Des catholiques de Kinshasa ont promis vendredi de marcher dimanche contre le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila, au terme d’une prière pour la paix en République démocratique du Congo à l’appel du pape François.
Des centaines de fidèles ont participé à des messes dans des paroisses de la capitale et à d’autres exercices spirituels durant la journée.
Cette journée de prière a lieu à 48 heures de l’organisation d’une troisième marche pacifique prévue dimanche après la messe à l’appel du Comité laïc de coordination (CLC, un collectif proche de l’Église catholique) pour demander au président Kabila de déclarer publiquement qu’il va bien quitter le pouvoir.
Interdites, leurs dernières marches ont été réprimées à balles réelles, faisant une quinzaine de morts d’après l’Église, deux selon les autorités. Le CLC a le soutien de l’épiscopat, qui a demandé aux Congolais de « demeurer debout et vigilants ».
Dans la soirée, des groupes composés essentiellement de jeunes gens se sont constitués dans la paroisse Saint François de Sales de Kintambo (centre), où une aspirante à la vie religieuse de 24 ans, Thérèse Kapangala, avait été tuée par balles lors d’une précédente marche.
« Nous réfléchissons avec nos prêtres sur la meilleure stratégie pour encadrer la marche et mettre hors d’état de nuire des infiltrés », explique à l’AFP Eddy, un étudiant en droit « requinqué » par la prière de la journée.
A la paroisse Saint Michel dans la commune voisine de Bandalungwa, c’est une ambiance similaire qui régnait après le chemin de croix qui a clôturé la journée.
« Nous marcherons. Il n’y a aucun doute. Si le président Kabila et les autorités ont réellement la volonté de respecter la Constitution, nous marcherons sans incident », a confié à l’AFP Feudor Luyindula, un jeune homme d’une trentaine d’années.
Le Comité laïc de coordination a informé le gouverneur de la ville de Kinshasa de l’organisation de cette marche dans une lettre datée du 20 février.
« Le dimanche 25 février, les chrétiens de la ville de Kinshasa marcheront pacifiquement à partir des différentes paroisses afin de dire non à la dictature, obstacle majeur à l’organisation des élections libres, transparentes, crédibles et apaisées », selon ce courrier consulté par l’AFP.
Vendredi, cette marche n’était « ni autorisée, ni interdite » par les autorités de Kinshasa.
– ‘Réponse mystique ‘ –
Deux responsables de société de téléphonie mobile ont affirmé vendredi à l’AFP avoir été « convoqués » samedi « à 09H00 (08H00 GMT) au Fleuve Congo hôtel » par le nouveau conseiller spécial du chef de l’État en matière de sécurité, Jean Mbuyu, « pour une séance de travail », sans plus de détails.
Interrogées par l’AFP, les sources de la présidence se sont refusées à tout commentaire.
Lors des précédentes marches similaires, les autorités avaient coupé l’internet la veille avant de le rétablir quelques jours plus tard, suscitant des protestations des usagers et de la communauté internationale.
Dans une déclaration conjointe, l’Union européenne, les États-Unis, la Suisse et le Canada ont appelé « tous les acteurs congolais à s’abstenir de toute violence, et à assurer un déroulement pacifique des manifestations ».
« Lorsque nous marcherons dimanche, nous ne serons pas seuls. Le pape sera avec nous en esprit. Il nous soutient. C’est bon de le savoir puisque ça motive davantage », a témoigné Gisèle Mukadi, une mère de trois enfants.
L’église catholique congolaise est à couteaux tirés avec le pouvoir de Kinshasa depuis la première marche du CLC le 31 décembre 2017.
Les cloches sonnent chaque jeudi de 21H00 à 21H15 dans les paroisses afin de demander le respect d’un accord politique conclu le 31 décembre 2016 sous l’égide de l’épiscopat. Celui-ci prévoyait des élections en décembre 2107 après l’expiration du second mandat du président Kabila fin 2016. Des élections sont maintenant prévues le 23 décembre 2018.
Pour Luc Kabaidi, vendeur dans un magasin tenu par des Indo-Pakistanais, les catholiques vont donner « une réponse mystique à la crise artificiellement créée au Congo ».
En début de semaine, l’épiscopat avait demandé aux autorités d' »annuler » les interdictions de marches ainsi que « les poursuites et les menaces à l’endroit des organisateurs » de ces manifestations.
L’opposition et la société civile soutiennent l’organisation de cette marche.