Est-elle venue avec une décision ? Vraisemblablement, l’émissaire de Donald Trump était lotie d’un schéma précis pour la sortie de crise en République Démocratique du Congo. Tout est centré sur l’organisation des élections attendues par la population ; d’aucuns ont conclu même que les Usa ont coupé la poire en deux, en situant l’organisation des élections dans ce pays, alors que l’opposition en appelle à l’organisation des scrutins cette année, tandis que la majorité rêve de 2019. Pour les Usa, l’essentiel est à faire en 2018. Pas de prolongation, avertit l’administration Trump. L’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, qui a clôturé son séjour congolaise, a, de ce fait, déclaré : « Le président de la Ré- publique doit dire que les élections doivent être organisées en 2018. La voie pour avoir les élections crédibles, c’est que tout le monde mette la main dans la pâte. Nous n’appuierons pas le calendrier électoral si ce calendrier ne spécifi e pas que les élections auront lieu en 2018 ». La diplomate a insisté pour que «les élections soient organisées en 2018 sinon la RDC ne pourra pas compter sur le soutien des Etats-Unis et de la communauté internationale». Bien qu’aucune déclaration n’a été faite après sa rencontre avec le président Joseph Kabila, l’ambassadrice amé- ricaine aux Nations unies, a lâché quelques bribes à l’issue de sa rencontre avec le président de la CENI. « Nous n’allons pas appuyer un calendrier qui ne montre pas clairement que les élections seront tenues en 2018 », a-t-elle précisé, avant d’expliciter : « Cela est possible si toutes les parties s’impliquent». Consciente de la complexité de la mouture retenue par les politiciens, l’envoyée du président américain a préconisé la révision de l’Accord du 31 décembre 2016, question certainement de privilégier la présidentielle qui passe pour le ventre mou du climat politique et social actuel au pays. En effet, l’Accord politique du 31 décembre 2016 pré- voit l’organisation en une séquence des élections présidentielle, législatives et provinciales. La concentration de ces 3 scrutins rend impossible l’organisation des élections en 2018, d’après la Centrale électorale qui a avancé un délai de 504 jours à partir de la fi n de l’enrôlement dans le Kasaï en janvier 2018.
Les 7 demandes des Evêques catholiques
A l’issue de la rencontre avec l’ambassadrice américaine, les prélats catholiques, membres de la CENCO (Conférence Épiscopale Nationale du Congo), ont déclaré avoir transmis à leur hôte le désir ardent du peuple congolais d’ « obtenir l’appui de la communauté internationale afin d’organiser les élections d a n s le délai convenu ». Comme ils l’avaient fait outreAtlantique, les évêques catholiques ont appelé à « la solidarité effective du gouvernement et du peuple américain » pour mettre fi n à l’impasse politique en cours en RDC. Ils ont ainsi ramassé leur ré- clamation en 7 demandes précises articulées ci-dessous : Ci-dessous les 7 demandes des évêques aux américains:
1. Aider le peuple congolais à faire aboutir le processus électoral dans un délai convenable et acceptable par toutes les parties prenantes,
2. Obtenir des acteurs politiques le respect effectif de la Constitution et l’application intégrale de l’Accord de la Saint-Sylvestre,
3. Recommander à la CENI la publication rapide d’un calendrier électoral, réaliste et précis, qui permettra d’organiser les élections crédibles, transparentes et apaisées,
4. Demander au chef de l’État un engagement explicite de ne pas se présenter comme candidat aux prochaines élections,
5. Obtenir du pouvoir en place la cessation des répressions contre les manifestations pacifiques, et des violations graves des droits humains ainsi que le respect des principes démocratiques,
6. Encourager le Pouvoir de poursuivre de manière substantielle l’application des mesures de décrispations pré- vues dans l’Accord de la Saint Sylvestre, qui constituent un préalable incontournable pour le démarrage d’un processus électoral apaisé,
7. S’impliquer afin que le groupe d’experts désignés à la 72è Assemblée Générale des Nations Unies, ait un pouvoir opérationnel au sein de la CENI. Ce faisant, les évêques entendent se réunir dans quelques semaines en assemblée plénière, pour évaluer l’évolution de la situation. « Elle voulait avoir une idée de la situation générale et savoir ce que nous attendons de la communauté internationale. Les évêques lui ont dit attendre de la communauté internationale, comme la communauté nationale, un appui dans le sens de ce que le peuple congolais attend, les élections dans les meilleurs dé- lais », a dit l’Abbé Donatien N’shole, le porte-parole de la Conférence épiscopale nationale du Congo. L’opposition en front commun Nikki Haley a ensuite rencontré les leaders de l’opposition Vital Kamerhe (UNC), Eve Bazaiba (MLC), Felix Tshisekedi (UDPS) et Pierre Lumbi (MSR). Ces derniers ont insisté sur le respect de l’accord du 31 décembre 2016. Les leaders de l’opposition ont retrouvé leur unité pour faire un Front commun devant l’ambassadrice des États-Unis aux Nations Unies afi n d’obtenir l’organisation des élections dans les délais fi xés par l’Accord du 31 décembre. « Nous avons réfl échi ensemble. Nous avons défendu le même point de vue par rapport à la sortie de la crise dans notre pays parce que nous savons défi nir cette crise », a déclaré Eve Bazaiba, porteparole de la délégation, au sortir de l’entretien avec l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Nikki Halley. Un mémo signé par Félix Tshisekedi, Pierre Lumbi, Vital Kamerhe, Eve Bazaiba a été remis à Nikki Haley à l’issue de la rencontre du vendredi 27 octobre à la résidence de la chargée d’affaire américaine en RDC. Alors que Nikki Halley a souhaité voir les élections organisées en 2018, dans ce document, les pré- cités ont convergé sur la nécessité du retour à l’ordre Constitutionnel en RDC à travers l’organisation des élections dans le délai convenu dans l’accord de la Saint Sylvestre. « Nous avons une Constitution. Nous avons signé un accord qui a prévu les élections au plus tard le 31 décembre 2017 », a rappelé la porte-parole de la délégation. « J e p e n s e q u ’à p a r t i r d’aujourd’hui le peuple dans son ensemble peut encore nous redonner confiance pour que nous puissions trouver des solutions », a conclu Mme Bazaiba.
