Les arrestations ces jours-ci par l’armée congolaise de réfugiés sud-soudanais et le renforcement des contrôles à la frontière semblent témoigner de la volonté de la RDC d’empêcher les rebelles sud-soudanais de trouver refuge sur son sol.
Des centaines de civils sud-soudanais ont fui vers la République démocratique du Congo après la prise de contrôle la semaine passée par les forces gouvernementales du fief rebelle de Lasu, dans la région de l’Equateur (sud).
Les autorités congolaises ont arrêté 18 d’entre eux, soupçonnés d’être membres de la rébellion sud-soudanaise (SPLA-IO), qui combat le gouvernement depuis quatre ans, dans une guerre civile qui a fait des dizaines de milliers de morts et dévasté le pays.
Quinze de ces 18 personnes ont ensuite été libérées. « C’étaient des réfugiés qui ont été arrêtés parce qu’ils étaient retournés au Soudan du Sud sans autorisation. Trois restent en détention parce qu’ils sont soupçonnés d’être des rebelles », a expliqué à l’AFP Alexis Kabambi, qui dirige la Commission nationale pour les réfugiés (CNR) à Aba, dans le nord-est de la RDC.
Même si la plupart ont été relâchés, c’est la première fois que les autorités congolaises arrêtent tant de Sud-Soudanais, ce qui pourrait signaler un changement d’attitude de Kinshasa à l’égard du conflit au Soudan du Sud.
Jusqu’à il y a peu, les membres de la SPLA-IO circulaient relativement librement vers Aba, une ville dont ils dépendaient pour leur approvisionnement et pour faire soigner leurs blessés.
Mais depuis la visite commune de l’ambassadeur du Soudan du Sud en RDC et du ministre congolais de la Défense à Aba au printemps, les autorités locales ont commencé à limiter le flux de personnes passant la frontière, selon un leader communautaire sud-soudanais établi à Aba et un responsable de la SPLA-IO s’exprimant sous couvert de l’anonymat.
Ce renforcement des contrôles est un coup dur pour ceux qui retournent au Soudan du Sud pendant la saison des récoltes pour tenter d’apporter un complément à l’allocation qu’ils reçoivent en tant que réfugiés, insuffisante pour nourrir leur famille.
Quand les combats ont éclaté à Lasu, un frère et une sœur, Grace Gaba et Joseph Moro, se sont précipités vers leur village pour aider un parent plus âgé à traverser la frontière et ramener le bétail de la famille. Mais quand ils ont voulu rentrer en RDC, Joseph a été arrêté.
« Je n’ai pas eu de nouvelles de lui depuis », se plaint Gaba, qui insiste sur le fait que son frère n’est pas un soldat. Ils n’avaient pas obtenu la permission de retourner au Soudan du Sud, ce qui a peut-être attiré l’attention sur eux à leur retour.
– Extradés vers le Soudan du Sud –
« Ce mouvement pendulaire n’est pas apprécié par les services de sécurité (…) Quand tu rentres de l’autre côté, tu es suspect », explique M. Kabambi.
Pour les officiels congolais, les liens sont étroits entre la rébellion et les réfugiés. « Nous savons que les femmes et les enfants sont dans le camp, pendant que les maris font partie de la rébellion », a déclaré un policier lors d’un récent rassemblement de réfugiés à Aba.
Il a appelé les ex-combattants à se signaler d’eux-mêmes aux autorités congolaises pour « leur propre protection ». Mais les jeunes Sud-Soudanais proches de la rébellion ne leur font aucune confiance.
« Je ne sais pas quelle est leur position, c’est pour ça que je suis en danger. Si je suis arrêté, ils pourraient me torturer et me remettre au gouvernement sud-soudanais », craint un rebelle qui cherche à obtenir le statut de réfugié en RDC.
Ce jeune homme prévoit d’installer sa famille dans un camp de réfugiés, avant de lui-même retourner au Soudan du Sud reprendre le combat au sein de la rébellion.
Le gouvernement sud-soudanais et la SPLA-IO ont conclu un accord de cessez-le-feu entré en vigueur dimanche. Mais les deux camps se sont immédiatement mutuellement accusés de l’avoir violé.
La loi internationale prévoit qu’un pays tiers a pour obligation de désarmer et cantonner les anciens combattants jusqu’à l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu ou jusqu’à ce qu’ils renoncent effectivement à toute activité militaire. Ils peuvent ensuite réclamer l’asile politique.
Mais les procédures suivies par les autorités congolaises semblent aller à l’encontre de ces dispositions.
« Une fois que tu as porté les armes, que tu as fui et que tu es venu ici, tu es considéré comme militaire », résume M. Kabambi. L’armée congolaise « prend ensuite des dispositions pour coopérer avec le gouvernement sud-soudanais, pour voir de quelle manière ces gens peuvent être extradés dans leur pays. »
par Simona FOLTYN