura des répercussions certaines sur les recettes à l’exportation des produits miniers de RDC.
En effet, l’exportation du cuivre, du cobalt, et du coltan vers la Chine devaient rapporter 1,5 milliard en taxes douanières à la Direction générale des impôts et accises (DGDA),tel que prévu dans le budget 2020. Les développements liés au coronavirus pourraient amputer ces prévisions jusqu’au-delà de 70%, selon des spécialistes.
Quant au volume des accises, il devrait avoisiner les 10% des assignations, compte tenu de la fermeture, pendant une durée d’un mois des bars, restaurants, et du taux d’occupation dérisoire des chambres dans les hôtels d’un standing reconnu. Un délai susceptible de prolongation au regard de l’évolution de la pandémie, selon la déclaration du chef de l’Etat.
De même les recettes en impôts directs et indirects, projetées à 3 milliards de dollars, dont une grande partie devait provenir des entreprises minières dont les exportations ont d’ores et déjà en net recul, connaîtront une érosion dramatique du même ordre au moins jusqu’à la fin du premier semestre et connaîtront une chute les plaçant en deçà de 1 milliard de dollars.
Enfin, le budget 2020 prévoyait les recettes provenant du secteur pétrolier à plus de 450 millions de dollars, en misant sur le prix du baril à 65 USD. Or, le coronavirus en a réduit le prix à une moyenne de 35 dollars. Un état de fait qui amènerait à réviser les recettes à moins de 200 millions. Détail important : il devient de plus en plus urgent d’actionner les dispositifs d’élimination de la fraude fiscale et douanière qui souffrent depuis toujours de discours inopérants.
Ce tableau sombre n’incite à aucun optimisme quant à la reprise du programme avec le Fonds monétaire international dont la revue d’évaluation prévue à la fin du mois de mai parait bien compromise. D’où, l’Exécutif est invité à engager une série d’actions destinées d’une part à assurer le fonctionnement des institutions, mais également à mener à son terme la bataille avec un ennemi au développement tentaculaire.
Parmi ces actions, le chercheur Hubert Kabasu Babu propose, d’abord, « la rationalisation structurelle de la présidence par la réduction du moitié du personnel et des dépenses colossales de cette institution ». Ensuite, « il faut procéder à un remaniement du gouvernement en réduisant sa taille à 30 postes ministériels ». Ces deux actions, à elles seules, estime Kabasu Babu, peuvent permettre de réaliser des économies de plus de 50 millions de dollars. Des mesures courageuses qui, une fois appliquées, sauront asseoir durablement l’autorité du chef de l’Etat seul maître à bord dans les moments de grandes tragédies qui ébranlent la Nation.
Le Potentiel