Ca sent le roussi autour du Parc de Virunga, dans la province du Nord-Kivu. La guerre du pétrole a réellement commencé dans cette partie de la République. Depuis plus d’une décennie en effet, les fabuleuses réserves pétrolières de l’Ituri attirent des convoitises de tous les coins de la planète. Les multinationales spécialisées dans l’exploration et l’exploitation du pétrole multiplient les appels du pied en direction des décideurs politiques congolais. Des contrats conclus en bonne et due forme avec le gouvernement congolais ont dû être mis entre parenthèses à la suite de la levée de boucliers enregistrée du côté des Ong internationales et des autochtones.
La énième victime en date de la course à l’or noir congolais n’est personne d’autre que le Belge Emmanuel de Mérode, directeur du Parc de Virunga. Ce farouche défenseur de cet espace naturel de 800.000 hectares, a été blessé par balles le mardi 15 avril par des inciviques armés dont l’identité n’a pas été révélée.
Le fait que le directeur du Parc de Virunga ait échappé à la mort quelques jours après avoir fait parvenir au gouvernement congolais un rapport sulfureux démontrant les effets négatifs de l’exploitation pétrolière sur la faune et la flore de ce site, pousse à croire à une cabale planifiée par les chasseurs du pétrole. Selon certaines sources, la décision du gouvernement congolais de suspendre des recherches pétrolières dans cette réserve naturelle, après avoir au départ donné son feu vert aux Britanniques de Soco et aux Français de Total, pourrait expliquer ce qui est arrivé au pauvre Emmanuel de Mérode.
A en croire certains observateurs, le gouvernement congolais se trouverait toujours devant un choix cornélien : gagner des milliards du pétrole ou y renoncer au nom de la protection de 2.000 espèces végétales, plus de 200 espèces de mammifères dont 200 gorilles des montagnes menacés de disparition et plus de 700 espèces d’oiseaux. Il semble que l’abandon des pétrodollars ne serait pas accepté par certains officiels congolais et les représentants des sociétés pétrolières désireuses de s’installer dans le Parc de Virunga.
D’où, certains esprits voient, dans le contrat signé avec Soco sous prétexte des recherches à mener pour des fins scientifiques, une manœuvre de contournement de l’engagement du gouvernement congolais de ne pas sacrifier, sur l’autel des pétrodollars, ses okapi, rhinocéros blancs, hippopotames, éléphants, gorilles des montagnes, chimpanzés, léopards, lions, zèbres, antilopes, oiseaux, poissons, végétaux.
Quid des revenus pétroliers
L’argument-massue brandi par les tenants de la mise en valeur des hydrocarbures dont recèle le Parc de Virunga est qu’ils pourraient générer, chaque année, plusieurs milliards de dollars pour le trésor public congolais et contribuer, au développement économique et social des autochtones. Selon les mêmes estimations, le tourisme ne pourrait pas apporter à la RDC cinq milliards de dollars par an, comme soutenu par les défenseurs de l’environnement, au motif que le flux touristique ne dépasse pas les 10.000 visiteurs par an, pour une recette d’environ deux à trois millions de dollars.
Bref, au chapitre de la rentabilité, il n’y a aucune mesure entre les revenus du pétrole et ceux du tourisme. La question à se poser cependant est de savoir par où passent, depuis l’époque de Mobutu jusqu’à ce jour, les recettes que le peuple congolais est censé attendre de l’exploitation de son pétrole sur la côte Atlantique. Plusieurs débats ont été engagés à ce sujet au niveau du Parlement, sous le règne du mobutisme comme sous le Régime 1+4 ainsi que ceux issus des élus de 2006 et 2011, sans résultat.
L’impression que laisse la gestion des ressources pétrolières congolaises est qu’un petit carré d’initiés se partagent cette manne au détriment du grand nombre. D’où le doute qui habite de nombreux esprits lorsque s’annonce un nouveau feuilleton de bradage du pétrole national dans le Parc de Virunga. Etant donné que les Congolais d’en-bas ne trouvent pas leur compte dans l’utilisation des revenus du pétrole, beaucoup penchent pour la sauvegarde de l’environnement au détriment d’une manne pétrolière qui ne profite pas à la multitude.