Dans le Sud-Kivu, de la plaine de Fizi aux hauts plateaux, des attaques contre les civils et affrontements entre les groupes armés se multiplient ces derniers mois. La commune rurale de Minembwe est l’un des points de tension les plus importants. L’armée congolaise et la Monusco renforcent leur présence. La communauté banyamulenge se dit menacée par des combattants, congolais comme étrangers.
Parmi les forces qui secouent cette portion du territoire congolais, les Yakutumba et autres groupes maï-maï sont sans doute les plus importants. Issus des communautés Bafuliro, Babemba et Banuyindi, ce sont eux qui menacent les plus directement Minembwe.
Là-bas, côté Banyamulenge, il y a des milices d’autodéfense et les Gumino. Mais cette fois, les Maï-Maï Yakutumba ne les attaquent pas seuls. Ils se sont coalisés avec des rebelles hostiles au régime de Bujumbura, les FNL et les Red Tabara. C’est ensemble, Congolais et Burundais, qu’ils brûlent les villages banyamulenge et volent leurs vaches, au risque de provoquer des conflits sans fin.
En 2013, les Gumino affirmaient avoir bloqué les mouvements du M23 au Sud-Kivu, une rébellion que l’on disait soutenue par Kigali. Six ans plus tard, une partie d’entre eux se sont alliés à un groupe qui se revendique du général rwandais Kayumba Nyamwasa, dissident de Paul Kagame.
Les habitants de Minembwe évoquent aussi la présence des FDLR, les rebelles hutus rwandais, mais il s’agirait plutôt d’un de leurs groupes dissidents, le CNRD, qui serait localisé à 45 km de Minembwe. Rebelles burundais contre rwandais. Les deux pays sont à couteaux tirés et s’accusent l’un l’autre de soutenir leur rébellion respective. Et c’est la communauté Banyamulenge qui semble le plus pâtir de cette guerre par rébellions interposées.
Ils viennent pour faire peur à la population, pour causer les déplacements, pour que les gens prennent la fuite… (…) Après votre sortie de la maison, ils incendient la maison, tuent les vaches, ils détruisent les récoltes. L’objectif est de vous faire partir du territoire. Nous demandons une enquête internationale…
Projet d’un DDR « communautaire »
L’armée congolaise et la Monusco renforcent leur position à Minembwe. Mais la mission onusienne plaide aussi pour la mise en place d’un programme communautaire de désarmement et de réinsertion pour les combattants du Sud mais aussi du Nord Kivu. Il faut proposer aux jeunes des alternatives pour éviter d’être instrumentalisé, explique le chef du bureau de la Monusco au Sud Kivu, Karna Soro.
Cette nouvelle formule de DDR «communautaire» vient des communautés, des ex-combattants. (…) Cela recouvre essentiellement que l’aspect de prise en charge sera fait ensemble avec les communautés.
L’idée d’un DDR « communautaire » n’est pas neuve, des démarches ont même été entreprises. D’abord, ce projet n’a concerné que les provinces du Nord et du Sud-Kivu. En mai dernier, un arrêté interprovincial a même été signé. Il porte création d’une commission interprovinciale d’appui à la sensibilisation, au désarmement, démobilisation et réinsertion communautaire.
Cinq mois plus tard, le même projet est posé sur la table des gouverneurs de l’Ituri, du Maniema et du Tanganyika. Ces cinq provinces se donnent d’ici à juin prochain pour commencer leurs activités et leurs gouverneurs disent vouloir tirer les leçons de l’échec des processus DDR antérieurs.
Le constat est que les communautés n’étaient pas suffisamment impliquées, il n’y avait aucun cadre consensuel, partagé aussi bien par le gouvernement que par les partenaires au développement, le secteur privé et la société civile, précise un document signé par les cinq gouverneurs.
En RDC, ces dernières années, la Monusco avait été contrainte à plusieurs reprises de fournir de la nourriture aux anciens combattants, ces démobilisés avaient plusieurs fois été réprimés dans le sang pour avoir réclamé une amélioration de leurs conditions d’existence.
« L’argent du programme national de DDR s’est toujours évaporé avant d’arriver en province », déplore un officiel. Rares étaient les bailleurs de fonds qui acceptaient d’y contribuer. « Il faut une structure qui soit crédible, qui rassure les partenaires », recommande le chef de bureau de la Monusco à Bukavu.