La dernière réaction en date est celle de la Dynamique de l’opposition, plateforme membre du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, pilotée par le député national Martin Fayulu Madidi. En effet, dans un communiqué publié le samedi 28 octobre 2017, son coordinateur Martin Fayulu affi rme avoir suivi avec intérêt la déclaration de l’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, à l’issue de sa rencontre avec le président de la CENI, insistant sur l’organisation des élections en 2018. Pour le président national de l’Ecidé, «les élections crédibles et transparentes doivent être organisées à l’issue d’une transition citoyenne sans le président Joseph Kabila qui demeure le goulot d’étranglement du processus électoral». La Dynamique saisit cette occasion pour appeler le peuple congolais à se mobiliser pour contraindre Joseph Kabila à quitter le pouvoir au plus tard le 31 décembre, date retenue au dialogue du Centre interdiocésain pour l’organisation de la présidentielle ainsi que des législatives nationales et provinciales. L’envoyée spéciale du président Donald Trump à Kinshasa et le pré- sident Aubin Minaku ont notamment discuté de la révision de la loi électorale et la loi sur la répartition des sièges.
Les larmes de She Okutundu
C’est sur le coup de 15h35, le vendredi 27 octobre 2017, que Mme Nikki Haley, représentante permanente des Etats-Unis aux Nations Unies, a été reçue au Palais de la Nation à la tête d’une forte délégation. Conduite par le Vice-Premier ministre et ministre congolais des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, elle a été reçue par le Chef de l’Etat en audience pendant près de deux heures dans un entretien qui s’est déroulé en tête à tête mais à huis clos. « Ce fut un moment de convivialité » pendant lequel tout devrait avoir été passé en revue, aurait indiqué un proche collaborateur du président de la République, « mais je ne peux en dire plus, ni sur les sujets abordés ni si tout ce que nous avons annoncé et préparé a été passé en revue ». Quand bien même aucune déclaration officielle n’a été faite, on croit savoir que l’audience a porté essentiellement sur la situation politique, le processus électoral, la situation sécuritaire et le redimensionnement de la Monusco. Toutefois, Léonard She Okitundu, vice-Premier ministre et ministre congolais des Affaires étrangères n’était pas du tout content de la déclaration de l’Ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, demandant la tenue des élections en 2018. « On ne peut pas décréter une date pour organiser les élections. On organise les élections en tenant compte de tous les paramètres techniques, logistiques et fi nanciers », a dit le ministre congolais dans une interview sur Radio France internationale. L’Ambassadrice américaine a affi rmé, à l’issue de sa rencontre avec le président Kabila vendredi à Kinshasa, qu’elle avait « clairement fait savoir que les Etats-Unis voulaient voir des élections en République démocratique du Congo en 2018″, et que son pays n’accepterait « plus aucun report. » «Une relation avec les EtatsUnis dépend de la façon dont il [Kabila] agira à l’avenir », a-t-elle déclaré. « Le président Kabila a la capacité de soutenir cela ou non, mais nous avons la capacité de prendre nos décisions en fonction de cela. » Pour le ministre Okitundu, y a aussi la problématique sécuritaire. « (…) Si d’après la Céni, toutes ces conditions sont remplies pour l’année prochaine, il n’y a pas de problème : les élections seront organisées », dit-il. M. Okitundu s’ est offusqué autant de la sortie de Mme Haley: « c’est quand même nécessaire d’écouter, un petit peu, le point de vue du pouvoir organisateur des élections, qui base l’élaboration du calendrier sur des données objectives et non pas imaginaires. S’il y a une recette magique pour que les élections soient organisées le plus rapidement possible, il faut qu’on nous le dise. »
Louis-Paul Eyenga