RDC: l’épiscopat plaide pour le retour de l’opposant Katumbi

Quand Moïse Katumbi tousse, Kinshasa sombre dans la panique

L’épiscopat catholique congolais a plaidé dans un rapport confidentiel auprès du président Joseph Kabila pour que l’opposant Moïse Katumbi, candidat déclaré à la prochaine présidentielle et condamné par la justice, retourne en « homme libre » en République démocratique du Congo après un an d’exil.

Ancien gouverneur du Katanga (Sud est) et ex-allié de poids de M. Kabila passé à l’opposition en septembre, M. Katumbi a été autorisé par la justice à se rendre à l’étranger pour suivre des soins médicaux depuis mai 2016.

Il a été condamné à trois ans de prison pour spoliation d’immeuble appartenant à un ressortissant grec, Emmanuel Stoupis, et attend de comparaître devant la justice pour une affaire de recrutement présumé de mercenaires. Les autorités ont promis de l’arrêter dès son retour au pays.

Dans ce rapport remis le 29 mars au président Kabila, et dont l’AFP a obtenu une copie mercredi, la conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) plaide pour « le retrait » de la décision d’arrestation immédiate de M. Katumbi et « son retour en homme libre afin qu’il exerce ses droits civils et politiques » en RDC.

Les évêques qualifient de « mascarade », sa condamnation par la justice congolaise.

Ce rapport a été établi à l’issue d’une enquête menée par la Cenco, alors qu’elle conduisait la médiation entre pouvoir et opposition ayant abouti à la signature le 31 décembre d’un accord de sortie de la crise politique née du maintien de M. Kabila à la tête de la RDC au delà du terme de son mandat qui a échu le 20 décembre.

Les signataires de cet accord, exceptés les délégués de la majorité, ont chargé les évêques « de recueillir » des informations pouvant permettre d’obtenir la « liberté » pour les opposants Katumbi et Jean-Claude Muyambo en vue de la décrispation de l’espace politique en RDC.

Originaire du Katanga (comme Katumbi et Kabila) ayant fait fortune comme avocat d’affaires, M. Muyambo est reconnu par la justice congolaise coupable d’avoir vendu illégalement à son profit plusieurs immeubles appartenant également à M. Stoupis et condamné en avril à cinq ans de prison en appel.

Ancien ministre passé à l’opposition en novembre 2014, il a été l’un des meneurs de la contestation de janvier 2015 contre le pouvoir. Plusieurs dizaines de personnes avaient alors été tuées pendant trois journées d’émeutes dans Kinshasa, du 19 au 21 janvier. M. Muyambo avait été arrêté au deuxième jour de ces troubles.
-‘Mascarades’-

Comme Katumbi, son nom figure sur une liste de plusieurs détenus que l’opposition considère comme des « prisonniers politiques » et dont elle demande l’élargissement dans le cadre de « mesures de décrispation » prévues par l’accord de la Saint-Sylvestre.

« Les deux procès ne sont que des mascarades », lit-on dans le rapport de la Cenco.

La Commission mise en place par l’épiscopat estime que les « actes et pièces pour lesquels M. Moïse Katumbi est mis en cause sont fabriqués dans le seul but de l’inviter [au] procès et le condamner », laissant « croire que le procès collé à M. Katumbi Chapwe est plutôt un règlement de compte purement politique ».

Tout en se demandant si les évêques « ne contribuaient pas à la radicalisation » des opposants, un haut responsable de la majorité ayant requis l’anonymat s’est dit « étonné qu’un rapport fait au chef de l’Etat se retrouve en public comme si on voulait enlever à la justice sa liberté ».

Interrogé par l’AFP, le porte-parole du gouvernement Lambert Mende a estimé que « c’est à la justice » que les évêques « devraient adresser une requête » et non au chef de l’État.

Christophe Lutundula, un responsable du G7 – coalition de sept partis d’opposition qui soutient la candidature de M. Katumbi – s’est félicité du « courage » des évêques et de « leur sens de responsabilité et d’impartialité » dans cette affaire.

« Il appartient au président Kabila de démontrer qu’il est le garant de la nation (…) en autorisant que Moïse Katumbi rentre en homme libre au pays », a-t-il ajouté, joint au téléphone de Bruxelles où il séjourne.

Âgé de 45 ans, M. Kabila est au pouvoir depuis 2001 et la Constitution lui interdit de se représenter.

Il reste à la tête du pays en vertu d’une décision controversée de la Cour constitutionnelle, finalement avalisée par l’opposition dans l’accord de la Saint-Sylvestre en contre partie de la mise en place d’un gouvernement de transition dirigé par une personnalité de l’opposition.

Ce compromis prévoit la tenue d’une présidentielle avant la fin de l’année, mais sa mise en œuvre tarde et le respect de cette échéance apparaît chaque jour plus hypothétique, alors que le climat politique se tend davantage.

(AFP 04/05/17)