RDC : difficile partage du pouvoir à Kinshasa

RDC: «l'arrangement particulier» de l'accord toujours en discussion

La nomination du nouveau Premier ministre, du gouvernement, du Conseil national de suivi et les mesures de « décrispation » politique pourraient encore prendre de très longues semaines. La mise en oeuvre de l’accord politique de la Saint-Sylvestre pourrait prendre beaucoup trop de temps pour organiser les élections dans les délais, avant décembre 2017.

A peine signé, l’accord politique censé sortir la RDC de la crise politique est déjà malmené. Si la majorité présidentielle (MP) a bien signé le document, en émettant des réserves, c’est du côté de l’opposition que les violons peinent à s’accorder. En cause : le difficile partage du gâteau politique pendant la transition. Le MLC de Jean-Pierre Bemba n’a toujours paraphé le document de décembre. Sa secrétaire générale, Eve Bazaïba n’a pas apprécié la mainmise du Rassemblement sur les deux postes clés : la présidence du Conseil de suivi et le poste de Premier ministre. D’autant que ces deux fonctions pourraient être occupées par les Tshisekedi père et fils : « Etienne surveillant la bonne exécution de l’accord par le gouvernement du fils ». Un conflit d’intérêt embarrassant pour Eve Bazaïba, alors que le MLC n’a visiblement obtenu aucun poste-clé dans le compromis de la Saint-Sylvestre.

La Primature toujours dans la balance

La course à la Primature aiguise également tous les appétits. En dehors de Félix Tshisekedi, qui tient la corde pour occuper le poste de Premier ministre, de nombreux caciques du Rassemblement s’y seraient bien vus. Plusieurs noms circulaient ces derniers jours : Valentin Mubake, Katete Katoto (le frère de Moïse Katumbi), Olivier Kamitatu, Freddy Matungulu ou encore Martin Fayulu… Si les candidats ne manquent pas, l’actuel Premier ministre, en poste depuis seulement quelques semaines, traîne des pieds pour démissionner. Samy Badibanga, éphémère chef de gouvernement issu de l’accord mort-né du 18 octobre, refuse toujours de signer le compromis politique du 31 décembre, espérant gagner quelques semaines ou au mieux quelques mois à la tête du gouvernement. La majorité présidentielle défend d’ailleurs cette option, puisque pour Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement, « il n’y a pas d’urgence » pour former le nouvel exécutif, « il faut attendre la session parlementaire ordinaire de mars ». Au final, c’est bien entendu le président Joseph Kabila qui aura le dernier mot, mais on peut penser que le chef de l’Etat ne doit pas être mécontent du « glissement » et des atermoiements de la mise en oeuvre de l’accord… un glissement qui, comme le précédent report de l’élection présidentielle, pourrait lui être favorable, puisque l’accord prévoit que Joseph Kabila reste en fonction jusqu’à l’élection d’un nouveau président.

La (trop) longue mise en oeuvre de l’accord

Du côté du Rassemblement on se veut rassurant sur la mise en place du nouveau gouvernement : « fin janvier, ce sera terminé » assure-t-on. Concernant la signature du MLC, l’affaire devrait être réglée en début de semaine et le G7 est rentré dans le rang concernant la Primature en acceptant que l’UDPS d’Etienne Tshisekedi « propose le nom du prochain Premier ministre. » Pourtant, la mise en oeuvre de l’accord pourrait encore prendre de longues semaines (ou de longs mois). Après la nomination du nouveau Premier ministre, la taille du gouvernement et le partage des postes feront l’objet d’âpres négociations, puis viendront les membres du Conseil national de suivi à désigner. Entre-temps, le délicat dossier des prisonniers politiques et des poursuites judiciaires à l’encontre d’opposants devraient également traîner en longueur. Ce sont les évêques de l’Eglise catholique qui seront chargés de la « décrispation » politique, en obtenant la libération d’Eugène Diomi Ndongala et Jean-Claude Muyambo et la fin des poursuites judiciaires contre Moïse Katumbi, actuellement en exil en Europe, et qui vient de renouveler sa candidature pour la prochaine présidentielle. Mais encore une fois, Joseph Kabila sera tenté de jouer la montre pour ne pas organiser les élections en décembre 2017, comme prévu. Le couplage de trois élections, le manque d’argent et la difficulté de réviser à temps le fichier électoral pourraient une nouvelle fois retarder le processus électoral… prolongeant d’autant Joseph Kabila à son poste.

Christophe RIGAUD – Afrikarabia

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