Conscient du dicton de la Bible selon lequel tout royaume divisé ne survit pas, le président Joseph Kabila n’accepte pas que ses principaux collaborateurs au sommet de son camp de la Majorité se tiraillent pour affaiblir cette composante au pouvoir, raison du rappel des troupes à la réunion qu’il a présidée mardi à Kingakati pour dissiper la guéguerre surgie entre le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre.
Entre Augustin Matata Ponyo, Premier ministre, et Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale et secrétaire général de la MP, c’est le « je t’aime moi non plus ». L’étincelle qui a mis le feu aux poudres serait une émission télévisée initiée par le premier. La tension entre les deux est montée a telle enseigne le président Joseph Kabila a dû jouer au sapeur-pompier au cour de la réunion du bureau politique qu’il a présidée hier mardi à Kingakati. Il serait prématuré d’affirmer que le feu a été totalement éteint tant les deux personnalités ne cachent plus leur inimitié.
Deux personnalités, deux têtes couronnées de la MP, s’entredéchirent. Il s’agit d’Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale et secrétaire général de la MP et Augustin Matata Ponyo, Premier ministre. La goute d’eau qui a fait déborder le vase serait une émission diffusée sur les antennes de la télévision publique, la RTNC, au cours de laquelle il avait été fait état de l’apologie des réalisations du gouvernement Matata. Gros péché, s’est-on écrié dans la Majorité. Aubin Minaku a crié à l’imposture, estimant que l’action du Premier ministre faisait sérieusement ombrage à l’image du chef de l’Etat, autorité morale de la Majorité. Selon le SG de la MP, l’émission commandée depuis la primature ne réservait qu’une portion congrue au chef de la Majorité. Une insuffisance qui n’était pas du genre à contenter l’aile dure de la MP. C’est donc tout haut que Minaku, suivi par bien d’autres cadres de la Majorité, l’a épinglé sans se faire prier.
La nouvelle est parvenue jusqu’aux oreilles du chef de l’Etat. De ce fait, il était urgent pour l’autorité morale de la MP d’intervenir avant que l’on assiste à une bataille de chiffonniers. Il a pris le taureau par les cornes et rameutée ses troupes pour plus de cohésion et de discipline dans les rangs. C’est à quoi il s’est attelé le mardi dans sa ferme de Kingakati.
Matata et Minaku renvoyés dos à dos
Devant Joseph Kabila, commente-t-on dans les milieux de la Majorité, Aubin Minaku a fait part de son mécontentement, estimant qu’il était de son devoir, en sa qualité de secrétaire général de la MP, de veiller au respect des principes. Selon lui, Matata a fauté. A cet effet, il devait répondre de ses actes devant non seulement le bureau politique de la MP mais aussi son autorité morale.
De son côté, l’accusé Matata Ponyo ne s’est pas laissé faire. La riposte a pris les allures d’une résistance d’autant plus qu’à la Primature, l’on assure que les détracteurs cherchent plutôt des poux sur la tête d’un chauve! Le document télévisé mis en cause n’allait nullement à l’encontre du chef de l’Etat. A l’Hôtel du gouvernement, l’on prétend que toute l’action du gouvernement est calquée sur la dynamique de la vision du chef de Etat clairement définie au travers le concept de la Révolution de la modernité. Dans l’entourage du Premier ministre, Aubin Minaku ferait un procès d’intention à Matata Ponyo.
Quand Joseph Kabila joue au sapeur pompier
Ayant flairé le danger, l’Autorité morale a vite fait de battre le rappel des troupes. A Kingakati, l’émission querellée a été visionnée. A la fin, Joseph Kabila a, à la manière de Salomon, renvoyé Matata et Minaku dos à dos. Il aura joué à l’apaisement. Car, les deux « pugilistes » auraient fait profil bas en revoyant à la baisse leurs ardeurs. Au fond, soutiennent plusieurs sources, l’autorité morale aurait rappelé que la sérénité et la cohésion dans la communication au sein de la Majorité devraient être de strict respect pour éviter tout égarement dans les rangs.
En adoptant cette position qui le place au-dessus de la mêlée. Joseph Kabila a tenu à garder le contrôle de tous les clans qui se bousculent autour du lui. Dès lors, il espère maintenir l’équilibre au sein de sa famille politique. Toujours est-il qu’avec cette crise ouverte, des fissures au sein de la Majorité paraissent au grand jour. De quoi trouver les justifications sur le retard pris dans la formation du gouvernement de cohésion nationale.
Au sommet de l’Etat, aucune dispute n’est tolérable. Joseph Kabila le sait pertinemment bien. Cette distraction ne pouvait donc pas perdurer. L’intrusion de Kabila dans la brouille qui s’est créée entre Matata et Minaku va dans le sens d’éviter toute forme de distraction au sein de la Majorité. Il s’agit pour l’essentiel de garantir la poursuite de grands travaux de reconstruction du pays – cet engagement qui lie la Majorité jusqu’en 2016.
Le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre, tous les deux issus de la même Majorité voire du même parti ne pouvaient, à ce titre, se tirer à boulets rouges sur la place publique. Ils sont instamment invités à mettre de côté les divergences puériles pour une concentration optimale sur les objectifs assignés pendant la législature 2011 – 2016. Car, c’est sur cette base que le peuple entend exiger des comptes à la Majorité en 2016.
Le feu a-i-il été totalement éteint, pour autant? Difficile à dire, quand on connaît les ambitions des uns et des autres au sein de la Majorité au pouvoir par rapport aux prochaines échéances électorales. Le positionnement cet le repositionnement qui les étreint est tel qu’ils anticipent en s’empoignant avant le coup de grâce. En grattant un peu plus. L’on découvrirait qu’Aubin Minaku et Matata Ponyo ne sont les seuls membres de la MP à se rentrer dedans.
Les autres le font en dessous des tables et par personnes interposées. L’incertitude à l’horizon 2016 rend les membres de la MP et alliés frileux. Si bien que le bateau mis à flots en 2006 serait à la merci des vents contraires qui risquent de le faire chavirer si l’on ne prend garde. La rencontre de Kingakati a donné la pleine mesure du torchon brûle au sein de la famille politique présidentielle.
Via Le Potentiel